RECTO
Il y a la pleine lune qui me regarde
Il y a les vendeurs de Malboro aux yeux vitreux
Il y a ceux qui poussent leur caddie comme un déambulateur
Il y a les jeunes filles jambes bras ventre nus qui marchent fièrement
Il y a celle dont les soucis sont si lourds que sa tête s’incline vers le sol
Il y a les cars de police sur la place qui laissent leur moteur tourner
Il y a cette jeune déesse sur sa trottinette qui file tous voiles dehors
Il y a celui qui engloutit sa glace de peur qu’elle ne fonde
Il y a les fleurs fanées les plantes assoiffées
Il y a le bleu du ciel sans nuages
Il y a la pollution qui plaque sa crasse sur les visages et les poumons
Il y a le jeune arbre incapable de donner l’ombre qu’on attend de lui
Il y a les boutiques les salles de sport qui déversent l’air chaud de leurs climatiseurs sur le trottoir
Il y a les places et leurs jets d’eau où les enfants se baignent et où les grands-mères déchaussées rafraîchissent leurs pieds abîmés d’avoir tant et tant marché
Il y a ce père qui promène son enfant en poussette en faisant son jogging casque sur les oreilles
Il y a ceux qui cherchent leur chemin portable sur la main en guise de boussole
Il y a ceux qui font la queue à la soupe populaire assis sur le muret jambes pendantes serrés les uns contre les autres comme des oiseaux perchés sur un câble électrique
VERSO
OUI, trois voyelles qui se prononcent groupées. Dans le même souffle, peut-être même le dernier. Oui, on pense à la vie, à tous les moments où on a su dire « oui » sans faux-semblants, directement, droit comme le « i » pour mieux ouvrir le mot à l’autre, parce que c’est toujours à un autre que l’on dit oui. Oui, je suis bien là, oui j’ai peur de la guerre, oui j’aimerais que tout s’arrête, oui j’aimerais qu’on prenne le temps de se parler. Oui ne court pas, même s’il est rapide, il traîne avec lui ses explications, ses justifications, il a peur d’être mal compris, alors il se répète encore et encore. Il se transforme en ritournelle, ritournelle à un mot, fredonnée, racontée, rigolée avec toujours l’œil et la bouche qui participent. C’est une affaire de visage, souvent expressif même les yeux fermés. Oui, les larmes coulent, oui tu me manques, oui je t’aime même mort. Oui est cette voix qui nous dénude. On arrête les circonvolutions et on dit OUI.
il y a quelque chose des dehors d’Annie Ernaux dans vos il y a si justement notés (comme Apollinaire je ferai sauter toute virgule du recto et aussi dans le verso, oui pouvant faire office de point (et de pause) merci Michèle
Merci pour tes remarques pertinentes.
Pour le recto, pas de problème, je vais retirer toute ponctuation.
En revanche, ça ne me semble pas évident d’en faire autant pour le verso. Je vais essayer. Encore merci !