#histoire #05 | Abords de l’île

Ivan

C’est bizarre. Je vois pas le fond de l’eau. Elle est comme toute remontée. On dirait qu’elle est épaisse. Je savais pas que l’eau ça peut être épais. J’ai envie d’aller la toucher. Elle coupe vraiment avec le ciel. Ca fait la falaise, l’eau et le ciel. Blanc, noire, bleu. Comme parfois quand je ferme les yeux très forts et que je vois des couleurs. On dirait qu’elle est nette l’eau. Je sais pas comment dire. Elle a l’air comme posée là. Toute épaisse. Même les feuilles elles sont comme posées dessus. J’ai l’impression que je pourrais marcher dessus, comme quand elle est gelée parfois en hiver. 

Myrrah

L’eau s’agite aujourd’hui. Elle a quelque chose à nous dire. Même les arbres se penchent vers elle. Où est-ce elle qui écoutent les arbres ? Ils s’attirent mais avec prudence. Penchés comme ça, les arbres m’ont l’air différents. Moins… moins immenses. Comme plus près de moi. Si eux se penchent et que moi je me hisse haut sur mes pieds et que je tends haut le bras peut-être qu’on pourra se toucher. Je préfère tourner le dos à l’eau. L’eau elle n’est pas à nous. Elle s’appartient. Les arbres je peux tenir leurs troncs. 

Alexis

Un décor. Un décor en carton pâte. La falaise qui tombe, la mer mal coloriée, des jets d’encre déversées dedans et le village, toujours les mêmes toits, les mêmes places, la même église et aucun horizon. Aucun horizon. Un décor fermé sur lui-même. Je veux le crever. Je veux le défoncer, passer derrière et jamais regarder en arrière, cette falaise qui rétrécit. 

La mère d’Ada

L’eau est toujours brune. Sombre. Avec ces feuilles qui flottent. Elle a l’air sale. Elle a toujours l’air sale. Elle donne un aspect sale à l’île. Ca me dégoûte. Il y a une odeur de vase. Normalement les galets maintiennent l’odeur. Il va falloir que je réarrange mes fleurs devant la boutique pour construire une forteresse d’odeur. Les arbres jettent leurs feuilles dans l’eau comme des sacs poubelles éventrés. Et les tessons de bouteilles. C’est crade. 

Joseph

Tout se plie. La mer se gonfle. Ca souffle en dessous d’elle. Je connais ce mouvement, discret, qu’on ne peut attraper que du coin de l’oeil, quand on fait semblant de ne pas regarder. C’est le Vent. Il revient.

A propos de Léa Yasmine Djenadi

Psychologue. Métisse. J'aime aussi lire dans des langues que je ne parle pas. En création d'une newsletter... (comme tout le monde, non ?)

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