#rectoverso #03 | trois explorations et un conte

Il y a, il en un, un il-île car c’est bien la mer qu’il l’entoure, la mer que l’on atteint lorsqu’on prend le recul que la locution impose.
Il y a, y en deux, un i-grec parce qu’on est en Méditerranée. Il y a les Cyclades, les Ioniennes. Ou le Dodécanèse ou encore les Sporades. Le i s’hellénise pour faire le pont.
Il y a, a en trois, le a comme un monde à atteindre dans lequel van Voigt dicte sa fiction en science (le monde des Ā), ou pour suivre Fred et Philémon dans leur naufrage. La lettre première au bout d’une aventure, tiers rebond pour finir en suspens.
Il y a. Il y a tant de riens que j’aimerai dire mais que j’ignore. Il y a si peu d’infinis que les mots sont bien assez pour combler les espaces entre mes pensées.

Théâtral, il y a quelque chose de pourri au royaume du Danemark. 
Littéraire, il y a des hommes qui n’ont que leur ignorance à opposer au savoir des autres.
Poétique, il y a des crépuscules où les rayons de soleil ne savent pas sur quelle pierre se poser. 
Sombre, il y a des blessures dans les silences de politesse.
Onirique, il y a des plantes sans fleurs au cœur des forêts qui parlent des langues oubliées.
Matériel, il y a un billet de cinq sur la commode pour aller chercher du pain.
Publicitaire, il y a Du, il y a Bo, il y a Net, il y a Dubonet.
Mystérieux, il y a des souvenirs qui restent à vivre.
Cinématographique, il y a longtemps, dans une galaxie lointaine, très lointaine.
Triste, il y a des étoiles qui brillent pour personne.

Il y a de ça aussi. De ça et du reste. Du en qui s’invite, il y en a. Ou du t, dans la pagaille, y a-t-il ?
Il y a de ceci, il y a de cela. Il y a un peu de farine, il y a une pincée de sel, il y a une lichette d’huile. 
Y’a aussi, y’a qu’un cheveu sur la tête à Mathieu, y’a que la vérité qui compte. Y’a qu’à, y’a là.
Il y a de l’eau dans le gaz. 
Il y a des matins où l’on ferait mieux de rester couché.
Il y a des gens qui se croient tout permis
Il y a tant de banalités qu’on se sait comment les introduire. Trois mots pour présenter, un compliment nominal et, parfois, une relative complément. 
La vie est simple, il y a et le commun s’étale.

Dans la famille des oui, Oui-un règne en maître. Il est assis sur son trône, le journal entre les pognes, l’air suffisant et le café fumant. Pendant ce temps, Oui-deux s’épuise à la tâche, ne rien tenter qui fâche, elle nettoie tout du sol au plafond parce qu’elle ne sait pas dire non. Oui-oui dans les pattes est un enfant idiot, futur psychopathe. Le cousin Ouais, vulgaire et mal élevé, sonne à la porte : « tu veux venir à la plage ? ». Oui-oui dit oui, Oui-un dit rien, la télé est allumée. Oui-deux, ni une ni deux, dit oui elle aussi. Un Oui de moins, elle ne dit pas non. Au bord de mer, Ja et Yes, deux étrangers bien rougeauds, veulent jouer eux aussi. Les cousins disent oui de la tête, après tout, plus on est de oui et plus on rit. Si et Ié les rejoignent, puis हो, نعم et Tak. Les oui ont l’esprit large, ils ne refusent rien. Un petit Non passe par là, un Non inoffensif, un Non de politesse, un Non-merci. Il entend les enfants Oui qui hurlent des oui mais le petit Non se dit non. Pas lui. le père Non-un, assis sur son trône, le journal entre les pognes, l’air suffisant et le café fumant ne serait pas d’accord. Il lui crierait dessus et Non-deux pleurerait parce qu’elle ne sait pas dire oui.
Pendant ce temps, loin de là, la famille Peut-être ne se pose pas ce genre de questions.

Photo de Eagan Hsu sur Unsplash 

A propos de JLuc Chovelon

Prof pendant une dizaine d'années, journaliste durant près de vingt ans, auteur d'une paire de livres, essais plutôt que romans. En pleine évolution vers un autre type d'écritures. Cheminement personnel, divagations exploratives, explorations divaguantes à l'ombre du triptyque humour-poésie-fantastique. Dans le désordre.

3 commentaires à propos de “#rectoverso #03 | trois explorations et un conte”

  1. Ah ben oui c’est bien rigolo et
    y’a possiblement une envie de chanter le père Non-Un
    et aussi de parler sombre ou autre.
    Me suis bien amusée à le lire. Conquise.

  2. J’ai adoré le conte de la famille des Oui, derrière cette apparence enfantine c’est glaçant et profond, bravo pour ça!!