#rectoverso #11 | Stigmates et traces en tout genre

Recto

Choses qui laissent des traces qu’on ne veut pas toujours voir

La poussière sur les meubles

Le rond laissé par la tasse à café sur la nappe cirée

Les empreintes digitales, noires, sur l’interrupteur, en bas de l’escalier

Le cadavre de la mouche, sur le carrelage, dans le coin, inaccessible pour l’aspirateur à gros embout

La toile d’araignée, autre recoin mais du haut, là, paisiblement installée, paraît que c’est bon signe, adage, maison saine, bref ne pas y toucher

La terre déposée par la chaussure mal essuyée un jour de mauvais temps et qui, tranquillement, s’installe, éphémère sédiment

La fissure sur le mur de l’ouest, elle avait déjà commencé avant, mais avant quand ? On ne sait pas, mythe de la craquelure qui va avec la maison, on vit avec, le lierre finira bien par tout cacher ou tout emporter, on dit que ça bouffe les façades, les lierres, on laisse faire quand même, c’est plus simple

Les cicatrices de toutes façon il n’y a que le temps, ça  les estompe un peu mais on voit toujours. Le chirurgien avait prévenu, vous êtes sûre ? Réparer sans traces c’est impossible, soit on reste lisse et on pourrit de l’intérieur soit on ouvre et on conserve la balafre à vie

Les stigmates, qui ne sont ne sont pas tous sacrés, non hélas, sinon ça se saurait, on aurait de faiseurs de stigmates comme les faiseuses d’anges, pour interrompre le cours lisse de la peau, les stigmates qu’on cherche à dissimuler ou à exhiber, peut-être selon l’endroit, c’est pas pareil d’avoir un stigmate sur les mains ou sur les fesses, et que dire du ventre ou du mollet?

Verso

Choses qui froissent

Choses qui fanent

Choses qui grandissent sans qu’on s’en aperçoive

Choses qui foutent le bourdon quand on y pense

Choses qu’on ne dire jamais parce que justement on aimerait tellement les dire

Choses qu’on entend sans écouter

Choses qu’on dissimule à tout jamais, promis, juré, craché

Choses qui devraient émerveiller mais qui rendent tristes

Choses à soi qu’on ne veut pas partager

Choses tout court mais après tout c’est quoi une chose ?

Codicille 

L’écriture se fait dans un temps consacré assez court, entre les choses à faire : liste des choses à faire entre lesquelles caler le moment d’écriture. Maman ?oui c’est pour quoi ?Non je ne trouve pas le pantalon que tu veux absolument mettre ce soir. Si pourtant je suis presque à jour dans les machines à laver . Écrire. Le pantalon doit être dans ce je-ne -sais -quoi- et- le -presque -rien du fond de la balle à linge pas encore lavée. Et  pas assez de temps pour lire Janké (heureusement il y a Kelev), il faudrait, nouveaux cours à préparer. Écrire. C’est trop cuit ? Ben tant pis tu n’es jamais contente, mange tes légumes c’est bon pour la santé, arrête de grignoter. Écrire. Maman tu viens me chercher à 18h, t’es pas en retard parce qu’après je ressors, tu m’emmèneras, hein maman ? Écrire. Dormir. Ranger. Laver. Travailler. Liste des choses ordinaires entre lesquelles respirer pour écrire.

A propos de Marie-Caroline Gallot

Navigue entre lettres et philosophie, lecture et écriture.

8 commentaires à propos de “#rectoverso #11 | Stigmates et traces en tout genre”

  1. C’est très réussi, merci, Marie-Caroline, et bravo de trouver un temps pour l’écriture dans votre journée de mère de famille/

  2. c’est malin d’écrire dans les intervalles, mais après faut pas s’étonner que le mur se fissure

  3. Toujours le plaisir de lire du Marie-Caroline. Qu’est-ce que c’est bon parfois d’être à la retraite ! Ecrit-on plus pourtant et lit-on plus levitch ?

    • Oh Danièle, ravie de te retrouver et merci pour ta lecture ! J’adore la question !

  4. Merci pour l’attention porté aux traces dans un monde où la disparition (en voie ou non, intime ou collective) rôde voire hante !

    J’aime aussi beaucoup le codicille qui donne de la légèreté et de l’élan pour continuer à écrire malgré, malgré, malgré 😉

    • Merci pour l’attention portée au texte et à ses traces périphériques…