recto | il y a
Il y a dans le même ciel la lune et le soleil.
Il y a ta joue posée sur l’oreiller et ta respiration calme dans la pénombre de la chambre.
Il y a tes larmes dans la voiture et mon impuissance à te consoler.
Il y a une dame, robe à fleur et foulard sur la tête, qui ouvre une boîte en plastique transparente et déguste une pâtisserie orientale dans le hall d’embarquement.
Il y a des enfants qui tournent en rond et jouent au loup et la dame les regarde avec un visage dont il faudrait pouvoir dire la bonté.
Il y a un homme dont le short est rouge, les baskets sont rouges et le sac à dos est rouge.
Il y a, parmi tous les passagers, une petite fille qui s’appelle Scarlett.
Il y a un père et ses deux filles, et la mère sur un écran, la petite fille embrasse l’écran.
Il y a la mer, et toi de l’autre côté.
Il y a sur le tapis roulant un sac à dos bleu.
Il y a le ciel bleu à perte de vue, sans aucun nuage en vue, tu avais oublié que ça existait.
Il y a trois galets sur le sable et tout autour, l’ourlet de l’écume.
Il y a la fraicheur de tes pieds qui s’enfoncent dans le mouvant du sable, la brise atlantique qui te fait frissonner et les incendies aux portes de Marseille.
Il y a les dunes, les forêts, les longues plages et tout au bord, l’océan.
Il y a la mer, et toi du même côté maintenant, plus au sud, encore trop loin.
Il y a la marée haute et la marée basse.
Il y a les odeurs de crème solaire, et les guerres partout ailleurs.
Il y a ton cœur qui bat la chamade tout contre mon oreille.
Il y a ton sommeil et le soleil haut dans le ciel, déjà.
Il y a, dans le jardin, de la menthe et du basilic.
Il y a désormais cette lettre, écrite il y plus de vingt ans, mais qui jusqu’à ce jour de juillet, n’existait pas en dehors de ce tiroir de la maison paternelle.
Il y a le sommeil qui ne vient pas.
Il y a les éclats de voix dans la résidence, les raclements de chaises, le bruit de l’eau qui coule au fond de l’arrosoir, les enfants qui courent dans les allées, et la rumeur des apéros après la plage.
Il y a un citron pressé au fond d’un verre d’eau vide et un escargot au pied de la haie qui espère sans doute le retour de la pluie.
Il y le petit café du matin, en terrasse, la petite lampée brûlante, et l’acquiescement total à cet instant-là.
verso | dire oui
Oui, un petit mot que l’on croit avoir entendu, et qui pourtant n’a presque plus jamais été prononcé, un petit mot que l’on pensait acquis pour toujours, et que certains et certaines, pour s’en assurer, vont jusqu’à prononcer solennellement à l’église et la mairie, de gré ou de force, et ce petit oui, soudain doté d’une aura sacrée et officielle, n’est parfois plus jamais remis en question, il devient alors une sorte de passe-droit sans contrepartie, un oui éternel et non révocable, sans limites et inconditionnel, non circonscrit par les limites du non ou les restrictions du mais ou du si. Et pourtant, combien fragile est ce oui, et combien de réassurances il réclame pour ne pas être confondu avec la soumission ou le renoncement, et se hisser à la hauteur du désir.
le oui de gré et force…
et oui…malheureusement…merci pour ce commentaire Jen qui m’a conduite à ton dernier texte, ton écriture, ta voix. Merveilleuse découverte.
« Il y a les odeurs de crème solaire, et les guerres partout ailleurs. » parfois on peut dire le monde d’un trait, en deux mots. Ils sont magnifiques, Emilie, tes il y a. Merci !
Merci Serge pour ton retour qui me touche beaucoup ! A très bientôt !