La concierge
J’étais juste en train de cirer les rampes d’escalier en bois, il faut que ça brille, dit Mme B, c’est la propriétaire de l’immeuble, elle me le dit toujours, il faut que ça brille et que ça sente le propre, ici, c’est une maison respectable, je suis bien d’accord, et je venais de passer la serpillère sur les marches de haut en bas, les quatre étages, mais attention, ça a eu le temps de sécher, donc ce n’était vraiment pas de ma faute, alors donc, Mme L. du troisième est sortie de son appartement, elle est assez âgée, mais très alerte, et elle trottine toujours dans les couloirs avec ses bottines lacées à l’ancienne, ses longs colliers qui cliquettent et ses mains gantées, elle a l’habitude des escaliers, mais ce matin, elle a dévissé, elle a dû rater une marche après le deuxième palier, elle a crié, s’est accrochée à la rampe comme elle a pu, mais elle a quand-même chuté durement, j’étais tout de suite là, je voulais l’aider à se relever, mais sa jambe gauche était tordue, comme j’ai soupçonné une fracture, j’ai appelé une ambulance. Heureusement l’hôpital n’est pas loin…vous me direz que je ne suis pas docteur, mais sa jambe était un peu tordue, elle avait mal, ça se voyait, alors, j’aurais dû attendre ?
L’étudiante
J’ai entendu un grand bruit de dégringolade, un cri aigu, je suis sortie en vitesse et je me suis précipitée vers l’escalier. C’était ma voisine qui était tombée dans l’étage en dessous, cette pauvre petite dame toute frêle, j’ai dévalé l’escalier pour voir ce que je pouvais faire, il y avait déjà la concierge, elle était en train d’appeler une ambulance, Mme L. était toute pâle, elle semblait mal en point, enfin, à ce que je voyais, je ne suis pas médecin, je fais des études de littérature, mais j’ai quand-même mon bon sens, et les secours sont arrivés très vite. Elle souffrait, ça se voyait, j’ai ramassé son sac, tout était éparpillé, les clefs, le porte-monnaie, un tube de médicament, je crois qu’elle a des problèmes de cœur, et un petit mouchoir en dentelle tout brodé, très joli et qui était parfumé à la rose. Et dans l’escalier, ça sentait l’encaustique. Mais je suis là à faire un inventaire qui ne me regarde pas, j’ai proposé de venir avec l’ambulance, mais les brancardiers ont juste demandé des détails, elle avait ses papiers, on s’en occupe, vous pouvez venir à l’accueil de l’hôpital plus tard.
Le facteur
J’étais en train de distribuer le courrier dans les boîtes aux lettres, voyez, cette rangée de boîtes en métal, je venais d’arriver dans le hall de l’immeuble, un grand couloir aux murs plâtrés qui sentent toujours le renfermé, le moisi, même si tout est propre et bien tenu, c’est l’odeur des vieux immeubles, il y en a beaucoup dans le quartier. J’avais ouvert la boîte numéro 14, quand j’ai entendu le cri, un cri d’angoisse qu’il me semblait, et du bruit. Je croyais d’abord à une agression, on en voit de plus en plus, je suis monté faisant les douze premières marches pour le rez-de-chaussée en courant, et j’ai vu la petite dame du troisième, toujours si coquette et bien mise qui avait dû perdre l’équilibre et qui était couchée de travers sur les plus hautes marches du premier. C’est qu’il n’y a pas d’ascenseur dans cette maison, c’est gênant pour les vieux et pour ceux qui ont du mal à monter, qui ont des valises à porter, et aussi pour les mamans avec bébé et poussette. Même moi, ça m’arrangerait pour monter des recommandés ou des colis…On avait déjà appelé les secours qui sont arrivés très vite, l’hôpital est tout à côté, vous voyez, là, juste au coin, là où il y a le parc avec le marronnier, alors, c’est pratique, et ils sont compétents, mon cousin y a été pour se faire opérer, tout s’était bien passé, on peut leur faire confiance. Allez, il faut que je continue ma tournée…
Le secouriste
On est venu très vite, heureusement. À deux, c’était facile de la coucher sur le brancard et de la soulager. Elle gémissait, elle avait mal. Elle était toute légère, mais les os ont dû prendre un coup, la jambe ou la hanche ou même les deux, on saura après les examens. Il y avait des gens autour d’elle, de bonne volonté, mais l’hôpital, c’était la bonne option. Quand on a sorti le brancard, il y avait déjà un attroupement autour de l’ambulance, la sirène et les lumières bleues avaient dû les alerter, des gens qui n’avaient rien à y faire, mais qui nous questionnaient et qui savaient bien sûr mieux que nous ce qu’il fallait faire…
La dame du deuxième
J’étais dans ma cuisine quand j’ai entendu des cris et du remue-ménage. J’ai passé la tête par la porte, mais du couloir je n’ai rien vu, ça se passait plus bas. Alors je suis partie vite à ma fenêtre, celle qui donne en plein sur la rue, d’où je peux voir tout ce qui se passe…Il y avait déjà l’ambulance, elle est arrivée très vite, c’est vrai que l’hôpital est tout près, j’ai attendu tout comme les passants en bas dans la rue qui s’étaient arrêtés pour voir qui c’était, la personne qui avait des problèmes, un peu comme moi, j’aime bien savoir, mais eux, c’étaient juste des curieux, ils ne connaissaient pas la personne en question, et ils voulaient voir quand-même…bon, d’en haut, de mon deuxième, je n’ai pas vu grand-chose, quand ils ont sorti le brancard, j’ai juste aperçu une tête, il me semble que c’était la voisine du troisième…je vais me renseigner dans les couloirs, la concierge saura sûrement, elle est toujours au courant de tout…
Un choix spontané pour coller aux thèmes proposés, histoire banale…
C’est très vivant comme récit, avec chaque personnage différent, attachant déjà. J’aime beaucoup. Cela pourrait être un début de roman policier ou tout autre chose. Admirative.
Merci, Anne, pour cet encouragement et pour le tuyau d’histoire policière…je n’y avais pas pensé, mais c’est une idée…à réfléchir!?