#rectoverso #01 | Lieux et personnages.

RECTO

Une jolie maison de briques rouges et un toit. En bas, deux baies lumineuses sur lesquelles sont inscrites en lettres La Musette – café – salle d’expo – magasin fermier – casse croûte, au centre, une porte de bois vitrée et les mots à la peinture blanche Horaires Mardi au dimanche 16h00 – 23h00 et un grand tableau noir à la droite sur le mur près de l’entrée où Le menu et le programme de la semaine sont dessinés à la craie. En haut, quatre fenêtres voilées par de la dentelle blanche et un rosier rose pâle grimpant et reliant les deux étages. A l’angle du mur, en hauteur, un panneau noir et de nouveau le nom La Musette. De l’autre côté de l’angle, une belle fenêtre lumineuse à l’étage où l’on peut apercevoir un beau bouquet de fleurs séchées dans un vase gris pluie et un peu plus bas, une autre fenêtre, deux fauteuils et une table, le coin parfait pour y déguster une bière fraîche. Devant la maison, un parking de bandes blanches permettant de garer cinq voitures et deux petites tables de fer blanc et ses chaises assorties pour s’assoir afin d’y contempler le soleil couchant. Il n’y a, à cette heure matinale, nulle âme qui vive en dehors de quelques badauds flânants ou marchant vivement vers leurs activités.

Dès le début de la route, le regard est saisi par le panneau Déchèterie puis par le paysage. Champs s’étendant au lointain, ciel bleu sans nuages, route goudronnée tournant vers la gauche, grillage vert, panneau Stop, montée en bitume et de part et d’autre, des espaces pour y jeter emballages, cartons, métaux, etc. L’homme, à l’entrée, surveille cartes d’adhésions et matériaux apportés, les voitures stationnent dans le petit parking et font place à un va-et-vient dansé entre les coffres ouverts aux points de débarras dans un certain fracas.

Devanture de café bondée, tables colorées, place ombragée par les arbres, un carrousel et son manège de chevaux de bois, cris d’enfants et musique à l’ancienne. Ballet de serveuses et serveurs, plateaux hauts, slalomant sous un soleil brûlant, au service de la nombreuse clientèle, assoiffée et impatiente. Chapeaux, robes d’étés, bermudas froissées entre les jambes et sous les fesses et juste à côté du café, l’hôtel de l’Aigle Noir et la chambre dans laquelle le poète Jacques Prévert a dormi et surtout écrit le célèbre poème Presque. A Fontainebleau, devant l’hôtel de l’aigle noir, il y a un taureau sculpté par Rosa Bonheur. Un peu plus loin, tout autour, il y a la forêt (..) et quelques mots à la fin du poème Le taureau fut enlevé et fondu sans doute pendant la seconde guerre mondiale en français et en anglais pour le côté international.

VERSO

Café de la gare, le garçon est derrière le comptoir. A aucun moment, il ne croise mon regard. Ni en me disant bonjour, ni en me servant mon café-crème, ni lorsque la jeune fille noire entre et se poste juste devant lui. Elle a de longs cheveux rose pastel tombant sur une robe fleurie et un sac noir sur les épaules. Elle dit Bonjour et se présente en lui indiquant qu’elle cherche du travail. Il lui demande si elle a un curriculum vitae, elle répond que oui en lui tendant une pochette bleue transparente avec deux feuilles à l’intérieur. Il lui demande un peu étonné si il garde le tout, elle acquiesce de la tête avant de s’en aller. Négligemment, il attrape le paquet et le pose dans un coin près de la machine à café. Je sens, à son silence, qu’il aimerait partager une pensée avec moi mais ne le fait pas. Je bois lentement et à petites gorgées, avant de m’éloigner.

A propos de Clarence Massiani

J'entre au théâtre dès l'adolescence afin de me donner la parole et dire celle des autres. Je m'aventure au cinéma et à la télévision puis explore l'art de la narration et du collectage de la parole- Depuis 25 ans, je donne corps et voix à tous ces mots à travers des performances, spectacles et écritures littéraires. Publie dans la revue Nectart N°11 en juin 2020 : "l'art de collecter la parole et de rendre visible les invisibles" voir : Cairn, Nectart et son site clarencemassiani.com.

5 commentaires à propos de “#rectoverso #01 | Lieux et personnages.”

  1. Merci Clarence pour ce texte à l ambiance un peu surréaliste , un début trés ancre ds le réel et puis peu à peu , avec les quelques références a Pré vert , on décolle … la scène de la fin et la présence du je nous promets une suite …

  2. Dun côté, la fête se dessine, entre guinguette et galerie d’art — un vernissage ? –, de l’autre, elle est finie et il y a du boulot pour traiter les déchets. — Il existe des cafés-philo, on préfère le cafécriture, des fois qu’il y aurait une place pour moi (« je » — toi ?). — Et voilà le travail d’écriture bien préparé pour ton job d’été. — Merci Clarence.

  3. J’aime beaucoup le verso, rigolo qu’on ait écrit toutes les deux une scène d’un café de gare.