Je ne suis pas ukrainien, non plus que russe, gazaoui ou israélien, pas plus que syrien ou afghan, argentin ou hongrois, brésilien ou turc, vietnamien chinois ou philippin, yéménite ou soudanais. Je ne me sens rien de spécial vis à vis du pays où je vis, de la langue que je pratique, je ne tiens pas à aller perdre la vie pour me battre pour lui ou un autre, n’y vois aucun d’honneur, aucune joie ni encore moins de désir. Je ne tiens pas à tuer qui que ce soit sauf peut-être dans des moments de profonde désolation ou des accès alcooliques un peu trop superlatifs. Je prends quatre médicaments par jour, j’ai l’âge de mes artères comme on dit. Qui ça « on » ? Je ne sais pas bien, la vulgate populaire, les proverbes dont aimait animer ses phrases ma tante qui vivait à l’hôtel : c’est une femme qui m’a toujours fait penser, quand je l’ai connu, à un personnage noir de peau dans un film et qui revêt dans ses moments de stupeur schizophrénique une taie d’oreiller dans laquelle il avait pratiqué deux ouverture pour ses yeux afin de ressembler aux ordures, je ne vois pas d’autre mot, du triple K. Quelques fois il me semble que les films m’ont appris à vivre – tu vois, cette illusion, ce que je disais de Claudia Cardinale qui n’est qu’une parole prononcée et apprise, écrite par un scénariste pour qui le personnage pourrait énoncer ce genre de maxime, un bon bain chaud et tout est oublié – elle parle d’un viol quand elle dit tout, simplement, il y avait aussi cette maxime profonde dans les années adolescentes, quinze ou seize comme ça, qui émaillait cette même pratique, usuelle, répandue, usée presque autant que le plus vieux métier du monde, comme on dit, qui peut aussi servir d’arme de guerre (l’énoncer a quelque chose de profondément obscène mais tant pis, il s’agit de mots entendus, retenus et jamais oubliés, ça faisait quand le viol est inévitable détends toi et profite – ceci adressé aux filles femmes sexe dit-on beau mais faible par des grands-mères avenantes ou des grands-pères libidineux – c’est vivre dans ce monde-là auquel on ne comprend rien – cruel abject et dérisoire : dégoûtant et violent un massacre – celui du don du sang où les appelés tombent comme des mouches, le sang colorant les gants et les tabliers des officiants eux-mêmes appelés, c’était un groupe réuni sous une tente, un bataillon peut-être, compagnie ou division quelconque composée entre autres d’apprentis transmetteurs – mon père avait gagné une croix de guerre en tant que transmetteur c’est pour ça – j’ai toujours cru à cette fable (ai(je toujours cru aux fables ? je ne crois pas mais plus tard la lecture de Vladimir Propp et l’application aux narrations a presque réussi à me faire croire en quelque compréhension de la façon de mener une histoire – mais le sang comme les règles est une humeur entendue et violente honnie et son apparition a toujours quelque chose d’effroyable – je me suis souvenu un jour, croisant par hasard une image à la devanture d’une librairie de la rue du Bac qu’au café la jouxtant venait boire un type qui portait des chaussures fines blanches sans chaussettes un pantalon de lin clair et froissé, sa chemise était à rayures dans les tons clairs et il fumait des cigarettes, l’une après l’autre, un whisky après l’autre et le patron derrière son bar le servait puis voilà le type qui saluait deux doigts sur la tempe puis tendus vers vous comme Gary Cooper – ces choses-là qui me sont apparues lorsque je me suis mis à écrire, l’année même du premier voyage à Venise entrepris parce que l’amoureuse d’alors voulait m’y promener me la faire découvrir tant sa visite l’avait émue – sa sœur d’ailleurs y conçut son premier enfant dit la fable – et ce noël-là il neigeait sur la rue Garibaldi et on se rendit compte que le vingt-six décembre, santo Stephano, est aussi férié en Italie et les fêtes sont très suivies par les commerçants (ou alors elles l’étaient alors) tout était fermé sauf les églises et les bars des palaces – il n’y avait pas encore le cinéma, ou éparpillé, épars, dissolu et dissous dans une espèce de détente ou de passe-temps (ce qu’il est toujours) mais pourquoi serre-t-il ainsi encore le cœur et les obligations, je ne sais pas mais il y a comme la lecture ressemble à l’écriture quelque chose comme une allégorie entre elle et lui
le recto m'a semblé devoir être intercalé dans le verso - le tout fait partie d'un autre travail que je tente de mener à bien - c'est sans doute cette façon de faire qui constitue le point le plus aveugle (si ça existe j'ai plutôt le sentiment qu'ils le sont tous) de ce que j'ai compris être l'emprise demandée - pour la contrer en quelque sorte je dispose de journaux qui font remonter cette tentative au 6 mai seize, tandis que celle d'aldo se trouverait vers 11 - bien que ce qui est un peu raconté ("narré") ici soit les premières tentatives d'écriture, lesquelles trouvent place dans cette biographie sommaire au moment des faits plus ou moins élucidés de l'enlèvement du président
Je n’ai pas toujours suivi le travail entrepris ni l’histoire d’Aldo mais je peux dire que cette narration se laisse lire indépendamment de l’avant et de l’après (et trouve un fil conducteur d’un rectoverso l’autre) alors merci Piero.
@Cécile Marmonnier : j’y travaille (à l’histoire d’Aldo) (souvent je m’interroge sur le point aveugle de l’emprise de cette histoire :pourquoi lui et pas un autre « héros » ou une « héroïne » aussi bien ? – j’essaye de poursuivre en m’aidant des consignes, le fil c’est pour ça…:°)) Merci à toi
ça commence comme le Salut à toi des Béru et ça va bien plus profond
@Philippe Léotard : (manque le burlesque peut-être)mais cette chanson me plaît bien, en effet… Merci à toi Philippe