Une chaise est restée tirée. Un fond de café séché dans la tasse, le sucre ne colle plus. La table a grandi depuis qu’on n’y est plus assis. Les petits Lus dans le buffet, disparus comme des dents de lait. Un feu rouge de souvenirs. Ça s’arrête. Ça repart. Il y a de la buée sur les vitres mais personne ne souffle. Corbera ne respire pas, il se souvient. Le silence fait les gestes — il essuie, range, nettoie. Les murs repeints cent fois, mais la même lumière. Jaune, tiède, fatiguée. Odeur de savon râpeux, de gauloises sans filtre, de viande rouge en train de cuire. Le sac de l’aspirateur gonflé à bloc. On entend encore le crissement contre le seuil, puis le silence du sac oublié dans le placard. On touche les rebords du buffet comme s’ils étaient vivants, le bois ciré imprègne les doigts. Quand le jour décline, la cuisine allume sa lampe, jaune encore, et les voix reprennent. Le bruit de la grille de l’ascenseur. Les absents ne frappent pas ils sont déjà là.
« Un feu rouge de souvenirs », c’est très présent et c’est violent, l’interdiction qui l’édicte ? Et soudain ils sont tous là, avec les odeurs qui les font vivre, même ceux qui sont absents.
l’image je crois est venue plutôt de la circulation entendue depuis la chambre, mais les odeurs sont toujours les plus fortes, merci Laure.
« Jaune, tiède, fatiguée. » les trois adjectifs au centre du texte le chevillent à la manière d’un casse-tête. Il se pourrait bien que si on les enlève, tout se déliterait et tomberait dans le sac de l’aspirateur.
le sac de l’aspirateur, finalement silencieux, je suis là pour faire parler les morts.
c’est mystique et ça fait théâtre de l’ombre dans le même temps…