recto | salle à manger, table en formica et carottes à l’eau
Au centre de la pièce la table en formica blanc avec les assiettes en pyrex orange et dedans les carottes cuites à l’eau ou le chou fleur à l’eau aussi et le filet d’huile de tournesol dessus ou la poule au pot et ses pommes de terre à l’eau et la télévision et ses feuilletons dedans et les deux femmes en blouses sur la robe fleurie, l’une chignon blanc silencieuse pleine d’histoires intimes secrètes dedans, l’autre et ses pouces qui tournent mains croisées sur le ventre et le regard perdu et les lèvres qui articulent parfois des pensées muettes, pleine d’angoisses dedans, pendant que sur la commode à côté de la bonbonnière et de la vierge bénie à Lourdes l’homme en noir et blanc dans son beau costume pour l’occasion sourit comme une échappée belle.
verso | terrasse, crêpes et cartes à jouer
C’est l’été et dans la maison rouge, ça sent les crêpes et le sable et la dune et les pins et le grand océan. Autour de la toute petite terrasse couverte de la toute petite maison, elles sont quatre à battre les cartes pendant que la petite court autour. C’est un éclat d’enfance brillant jaune de soleil et d’été. Tout autour, rodent les deuils, les peurs, la dérade des esprits mais là, au coeur de juillet, ça n’ose pas entrer. Ça reste au bord des sucettes chaudes de la fête foraine, des serviettes poisseuses de sel après la journée de plage, des parties de coinche et des crêpes beurre sucre.
Terrible première scène où tout transpire de tristesse. Tout est cuit à l’eau et pas même un peu d’huile d’olive pour donner plus de goût ! la 2 est très forte aussi. Derrière « les sucettes chaudes », de lourdes histoires. (Je ne connaissais pas le mot « dérade ».).
Merci Sylvia. Il me semble avoir croisé le mot « dérade » la première fois chez Chamoiseau. Et je l’ai tout de suite adopté. A te lire, dès que je peux !
Force du contraste. Ce qui rode et n’ose pas entrer au coeur de juillet.
Merci Betty d’être passée. A te lire très bientôt !
deux scènes antagonistes, très fortes toutes les deux.
Merci George ! Au plaisir de découvrir bientôt ton écriture !
A la lecture du recto, j’ai vu Jeanne Dielman, 23, quai du Commerce, 1080 Bruxelles et Delphine Seyrig, ses gestes du quotidien, les bruits de vaisselle…
Merci Émilie
Merci Khedidja pour cet écho. Je ne connais pas ! Alors je fais quelques recherches 🙂 A très bientôt !
Les deux scènes sont formidables Emilie, « le chignon blanc plein d’histoires », les sucettes chaude, la dérade et la coinche.
ô merci Emilie pour ce retour ! A très vite !
Quelque part la table en formica qui a croisé notre vie… et ce silence qu’on devine plein « d’histoires intimes secrètes dedans ». Merci Émilie.
Merci Michael pour ta lecture. Je vais vite reprendre le fil de tes propositions !
« C’est un éclat d’enfance brillant jaune de soleil et d’été »… Toujours aussi beau, comme d’habitude. Et que dire de « la dérade des esprits ». Un grand merci Emilie.
Merci Serge de ta lecture toujours attentionnée ! A très bientôt !
Ayant en tête le hors champ de la #10, lisant ce texte, serais tentée de l’essayer ici dans la scène « orange » (j’aime comment tu la tiens cette couleur orange carotte et vaisselle) ce qui donnerait sans majuscule au centre de la pièce … échappée belle (sans point) on entre et on sort du texte comme un courant d’air. D’ailleurs a-t-on envie de s’arrêter à cette table ? Qui reveut des carottes ? ^^
Merci merci encore Cécile pour tes pistes de réécriture qui ouvrent d’autres perspectives… Je vais poser tout ça dès que le temps le permet.
J’aime beaucoup la description de la maison au bord de l’océan, on s’y croit.
Ta façon d’introduire les figurines, bibelots et images pieuses dans ton récit me fait penser aux descriptions d’intérieur d’Andersen ; ce qui, je trouve, est très approprié à un récit d’enfance.
» l’homme en noir et blanc dans son beau costume » – J’ai envie de lui inventer une histoire:).