#histoire #08 | Le cocon, toujours

Le voyage était long, la nuit va bientôt tomber, les lampadaires s’allument. La voiture est garée juste devant l’immeuble. En face le parc avec les marronniers aux fleurs roses, dans le dos le forsythia jaune soleil illumine le square. La rue est déserte à cette heure. Sur la façade, des fenêtres sont éclairées, quatre étages, quatre rangées de quatre fenêtres de ce côté est avec vue sur la rue, et autant du côté sud avec vue sur le parc. Le grand portail est fermé, il y a des boutons dorés sur une plaque avec le nom des habitants. Les enfants trouvent celui du grand-père et sonnent, la porte lourde en chêne sculpté s’ouvre en susurrant, murmure métallique de bienvenue. Un grand couloir, presque un hall, sans fenêtre, la porte en face mène vers la petite cour fermé, presque aveugle. L’odeur n’a pas changé, toujours un peu de moisi, le crépi semble pourtant neuf, toujours la poussière, les carrelages sentent pourtant le détergent et l’encaustique, attention de ne pas glisser…A gauche douze marches vers le rez-de-chaussée surélevé, deux portes, deux logements. Puis l’escalier en colimaçon, marches en marbre, rampe en bois ciré qui suit le mouvement, lucarnes qui laissent passer la lumière du jour baissant, les enfants grimpent, se bousculent, impatients. Deux étages. Numéro 12A, on avait évité le 13 à la mauvaise réputation. Le couloir jusqu’à la porte du fond, celle avec du fer forgé en volutes devant des vitres opaques, laiteuses. Pas besoin de sonner, la porte est déjà ouverte, effluves de diner, on est attendu, ça sent les spécialités, gulyas à la viennoise à l’odeur épicée de paprika, et en contrepoint pour le dessert le gâteau aux pommes cannelle, ça sent le parquet ciré, ça sent l’accueil, elle est déjà là, avec le sourire, les bras grand ouverts… après tout ce temps… ça sent le retour dans le cocon familial…
 

A propos de Monika Espinasse

Originaire de Vienne en Autriche. Vit en Lozère. A réalisé des traductions. Aime la poésie, les nouvelles, les romans, même les romans policiers. Ecrit depuis longtemps dans le cadre des Ateliers du déluge. Est devenue accro aux ateliers de François Bon. A publié quelques nouvelles et poèmes, un manuscrit attend dans un tiroir. Aime jouer avec les mots, leur musique et l'esprit singulier de la langue française. Depuis peu, une envie de peindre, en particulier la technique des pastels. Récits de voyages pour retenir le temps. A découvert les potentiels du net depuis peu et essaie d’approfondir au fur et à mesure.

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