Avant
Du côté de la route, une plaquette au-dessus de la porte : Mme Collomb, sage-femme. Devant l’entrée, une fontaine où l’on s’est désaltéré, des pierres au sol, disjointes, et quelques fleurs qui se glissent dans les interstices : pâquerettes, camomilles, pissenlits. Il faut se baisser pour entrer, faire attention à la marche. Le parquet craque. C’est bas de plafond. Un escalier extérieur, une porte d’écurie, deux fenêtres percées dans le bois sombre. La maison semble grande à l’extérieur et petite à l’intérieur. On a un haut-le-cœur en songeant qu’il n’y a pas eu que des naissances dans la petite pièce du rez-de-chaussée au fond de laquelle une seconde porte, plus discrète, permettait à celles qui ne voulaient pas être vues d’entrer. Il fallait choisir son heure, à la nuit tombée, et connaître l’horaire du train pour éviter qu’un voyageur de passage devine ce qui se passait derrière, quand on entrait par la porte sans plaquette au-dessus. Madame Collomb fermait les volets et ne les ouvrait que le lendemain matin.
Après
Appartement à vendre dans une magnifique ferme rénovée, sous les combles, charpente d’origine. Le reste est refait. Les murs ont été blanchis, les parois repeintes dans un brun verni tirant sur le rouge. L’escalier extérieur n’est plus. Deux balcons au premier étage. Deux petites terrasses au rez, avec chaises et tables, quelques pots d’arbrisseaux pour séparer. On entre dans l’appartement par la porte-fenêtre. C’est douillet, c’est cosi, pas très grand mais on s’y est plus tout de suite. La fontaine coule encore. On n’ose plus s’y arrêter quand on a soif. La porte de derrière n’existe plus.
eh bien le verso claque comme une annonce immobilière et marque bien la distance entre un avant misérable et un après douillet, indifférent à ce que l’ avant trainait comme misère