Oui, il est onze heures quand elle se réveille ce matin-là. Oui, elle a trop dormi et elle n’aime pas ça. Elle s’extirpe du lit et se traine paresseusement jusqu’à la salle de bain. Oui, elle pense que la matinée est fichue et peut-être bien que l’après-midi le sera aussi. Elle se débarrasse de sa nuisette et enjambe la baignoire sabot. Elle saisit le pommeau de la douche et tourne un robinet sans même regarder ce qu’elle fait. Ces gestes sont mécaniques, elle en est consciente. Oui, l’eau est glacée et merde, elle a oublié de prendre au passage une serviette de bain dans l’armoire. Elle va être obligée de traverser l’appartement à poil pour aller la chercher. Elle aura également besoin d’une culotte et d’un soutif propres. À cette saison, en plein mois de décembre, elle va être frigorifiée. Oui, il va la maudire en voyant toutes ces gouttes d’eau tomber de son corps engourdi sur son si beau parquet. Il fera une sale tête, la fixera dans les yeux quelques secondes pour l’intimider. Oui, elle aura probablement peur de sa réaction. Elle réfléchit à la conversation qu’ils ont eu hier. Ils ont beaucoup bu et ont beaucoup ri. Oui, comme toujours, il l’aura trop fait parler et elle se sera probablement trop confiée. Oui, dans une minute, une heure, peut-être deux, elle va amèrement le regretter, cet épanchement et tout ce verbiage. Lui, il regrettera ce petit relâchement et il faudra qu’elle paie toute cette gaieté. Oui, il y aura d’abord les remarques cinglantes, les phrases dévalorisantes et pour finir il y aura les gifles et les coups de pieds dans le ventre. Elle repense à leur bébé qu’elle portait depuis déjà six mois et qu’elle a perdu. Oui, cette fois, elle est bien décidée. Non, il ne gagnera pas. Elle a posté une lettre. Elle ouvre alors la fenêtre et enjambe le petit parapet.
Très pur, mordant de vie. Espérons qu’il fera plus chaud derrière ce parapet.