#rectoverso #06 | ça passe les morts?

Je petite chose
Je petite gens
Je de l’autre mais sans
Je fourrage lave panse crème les corps
Je sans diplôme vraiment mais à la force du faire sait
Je petit pavillon photocopié sur ceux de la rue
Je petite veuve à l’air soulagé des bleus du soir
Je au dos courbé des regards voisins qui traînent la boue les peines de Je
Je silencieuse acte et avance
Je ne se pose pas vraiment de question sinon Je perd le sens du vide
Je se lève chaque jour en routine serrée un réveil de l ancienne génération qui sonne fort sans musique juste un cri
Je doucement appuie pour taire le cri
Doucement se glisse dans ses chaussons
Doucement jusqu’à la toilette de chat
Les dents surtout prendre soin de ses dents pour ne pas finir avec les trous des sans désignés TV désignés politique
Ses dents survivront à Je elle l’a décidé
Alors elle brosse avec tendresse l’email comme un animal malade qu’il faut flatter
Ses dents parfaites comme rien n’est parfait autour de Je

Je traîne ses morts comme des savates elle traîne même certains vivants
Ils appuient fort sur ses épaules presque à tomber tant ils attaquent
Ses morts ont des odeurs rances ils s’accrochent à Je pour continuer tourmenter
Marre des morts et marre des vivants qui attaquent
Trop d’aigreur chez ce qui vit et parle
Je préfère les plus vieux ceux qui ne disent plus dans un fauteuil laisse
Je prend soin
un point d’honneur surtout de ceux qui ont perdu leur voix leurs têtes leurs vie
Je est patiente avec eux car ils ne disent
ne se plaignent
Ils pourraient presque sourires s’ ils se souvenaient comment
Alors elle lave elle récure elle change elle déshabille et hop au lit hop à la douche hop au fauteuil hop dans la bouche

Doucement je touche les peaux
les peaux pleurent si on ne leurs demande pas avant
Les mains peuvent facilement égratigner leurs veines
La peau fragile des plus vieux à graisser et hop on tartine sinon ça saigne ça se détache trop fragile la peau des vieux

Je voit toujours l’inefficace le faire semblant de s’occuper de laver de croire le faire semblant que la vieillesse compte elle voit mais ne dit rien
ses collègues apprécient
Je fait différemment mais elle ne dénonce pas
Je ne ferais jamais ça même si ça pince sa bouche souvent de dire
Elle accommode elle continue
c’est ce qu’ on lui a appris à Je
à continuer faire semblant
sourire pas la peine c est trop mais courber les yeux ça oui on lui dit depuis l’enfance
Avance et tais toi alors elle silence Je
pour ne pas prendre trop fort les représailles
parce que oui il y a des représailles
toujours c est normal elle croyait d’ailleurs que la vie comme ça Je
les filles à poils et frappe frappe et viol viol
Alors elle s’accommode et elle continue on lui a appris
sinon quoi elle saute sur les rails Je
Non elle n’a même pas envie de sauter Je
c’est beaucoup d’effort de penser mourir
alors elle tait et d’accord
Mais les morts la suivent
peut être qu’ils aimeraient qu’elle saute pour mourir comme ils ont vécu à coup de poing et de repas mal lavé
ou bien était-ce la vaisselle et la viande trop cuite
Parce qu’il fallait de la viande à chaque repas chez Je
avant quand les morts n’étaient pas morts
il disait c’est la base et bien cuite et que ça saute et attention si jamais trop cuit pas assez vite pas au bon moment
Il faudrait presque que Je habite mieux les cerveaux
pour comprendre ce qu’on attend d’elle
alors Je à appris la déconnexion
c’est facile suffit de ne plus ressentir hop le cerveau plus loin ça passe plus ça fait moins mal ça évite de trop penser ça évite de vouloir sauter ou tuer
Je ne comprends pas les demandes incessantes mais elle obéit
Je obéit parce qu’ elle craint
même mort il a sa main sur la tête de Je
c’est incroyable de ne pouvoir laisser la mort sous
vous ne trouvez pas?
Je sais que maintenant elle peut laisser griller la viande laisser ses chaussures dans l’entrée sans les ranger faire du bruit ne plus laisser le lit être une habitude de mari
Elle sait mais les morts trop fort envahissent Je alors elle continue courber un peu en attendant que les morts passent
Ça passe les morts?

A propos de Jen Hendrycks

J'écris depuis l’indignité. je traque ce qui fend, fracture, endure. Écrire comme sursaut, sédition et dire sans polir ni plier. En veille et sorésie, toujours. jenaie@hotmail.fr

5 commentaires à propos de “#rectoverso #06 | ça passe les morts?”

  1. Un texte magnifique, magistral, un je sans fin.
    Mille mercis
    Martine Lyne

  2. Merci à toutes. Il patientait dans mon drive pendant que mon téléphone s envoyait vers. Du coup j ai pris un peu de retard que je vais tenter de combler vite!