il y a une femme debout.
il y a le bras levé pour tirer les rideaux, et dans ce geste quelque chose du monde qu’on veut tenir à distance.
il y a le lit qui garde l’empreinte d’un corps absent et la couverture repoussée du mollet,
sous le drap la respiration funambule.
il y a un rire un peu trop fort, la cigarette rallumée à la fenêtre, le regard lancé vers le ciel — comme s’il allait répondre.
il y a la marée sourde de la rue.
il y a le bruit bref de l’eau, la porcelaine fêlée de l’évier.
il y a les bras qui soulèvent l’enfant hors de l’eau, l’éponge qui l’enveloppe comme un serment et les baisers pour conjurer l’effroi.
il y a la promesse murmurée à voix basse avant de traverser.
il y a les gestes précipités, qui trahissent l’angoisse.
il y a les gestes de cuisine, la paume qui presse la pâte, une pomme de terre qu’on épluche avec soin, sa peau qui s’enroule comme une phrase.
il y a les boîtes ouvertes à la lame et la mémoire de la guerre dans le bruit du métal.
il y a la mort qui fait semblant de reculer.
il y a dans chaque pli du rideau le tremblement des années.
il y a une poussière qui danse à contre-jour.
Oui comme on respire oui je suis là oui comme on souffle sur une plaie. Dans leurs silences, elles disaient oui. Débarrasser la table, plier les draps, balayer la chambre vide — elles disaient oui.
Elles disaient oui à la vie, même après les morts. Oui est un lien. Oui, c’est ce que la lumière laisse entendre. Oui qui tremble et ne sait pas à quoi il consent. Oui qui ne promet rien, oui qui doute. Oui est là, minuscule, insistant. Oui de gestes et de temps, oui de peau. Peut-être que oui n’est pas un mot de l’instant, oui vient de plus loin, c’est un mot de passage. Quand on ne peut plus dire et dire pourtant oui — pour que la parole reste possible. Oui n’est pas une réponse, c’est une direction, ça incline, ça penche, une infime bascule vers l’autre. Oui dit je ne sais pas ce qui m’attend mais j’entre. J’ai dit oui, revenant ici posant la main sur la rampe. J’ai dit oui à ce qui ne reviendra pas.
Oui, c’est quand on respire encore. Oui, c’est le mot qui survit aux silences. Il résiste dans l’odeur des draps, dans les rideaux usés, c’est une couture invisible.
Oui, même si je n’en suis pas sûre, même si je n’ai pas les preuves.
Les « il y a » d’instants qui nous portent et celui-ci:
« il y a dans chaque pli du rideau le tremblement des années. »
Merci.
… la vie qui palpite…
Merci
Fou comme je retrouve les images des vidéos sur lesquelles nous avons eu l’occasion de travailler ensemble…
fou comme les images restent en nous…touchée que tu les retrouves dans ce texte, elles ont peut-être continué à me travailler…
Je me suis laissée faire, emportée par les « il y a » si bien croqués que j’y étais.
J’aime l’idée du « oui » en couture invisible, ça me parle.
Merci Caroline
tous ces oui chœur de femmes
c’est aussi ça la vie
merci
« il y a la mort qui fait semblant de reculer.
il y a dans chaque pli du rideau le tremblement des années.
il y a une poussière qui danse à contre-jour. » Oui ! « Oui c’est quand on respire encore » Oui ! Merci caroline
Merci à toutes et tous, et pardon d’avance de ma lenteur à vous lire.