#rectoverso #08 | Une amitié

Elle veut son compas qu’elle m’a prêté, elle me le demande encore et je lui réponds, encore, que je lui ai rendu et qu’elle a dû le perdre. Je la trouve un peu niaise. Faire tant d’histoires pour un compas ! Je suis assise devant elle et je lui tourne le dos. Mais elle n’en démord pas et pianote avec un stylo (je suppose) entre mes omoplates. La barbe ! Et le cours se poursuit.
Pendant la récréation, je la regarde du fond du préau. Elle est bien plus grande que moi, pas grosse, elle a déjà de la poitrine et même, elle porte un soutien-gorge… et des lunettes. En fait, elle ressemble à un compas vu les guibolles qui s’élancent toutes seules, on dirait. Et de traviole. Et voilà qu’elle se dirige vers moi et me parle de … Devinez quoi. Elle l’a retrouvé. Elle s’excuse. Elle m’invite chez elle car je suis nouvelle et qu’elle est gentille finalement. Chez elle, il y a un père, une mère, un frère, deux chiens. Chez elle, on me sourit, on me propose une orangeade, on peut mettre des disques et on peut danser. Chez elle, très vite, c’est devenu un deuxième chez moi puis un chez moi tout court. Compas, ma meilleure amie, ma sœur jumelle (enfin presque, je n’ai pas de poitrine juste un petit renflement comme deux cerises qui ne demandent qu’à devenir abricots). On se promène, on se raconte tout, on écrit des poèmes sur notre journal, on se les lit, on se complimente, on rigole…… dans une douce moiteur délicieusement odorante Deux jeunes filles au teint pâle se tiennent par la main,


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Tant d’années à s’accompagner, se perdre de vue, se retrouver après de plus ou moins longs silences. Moi, je dis que l’amitié c’est comme l’amour ça se travaille. Elle a toujours son regard perçant, ses yeux noirs et la robe rouge qu’elle portait l’autre jour lui va bien. La vie l’a rendue intransigeante, elle n’accepte pas les demi-mesures mais je l’aime comme ça avec son humour, ses portes qu’elle claque. Quelquefois elle me fait peur, je pense qu’elle aimerait se débarrasser de moi mais nous sommes liées, nous sommes sœurs et la littérature nous réunit bien que nous ne lisions pas les mêmes auteurs. Nous n’avons jamais aimé les mêmes auteurs, n’avons jamais eu les même héroïnes. Angélique et Scarlett. Que de chemins ensemble !

A propos de Louise T.

Des fragments de vies dans divers lieux Afrique du Nord/France/Côte d'ivoire/ France. Villes et campagnes. Ecriture et Lecture. Aimerais être en lien plus étroit avec moi.

4 commentaires à propos de “#rectoverso #08 | Une amitié”

  1. revenir vers ces amitiés d’enfance, fondatrices…
    « Quelquefois elle me fait peur, je pense qu’elle aimerait se débarrasser de moi mais nous sommes liées, nous sommes sœurs… »

    (étonnant d’ailleurs comment cette proposition a produit plutôt des duos de filles plutôt que d’autres types de résonances, sans doute l’influence du texte de Sarraute ?…)
    à bientôt Louise

    • J’avais pensé à une histoire d’enfant fille/garçon mais le texte est arrivé avec un compas (et une histoire vraie) et j’ai suivi. Merci Françoise

  2. Ai aimé particulièrement la répétition des « chez elle », et les guiboles, et le de traviole, et ces deux voix aux âges différents.

    • L’une avait 12 ans, la suivante (qui est l’autre) est adulte depuis longtemps. Merci Betty