#rectoverso #07 | Le fait que le travail tue.

                                      RECTO.

Les vingt dernières années avaient passé si vite, Dévouée aux  enfants, à mon mari la maison et le travail, les journées s’étaient succédées non sans anicroches revers et ennuis divers, mais c’était la vie. Mais le fait que les enfants grandissent, prennent de la place et lui prennent aussi la tête, le fait que Théo prend un appartement à deux cent kilomètres de là avec tous les aller-retour pour s’assurer qu’il ait le minimum pour survivre, le fait que que Melissa s’est mis en tête de faire comme son frère mais carrément à l’étranger peut-être New-york,le fait que trois enfants c’est compliqué pour aller au cinéma aucun de nous n’a les mêmes goûts, même le petit dernier commence à regimber, le fait qu’on n’a pas le temps de voir nos amis, on les oublie un peu et maintenant on ne les voit plus, le fait que Didier ne voit pas ce qui se passe toutes ces journées à la maison, préparer les repas les casse-croutes, laver le linge que tous soient prêts à sept heure, partir au boulot de huit heure à dix-sept heure et revenir pour recommencer, Le fait que je n’ai plus un moment à moi, que je devrais apprendre aux enfants à participer au travail de la maison, le fait qu’au travail tout se complique, il faut assurer il faut faire des heures sup, il faut foncer, il faut faire le maximum il ne faut pas s’occuper des autres, le fait que je me retrouve allongée sur le canapé trop souvent et que je suis épuisée, je commence à douter, je perds pied et le médecin me met en arrêt, je ne veux pas je veux assumer tout, ça fait vingt ans que je le fais, je continue.

                                         VERSO.

Le fait que cette septième puissance économique mondiale arrive à détruire les gens qui travaillent, il faut faire toujours plus, être performant et sans jamais de reconnaissance. le fait que pour un français sur deux, le travail est un facteur de détresse psychologique. Le fait que les medias et les politiques veulent remettre au travail jusqu’à soixante-quatre ans ces femmes et hommes qui se mettent en caisse pour un rhume, qui glandent, sont assistés et ne sont que des feignasses.le nombre de burn out a explosé, par manque de sens, pression, surcharge de travail, maltraitance. Le fait qu’on y risque sa vie, deux personnes meurent chaque jour en France à cause du travail, précarisation, sous-traitance, manque de reconnaissance, manque de prévention. Le fait que « Vous ne détestez pas le lundi, vous détestez la souffrance au travail »  titre du livre de Nicolas Framont, sociologue qui décrypte les raisons de la souffrance, les horaires décalés, la pénibilité, les facteurs psychiques plus difficile à évaluer, les salaires diminués au profit des actionnaires, la santé et les facteurs économiques que les entreprises essaient de mettre de côté, on utilise les gens comme des machines, on leur donne des ordres secs, on les traite mal. Le fait que les personnes prennent tout de leur faute et Nicolas continue : ce n’est pas une personne ou une entreprise qui est toxique, la violence au travail, c’est comme les violences sexistes, comme les violences conjugales, c’est l’effet d’un système, il y a des systèmes de domination et des systèmes de harcèlement moral. Les sciences sociales servent à désindividualiser ce qui se passe, qu’on puisse au moins se déculpabiliser, le fait est que ce que je vis ce n’est pas parce que je suis trop faible, trop émotif, pas parce que j’ai une malchance incroyable. C’est ce qui se passe et qui a été rendu possible par le capitalisme

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