Il y a…trois mots…impersonnels et neutres, applicables à tous genres, toutes choses, dans cette locution prépositive, chère à nos grammairiens et autres passionnés de langue, par hobby ou par obligation, soucieux de belle parlure et autres tournures joliment chantournées. Ils ponctuent nos conversations, nos écrits Ce trio d’inséparables, débutent nos phrases, les interrogent, toujours ambigus, laissant planer le doute dans nos pensées, nos paroles…il y a eux…ce sont eux…ils sont là à notre service.
Il y a toujours quelque chose, quelqu’un d’existant, un Sein und Zeit, qui se trouve quelque part, jeté là contextuellement, par un jet ou un jeu de langage…un il y a existentiel dont on n’arrive pas à se débarrasser et que l’en emploie à foison comme si on était réticent à nommer précisément ou à définir ce qui nous entoure… »Il y a un truc qui me gêne », « je ne sais pas comment le dire »…si on ne sait pas, on se tait et on cherche
Il y a est une expression bien pratique…une expression fourre-tout mais fiable, sans risque d’erreur, une béquille bien solide..il y a pourtant des équivalents pour décrire ce qui est apparent…on peut observer, on peut entendre…par exemple j’entends du bruit…sans doute est ce plus simple de dire il y a du bruit
Il y a est peut être plus diplomatique, plus consensuel…on ne nomme personne, on fait juste une allusion, on en reste aux généralités, à la légèreté, au badinage, au bavardage entre gens du monde, de bonne compagnie…un moyen de parler pour ne rien dire, un je ne sais quoi de snob surtout quand il est accompagné d’un « n’est-ce-pas très cher ami ».
Il y a s’emploie au présent pour parler de personnes et de choses au passé ou bien d’évènements révolus…il y a deux jours etc…notre langue autorise pourtant l’usage des temps passés comme « il y eut » ou « il y a eu » pour fixer des repères temporels et pourtant on aime bien le « il y a ». On adore le temps présent, on aime revivre au temps présent des souvenirs parfois douloureux et désagréables au lieu de les enfouir au fond de sa mémoire.
Il y a supporte mal les synonymes. Il les tolère. Il veut la primauté du langage. Il aime s’écouter parler. Il a peu d’estime pour les adverbes. Peu lui chaut qu’on lui préfère « dans le passé » pour parler d’un événement survenu il y a deux jours ou dix ans. Le « naguère », « jadis », « auparavant », « autrefois », sont des mots de vieux ou d’intello…bref des mots has been. Le « il y a » veut être le seul à parler de ces choses là.
Il y a n’est jamais sûr…il est souvent hypothétique pour parler d’événements qui n’ont pas encore eu lieu, même si on l’emploie au futur « il y aura ». C’est un « il y a » prédictif, aléatoire, voire improbable… »il y a un risque »…oui mais lequel? sûrement prévisible mais il faut être plus précis…une diseuse de bonne aventure dirait « je vois…ou je pressens… » quelle différence entre ces verbes et cet « il y a »? aucune. Ils ne renvoient à rien de concret.
Le OUI, trois voyelles inversées, est un adverbe court et puissant. Il est invariable, d’humeur égale, un perpétuel optimiste qui n’a qu’un adversaire : le non. L’un et l’autre sont indissociables mais autonomes. Ils sont exclusifs. On ne peut être l’un et l’autre…c’est l’un ou l’autre mais on peut les trouver l’un sans l’autre, au détour d’une conversation ou d’une phrase. Le oui est beaucoup plus court en allemand « JA » en italien « SI », en russe « DA » et aussi long en anglais « YES » ou en japonais « HAI ». Ils s’expriment dans un souffle, d’un signe de tête, d’un battement de paupières. Le oui se prête à toutes les intentions, à toutes les intonations, à bon nombre de synonymes..il inspire la joie par des sautillements ou des danses improvisées, il gonfle d’orgueil, il fait du bien à l’âme, quand il ponctue un accord, un serment, une réussite. C’est le oui du désir et de volupté quand on s’abandonne dans les bras d’un amant ou d’une maîtresse, c’est un oui solennel public prononcé devant une autorité civile, religieuse ou militaire, un oui qui engage devant toute la communauté. Oui je le veux…Il est impératif et inconditionnel. Le oui est performatif au sens développé par le philosophe John Austin…dire oui c’est faire. Ce n’est pas un verbe divin…c’est juste un adverbe. C’est un mot tellement fort qu’il faut parfois le tempérer, le nuancer. On peut l’interroger « Ah oui? » « vraiment? » comme pour en retarder ses effets. On peut le faire douter « oui mais », « oui peut-être » comme si certaines évidences n’allaient pas de soi, que la prudence s’impose parfois…un moment de réflexion supplémentaire peut s’avérer nécessaire…la prudence n’est pas synonyme d’hésitation. Il arrive que le oui n’arrive pas à s’imposer, à convaincre celui qui l’affirme pour qu’il faille l’assortir d’un « assurément » « absolument ». Il faut le redoubler…le répéter pour que le charme opère. Le oui est universel. Il est le mot du consensus, de la majorité qualifiée. Il est un juste un son qui rend vain tout discours. Puisque l’on est d’accord, n’en parlons plus.