On aimerait s’élever, on aimerait. On aimerait toucher les cieux, on aimerait. On aimerait être au sommet, on aimerait. On aimerait sentir le vent et se sentir porté. On aimerait s’envoler et filer et raser de près les nuages et devenir oiseau, devenir. On aimerait. On aimerait. Que le corps ne soit plus roi, que le corps ne soit plus à soi, que le corps ne fasse plus loi. On aimerait tout cela. On aimerait ? Mais le corps ne veut pas. Le corps ne vole pas, le corps ne vole pas, le corps pèse de tout son poids. Le corps traine, pieds, poings, coudes, genoux, jambes, tibias, articulations, veines, sang, dos, fesses, seins, muscles, chevilles, le corps traîne, se traîne, tire, rampe sur le sol, sur le lit, sur la chaise. Le corps traîne, se tourne, se détourne, rêve d’imposture, corps lourd, balourd, corps qui accroche la terre sans vouloir la quitter. On aimerait le dépli, l’étirement, l’envolée et la respiration. On aimerait se lever, marcher, courir, s’extirper de la masse, s’extraire de la chair, on aimerait. On aimerait. On aimerait caresser les dieux, fermer les yeux, devenir nuage. On aimerait ne pas penser, ne plus penser, ne plus rien savoir. On aimerait retrouver sa pureté, son innocence, ses insouciances. On aimerait. Goûter à la légèreté, n’être plus que corps vide, corps vidé, corps sans idées. Etre transparent, doux, corps de soie, corps de souffle, corps dénué du tout. On aimerait. On aimerait mais parfois on trébuche, on chute et on ne se relève pas.