Recto
A ce stade de la nuit, mes yeux ne se sont pas encore habitués aux manques de lumières. Je ne comprends pas grand-chose de ce que je perçois. Et le pire, c’est que ça évolue plus vite que je ne me réveille. A peine me suis-je habitué à une fréquence qu’elle change.
à ce stade de la nuit, ma tête est tournée vers le ciel et elle essaye de sentir chaque bâtonnet en marche au fond des rétines de chaque oeil pour les pousser à voir au-delà d’un spectre trop défini pour être honnête. Je les entend. Et la Terre s’ouvre, comme ils disent. Je ne suis qu’un poisson, je ne saurai vous dire si la Terre s’ouvre où.
à ce stade de la nuit mon corps flotte et ne m’est d’aucune aide, bien au contraire. Toute sensation redouble la confusion. Que fait ce couteau dans ma main ? D’où vient ce sang ? Et cette odeur de poisson. Et tout ce bois autour de moi, ces luminosités jaunes, pourquoi suis-je là et ici ? Tandis que mes mains continuent de couper les têtes des poissons, mes yeux de regarder mes mains baignées de lumières jaunies et de sang, et mon cerveau de cogner à l’intérieur de mes crânes.
à ce stade de la nuit, il fait encore jour, encore. Encore attendre que l’illusion s’efface. Je sais, moi, qu’il n’existe pas. Qu’elle est la seule et l’unique, froide et mystérieuse, infinie et insaisissable. Pourquoi doit-on tous faire comme si ? Mon cerveau cogne au front, je sens déjà l’alcool du soir descendre doucement le long de ma gorge et empêcher les remontées trop acides d’atteindre mes yeux, les éteindre.
à ce stade de la nuit, je m’amuse à me revoir marcher dans les rues de Rennes, je ne sais même pas si le bâtiment auquel je pense existe toujours. Mes yeux s’étaient arrêtés dessus en pleine journée et les rayons du soleil se reflétaient dans au moins un tiers des fenêtres composant l’une des faces que je percevais. Parallélépipède à tendance rectangulaire sur les deux faces que je perçois, il est troué de fenêtres rectangulaires. Il a une base, un prolongement et un toit. L’une des deux faces que je perçois est à l’ombre, ce qui renforce encore la luminosité des rayons frappant le tiers des fenêtres composant la face au soleil. Pendant une demi-seconde, mesure à la louche, j’ai eu la forte sensation d’une fragilité catonesque. J’ai eu envie, de là où j’étais, d’appuyer sur la façade pour la plier comme un vulgaire carton. J’avais vraiment l’impression que « tout cela » était très fragile en fin de compte.
à ce stade de la nuit, je n’arrive toujours pas à m’intéresser aux étoiles. Ce que j’en vois, ces petites diodes déposées sur tout l’écran, ne m’inspirent rien. Au moins je ne les sens pas conspirer non plus.
à ce stade de la nuit, sept revient. Il rigole, je l’entend, je n’entends que lui. Son petit rire sarcastiquement diabolique, lui, il sait, et moi, je ne comprends toujours rien. Pourtant maintenant je peux percer et voir. Mais je ne comprends toujours rien.
à ce stade de la nuit, je fatigue de mes fatigues. Je n’ai plus besoin d’autres mots pour m’en convaincre. Il suffit que je pense à bouger, quel que soit le sens, pour qu’elle me saisisse chaque cellule et me fige. Et pourtant, elle bouge.
à ce stade de la nuit, je ris. Du moins, je sais que c’est tout ce qu’il reste à faire. Alors je l’écris pour le faire. Un jour, je rirai.
Verso
Je ne l’ai vu qu’une fois, mais depuis j’en parle dès qu’il me revient et je le conseille dès que je croise quelqu’un qui. Los amantes del circlo polare.
Vont-ils y arriver?
Est-ce vraiment la question?
les mouvements