#LVME #05 | Comme un L majuscule après la symétrie

Dessin © Charlee Derimay

Sur la grande feuille de papier posée devant elle, elle dessine la carte de l’île, la carte de son île.
Lavrec sur sa carte sera un peu comme un L après la symétrie, ou plutôt comme un J mais le lien serait moins fort entre le nom de l’île et la forme de la lettre, alors plutôt le L, après la symétrie. Dans la partie verticale, sur l’axe presque nord-sud, la partie nord de l’île, les bâtiments collectifs, lieux de vie, de travail, de discussions. Des lieux avec des bruits. Et encore plus au nord, juste un point sur la carte, sa cabane, son refuge, de la place davantage pour les rêves d’ailleurs que pour la vie d’ici, une maison toute petite, des mots, des doigts sur le clavier, des clics de souris, le crayon sur la feuille, le scotch pour accrocher les papiers sur le grand tableau en bois et les conversations, des mots avec soi-même, des mots avec les autres, des mots pour chercher, pour trouver les bons mots. Des mots comme des images. Une cabane au milieu des arbres, vue de dessus, un arbre de plus, vigie du nord de l’île. D’ailleurs elle hésite sur la représentation, en faire un bâtiment avec nom et formes anguleuses ou simplement un arbre un peu particulier, garder l’anonymat pour les non-initiés, une cabane pour de vrai juste un arbre habitable. Elle tranchera plus tard, le reste est plus facile. Juste un peu plus au sud, l’atelier sur le plan sera comme un rectangle augmenté de dépendances construites au fil des ans en fonction des besoins, stockage et pièces attenantes chacune réservée à une activité. Récemment une étuve pour chauffer et plier les pièces de bateau ou les pieds de fauteuils ou tout autre morceau de bois en fonction des besoins et des idées nouvelles portées par les stagiaires venus ici chercher de l’échange, du savoir, des techniques et du temps à consacrer au bois. La chapelle tient son nom de son ancienne fonction depuis longtemps caduque. Depuis presque deux siècles, plus rien de religieux entre les murs de pierre complétés par du bois et consacrés au bois, aux petits bateaux en bois, coques, avirons et mats et puis aménagements pour qu’ils ne sortent de là que pour prendre la mer. Quand le bateau est fini, un chemin de rondins l’emmène jusqu’à l’eau dans la baie de la grande cale, juste en face du T, salle commune et cuisine. Au sud de l’axe nord-sud, le tout nouveau dortoir, du bois une fois de plus, avec juste quelques pierres pour faire le soubassement, pour isoler du sol et de l’humidité. Ça se fond dans le paysage, pour les autorités, c’est juste du temporaire, rien que du démontable non visible de la mer. Dans l’autre axe de l’île, les ruines du patrimoine. Elle n’y va pas souvent mais les ruines restent les ruines, elle a tout dans la tête, pas besoin de précision, elle met quelques coins de murs, juste pour s’en souvenir, grande histoire de petite île, Lavrec pour une île qui commençât sa vie avec une majuscule.

A propos de Juliette Derimay

Juliette Derimay, lit avidement et écrit timidement, tout au bout d’un petit chemin dans la montagne en Savoie. Travaille dans un labo photo de tirages d’art. Construit doucement des liens entre les images des autres et ses propres textes. Entre autres. À retrouver sur son site les enlivreurs.

2 commentaires à propos de “#LVME #05 | Comme un L majuscule après la symétrie”

    • Oui, me restent encore quelques souvenirs de l’école, j’y songe parfois, alors quand je repense à eux, les phrases commencent par des majuscules 😉