Dans la cuisine en formica qui collait les cuisses, la bouille tout juste à hauteur de la table. Si elle coupait la radio avant de servir nos deux assiettes, si elle disait : « Cellule de crise, riz ou pâtes ? », on était au milieu du mois à la belle saison.
Le studio sous la maison avec ses plâtres, ses bâches et son frigidaire neuf où les restes du gâteau de mariage avaient été stockés.
Une fois les places de théâtre et les livres en poche, restait l’art de variation culinaire dite « des adieux » : les pâtes au beurre au gruyère, les pâtes au beurre, les pâtes, les céréales avec du lait, les céréales. Le Gosplan des carences en minéraux et vitamines se voyait différé in extremis à chaque vacances par une visite chez les grands-parents.
Un os de seiche sèche sur une roche à l’aplomb de la mer. Le mari de la mère veut que l’enfant le regarde. C’est un éclat blanc dans sa main. L’enfant se fige sur place en statue de sel. La mère n’en démord pas : il faut que l’enfant voie ça. Il y a un grand trou noir à la place de sa bouche quand il crie, mais pas de son. Il préférerait avoir la main coupée que de toucher l’os. De l’os même il détourne le regard et par la suite la chaire des mollusques, leurs tentacules dont d’autres se délectent ne passeront jamais ses lèvres, toujours trop proches de l’os à son goût.
Une petite chambre adossée au fournil avec un lit spartiate, un soupirail, un réchaud électrique. Il fait trop chaud pour l’allumer. Il fait trop chaud pour rester lire les livres sérieux à la méchante lumière du néon. Il fait trop chaud pour dormir avant 3 h du matin. Dans le laboratoire, ils mettent la radio plein pot dès 4 h.
Plongé dans tes images qui se parlent plus ou moins à l’oreille. Chaque paragraphe en miniature pourvoyeuse d’imaginaire . Le blanc de la seiche et le trou noir de la bouche., les restes de gâteau de mariage sous la maison dans les plâtres … le peu qui reste qui fait monde avec beurre ou fromage .
Les pâtes, des pâtes, encore des pâtes… plat de pauvres, plat roboratif, on est bien calé après l’avoir avalé. réussi !
Merci pour ces fragments de textes Emmanuelle, aimé le lien théâtre et nourriture. Bises à toi.