les mardis #03 | Alain de 6 à 7 (et ce tous les matins, avant l’incendie)

[6h00] Yeux grand ouverts sur les découpes du jour dans la pièce, Alain compte les six coups de la cathédrale et se lève comme chaque matin à la même heure. Sauf le dimanche. En souvenir de sa mère. Qui offrait sa peau, ses os, sa chair et son sang au sommeil. Qu’elle disait.

[6h10] Alain nettoie méticuleusement son seuil de porte avec son vieux balai et les trois marches cimentées qui donnent sur la rue pavée. Il descend à mesure que la poussière du matin s’envole. Il a l’impression de chasser les cauchemars qui ne manquent pas de le visiter chaque nuit.

[6h15] Il se retourne et contemple sa « demeure ». Il a trouvé ce mot dans le vieux dictionnaire déniché sous un matelas crevé dans l’une des cellules de l’ancien monastère.

[6h30] Alain s’assure que son voisin Alain – il porte le même nom – n’est pas mort. Il frappe trois coups aux volets de la case. Ça répond trois fois. En miroir. C’est le code. Alors Alain sourit.

[6h40] Alain se prépare un café dans la machine magique. Elle vient d’Italie ! avait précisé Alain, le voisin, en la lui tendant, triomphant.

[6h43] Accroupi à même la rue pavée devant son petit réchaud à gaz, il écoute la machine chanter et gargouiller et faire remonter magiquement l’eau transformée en café. en ouvrant prudemment le chapeau de la cafetière, c’est un autre mot qui surgit : transsubstantiation ! Et il sourit.

[7h00] Les employés de la blanchisserie ouvrent le grand portail. Bientôt ça va sentir bon. Alain sourit.

A propos de Émilie Marot

J'enseigne le français en lycée où j'essaie envers et contre tout de trouver du sens à mon métier. Heureusement, la littérature est là, indéfectible et plus que jamais nécessaire. J'anime des ateliers d'écriture au lycée et maintenant un peu ailleurs. C'est l'horizon mais beaucoup de chemin encore !