Ils sont là dans la maison du revenant, d’autres dans le café du village, sous le choc du retour. Des questions en boucle, dans leur for intérieur, des réponses exprimées, imaginées
Oui il est parti. Il s’est levé un matin, c’était trop. Trop de jours qui se ressemblent, trop de confusion dans sa tête. Il est parti sans rien dire, sans signe avant-coureur — je ne sais pas, était-ce ma faute, mon attachement l’étouffait-il, il cherchait un autre souffle — notre père nous a abandonnés, il avait peur de ce qu’il voyait dans nos yeux — il revient après vingt années, il n’a plus d’endroit où aller, il s’est trompé — il disait qu’il voulait être libre, il n’a jamais su s’engager — il m’a laissé seul après la mort de sa mère et sans explications, il revient et je suis bien vieux maintenant — je pensais qu’il ne reviendrait jamais, le voir si près maintenant, tout ce que j’avais enfoui remonte — revenir, c’est encore croire qu’on est attendu — en le voyant bientôt, même trahie, l’affection garde un éclat — il aurait mieux fait de rester où il était, revenir c’est raviver la faute, moi je n’aime pas les repentirs — les absents souvent reviennent remettre du désordre dans les vies qu’ils ont laissées — on ne revient jamais pour rien, il y a toujours quelque chose à sauver — les retours, c’est jamais bon, ça sent les comptes non réglés — en revenant il ravive un passé douloureux — je l’ai aperçu juste avant son arrivée dans sa maison, j’ai vu dans ses yeux de la souffrance, des regrets — tout le monde parle en même temps, pour ne pas réfléchir — je sais qu’il ne revient pas pour moi, pourtant j’espère qu’il m’aimera encore — il croit encore qu’on peut lui pardonner — trop méprisants à l’égard des villageois il ne peut comprendre qu’un événement familial puisse concerner tout un village — ils sont bruyants, agaçants , ils parlent fort, ce retour est comme une fête un peu spéciale — un retour comme ça, ça cache toujours quelque chose, je vais faire une enquête officielle — oui je suis content, je n’ai pas compris sa décision d’alors mais je lui réserve toujours ma confiance — il cherche le pardon auprès de sa paroisse — je refuse les grands drames, alors je préfère considérer que la nouvelle du retour est bonne — il revient peut-être pour dire sa vérité
Les mots, les raisons s’entrechoquent. Les hommes s’en vont, reviennent. Les vignes repoussent.
Très étrange polysémie de ces vignes qui « repoussent ».