#Les mardis – 6 mai 2025

Tu cultives les pommes de terre dans un jardin familial appelé anciennement jardin ouvrier. Tu te penches vers elles de ta silhouette maigre et voûtée, trop maigre, et tu les glanes lentement, une à une, pour les jeter dans une musette rivée à ton vieux vélo. Tu as un jardin potager dans lequel tu manges tes propres légumes, tu manges et parfois tu parles aux autres mais peu. Il me semble que tu as un léger accent anglophone mais es-tu réellement anglais ? Tu vas tous les jours au jardin sur ta vieille bicyclette dont je n’ai jamais remarqué la couleur, seulement ton petit corps de petit vieux mais es-tu réellement si âgé ? Tu ne m’as jamais dit bonjour, jamais regardé, car tu es comme rentré en toi-même, comme grommelant une conversation que seul toi peut entendre. Tu es tout le temps penché ; sur les pommes de terre, sur le guidon de ton vélo, penché en marchant et un matin à l’aube, tu étais penché sur la poubelle de la ville qui se situe sur le parking juste sous ma fenêtre. Là, sur la pointe de tes pieds en équilibre, les deux bras dans le plastique blanc et la tête dansante de gauche à droite, tu triturais objets, pelures, papiers avant de les rejeter brusquement. Que cherchais-tu ? Tu y reviens, jour après jour, juste avant que le soleil ne se lève et que tu retournes chercher tes pommes de terre cachées dans le gris du sol. Que cherches-tu ?

A propos de Clarence Massiani

J'entre au théâtre dès l'adolescence afin de me donner la parole et dire celle des autres. Je m'aventure au cinéma et à la télévision puis explore l'art de la narration et du collectage de la parole- Depuis 25 ans, je donne corps et voix à tous ces mots à travers des performances, spectacles et écritures littéraires. Publie dans la revue Nectart N°11 en juin 2020 : "l'art de collecter la parole et de rendre visible les invisibles" voir : Cairn, Nectart et son site clarencemassiani.com.