
dans le petit entretien (qu’on entend ici sous le petit micro de la rue Desnoyez) donné dans la petite bibliothèque RG de la rue du Département, pour le projet dit Jacqueline (qui ne peut guère, alors, être mieux titré) j’en évoque une autre (j’ai oublié pourtant le surnom qu’on lui donnait – pas moi mais ses deux amoureux) (je pense à Mercédès mais non, pourtant quelque chose de ce genre, espagnol quelque chose), je me souviens cependant du jour de son enterrement à Pantin et de la tombe vaguement abandonnée de Jean-Pierre Grumbach dit Melville (j’ai déjà écrit ça), que je croisais tout en levant le poing, du poing que (comme dans la chanson « tous les enfants de chœur / levant le poing aux nues / criaient par Jupiter / la noce continue / par les hommes décriée / par les dieux contrariée / la noce continue / et vive la mariée » – une des plus belles chansons du monde, évidemment, comme presque la plupart de toutes du poète) je me souviens du poing que je levais vers le ciel « qui que tu sois, là-haut toi, quelle honte de faucher cette vie-là » (ses deux enfants et l’ami, son époux, là – je me souviens) – comment y croire ? – l’un de ces deux enfants, la petite fille, là, devenue bibliothécaire, entendant ces mots, reconnaissant crois-je comprendre les amis de sa mère et de son père, demandait si on pouvait donner mon adresse mail afin qu’il me joigne, qui sait ce que ça peut donner – les souvenirs, avais-je trahi son amitié alors ? avais-je oublié sa présence, son absence, le nettoyage de l’école de photo d’Ivry, les cartes postales, l’avenue Secrétan, les pousseurs sur la Seine qu’on photographiait du haut des immeubles du quai Saint-Bernard, les parties de billard à Maubert et les pudding avais-je donc tout oublié ? un demi-siècle – les débuts de l’informatique et l’ordinateur qui occupe une pièce entière de Jussieu son amiante et son comité, les cartes perforées mises ici récupérées là-bas, le programme des cases du jeu d’échecs empruntées par un cheval (en combien de coups les atteint-il toutes ?) les annonces de libération, (les notes de la claviste), « mariage d’amour / mariage d’argent / j’ai vu se marier / toutes sortes de gens » – il se peut qu’au cimetière je ne sois pas allé les embrasser, je ne sais plus – avais-je obliqué vers d’autres amitiés ? « des gens de basse souche / et des grands de la terre / des prétendus coiffeurs / des soi-disant notaires » – les choses arrivent sans qu’on les demande, sans qu’on les attende – celles qu’on attend ne viendront-elles jamais ? perdues de vue – qui pointe pourtant aussi vers Françoise Dolto, vers le tordu du cigare qui vivait au 5 de la rue – vers cette époque-là – « quand même je vivrai/ jusqu’à la fin des temps / je garderai toujours le souvenir content / du jour de pauvres noces / où mon père et ma mère / s’allèrent épouser devant monsieur le maire » – et hier soir un mail, et son objet « rencontre »
et puis maintenant, juste là le surnom « la belle de Cadix » (les yeux de velours, Luis Mariano et ses dents toutes de sourire…)
Merci Piero pour ce souvenir content.
Merci à toi Ugo