Recto
Il y a le vent du nord qui renverse le parasol malgré les dalles de béton.
Il y les plans de tomates qui souffrent du sec mais poussent malgré tout.
Il y a le scooter orange du paysan qui s’en va, laissant sur l’herbe le tracteur vert la porte ouverte et la citerne vide.
Il y a des verres à l’envers sur la table pour des invités qui ne devraient pas tarder.
Il y a des oiseaux qui chantent quelque part mais pas moyen de savoir où.
Il y de la musique, Herbie Hancock, et ça date de l’année de ma naissance (j’aimerais bien que soit sur cet air-là que).
Il y a la voix grave du voisin, le chat qu’il caresse, sa femme qui fume.
Il y a des voitures qui passent, une noire puis une grise, et le souvenir que quand j’étais enfant, je savais le nom de toutes les marques. Celle qui vient de passer, je dirais que c’est une Fiat.
Il y a, sur la ferme rénovée où vivaient jadis madame Colomb, sage-femme, un écriteau à vendre accroché au balcon.
Il y a une femme avec un grand chapeau blanc qui marche sur le trottoir d’en face.
Il y a deux milans royaux qui planent dans le ciel dégagé. Parfois ils se battent avec des corbeaux.
Verso
Oui, répond le petit garçon. C’est un oui franc, déterminé, un oui inquiet qui pourrait céder à la panique si la promesse qu’on vient de lui faire n’était pas tenue. L’adolescente, elle, porte un t-shirt sur lequel il est écrit oui mais non. Fini le temps de l’affirmation angoissée, voici venu celui de l’hésitation, le oui tremble, il ne va plus de soi, il sait que les promesses n’engagent que ceux qui y croient, et ce oui mais non, l’adolescente craint qu’on le prenne, pour un non mais oui. Il faudrait affirmer un non, mais affirmer, c’est dire oui, mais non. Avec le temps, retrouve-t-on le courage de dire oui ? Le vieillard voudrait bien dire oui à la vie, mais il sait que la vie n’est pas du même avis, il dit oui avec son cœur, il dit non avec sa tête, il en a tant vu qu’il ne sait plus.
Habile « oui mais non », incarné physiquement, avec tentative de mise à distance.