RECTO
Un sarrau bleu de Prusse de ferblantier toujours épais. Tissu tissé ample en coton l’été, tenace en laine l’hiver. Apprivoise les secrets de l’acier et déploie ses plis tannés. Boutonné col, profondes poches et manches larges. Bouclier qui protège et pare comme dans bulle l’ouvrier bourru. Qui brouille et bouge contre éclats de poussières
Poires préalablement pelées et placées sur les claies. Enfermées dans four à bois pour suder, sécher, à taper. Dans lin froissé toutes enveloppées et à grignoter déshydratées. Dans coin d’atelier du cordonnier par marins rescapés. D’un choléra ayant causé forte mortalité.
Atelier d’imprimeur avec prote sans prothèses. Peau de bouc, caractère serré dans cadre, presse à bras. Mécaniques, ressort et engrenage. Filet droit, marqué, plein et délié, Xylo, litho et gris typo. Grande majuscule sur page entière, fleurons, accolades, vignettes. Femmes au travail sur casses à caractères, aime, em, encre. Doigts fins, taille douce, ligne serpentine, coiffe fillette. Foisonnement des formes, satiner, traits de plume. Chèvres tannée, f(r)ondeuse de caractère.
VERSO
Foulard, mouchoir, fichue, tous des cache-cheveux couvrants. Serrés et noués autour de tête comme un secret, aplatissant cheveux contre crâne. Souvent sobres et blancs, à petits carreaux ou aux motifs délicats. De coton, de lin ou de madras, en broderie de fils fins flottants.
Tue cochon en automne. Poitrine de porc dans marmite en cuivre ou grand chaudron en fer. D’abord préalable marinade pour confiture de viande. Dorer, brunir dans saindoux, ajouter vin de Vouvray. Première cuisson en confit, seconde à feu doux. Égoutter. Mise en réserve de calories contre pénurie. Pour prochaine gloutonnerie de gastrôlatres ventripotents.
Là assis au fond de la cale de la gabare, il se terre dans la pénombre. Jette plusieurs regards circulaires autour de lui jusqu’à distinguer trente tonneaux, quelques caisses empilées et de vieux sacs de toiles usées. Il entend se fermer les écoutilles, écoute les pas lourds sur le pont au dessus, les cliquetis métalliques et les tintements pendant l’éloignement. Œil collé aux lattes de bois, joue froide contre le bois. Rayons de soleil qui percent à travers la paroi. Clapotis de l’eau sur la coque, pulsations des vagues et du cœur. Bientôt les roulis, le chant aigu des mouettes et le bruissement du vent.
Œil collé aux lattes de bois, joue froide contre le bois, vogue-t-il vers sa liberté ?
Merci Bernard pour votre lecture. À ce stade de l’écriture et je l’avoue entièrement perdue dans les consignes, je ne sais pas ce qui pourrait advenir de ce personnage. Ce qui est certain, c’est qu’il semble attendre le bon moment pour faire son apparition. J’ai lu attentivement votre 9e contribution. Colère et jalousie contenues plus sorcellerie, c’est une triade intéressante ! Grâce à votre texte, j’ai découvert le travail de Jeanne Favret-Saada et je crois que c’est une piste excellente pour mes prochains écrits. Un grand merci.
bonjour Pascale,
lu avec intérêt ces fragments autour de vêtement, nourriture et lieu
minutie, usage de phrases très brèves qui révèlent peu à peu la nature de ce qui est décrit
(je me suis demandée s’il y avait un verso et un recto vraiment)
et je me suis demandée aussi qui est ce personnage terré dans la cave humide, passager clandestin, exilé de terres étranges en quête d’un autre monde…
Bonjour Françoise, je vous remercie pour votre lecture attentive. Effectivement, j’ai utilisé les termes « Recto et Verso » mais il n’y a pas de différence entre mes deux triades. Je crois m’être emmêlée les pinceaux dans les consignes. Je n’ai pas compris s’il fallait qu’il existe un lien entre objets, nourritures et lieux et surtout si ces derniers devaient contenir ou non les objets et nourritures décrites. Concernant mon second lieu, je pensais n’évoquer que l’embarcation mais voyant que j’avais trop peu de lignes, j’ai tenté d’étoffer mon passage et c’est cet étrange individu en quête d’un avenir plus radieux qui m’est apparu. Je ne saurai pas vous dire pourquoi. Mais s’il faut imaginer une suite, je dirai qu’il a quitté Amboise et que la gabarre accostera très probablement à Chinon. La plupart de mes personnages semblant tous vouloir se retrouver là-bas, je ne vais pas les contrarier. Au plaisir continuer à lire vos prochaines contributions.