#rectoverso #09 | rose is a rose


L’avion de chasse est prêt à décoller. Dans l’assiette du jeune garçon, les flocons d’avoine feront une piste d’atterrissage épatante.

Le parapluie relève du poulpe et de la moule. Sous son aile noir corbeau on devine le gras du ciel. Nuages acrobatiques gris-gloutons au dessus de ma tête dit le garçon.

L’Etoile safranée se reflète sur la sardine fichée dans la terre. Sous la tente du berger, le garçon ignorant de la chute, décortique une écrevisse.

Le flacon de cristal enlace quelques fruits rouges dont une jeune groseille. Dans le salon, on écoute le cantique des cantiques. Le garçon est au paradis.

Le flocon de neige entré par la fenêtre entr’ouverte ignore que dans la baignoire, le garçon dort une feuille de menthe entre les lèvres.


Le garçon a reçu la visite de son oncle. Il sent le tabac froid, souvent le whisky et sous sa moustache, lorsqu’il sourit, apparaissent quelques dents jaunes comme petits poussins aguerris. Cet oncle veut à toute force lui offrir un puzzle représentant les différents états d’Amérique avec leur couleur politique, leur spécialité culinaire, leurs héros dans l’histoire passée et récente. Tout un apprentissage ludique pour un garçon studieux, désireux de bien faire dans ce monde de bruts. Cet oncle bienveillant bien que lourdingue, il faut le dire, avec sa montre de barbouze, ses chandails bariolés et ses chaussures en peau de chagrin, insiste sur le fait que les puzzles forment la jeunesse bien mieux que la télévision et autres bizarreries de l’esprit.
Mais le garçon ne veut pas de ce cadeau imposé et contre toute attente, lui si doux et si docile d’habitude, refuse tout net l’offre de l’oncle bien aimé et à la place, demande une maison de poupées. Un jolie maisonnette assez volumineuse et dotée de plusieurs pièces pour y installer tous ses souvenirs ainsi que ses fantasmes et rêves à venir. Féru de décoration -dit-il- il déposerait dans l’entrée un parapluie, noir de préférence ou rose Chanel pour le fun. Dans le salon, il verrait bien des étagères en bois verni courant sur tout un mur. Divers objets y prendraient place comme son avion de chasse de quand il était petit, inséré entre des assiettes murales. Evidemment sous le toit, un grenier permettrait d’y ranger une tente miniature, modèle réduit et fidèle de celle des vacances et une chambre où les visiteurs bien sûr pourraient dormir mais aussi écouter de la musique, voir en faire et dans ce cas, il faudrait se pourvoir en tambourins et grelots. Pour le restant, tout est affaire d’opportunités. Une salle d’eau sera nécessaire et de larges fenêtres permettront à sa main de se faufiler et d’arranger tout cela. Le garçon a des idées et une belle énergie. Le tonton s’était assoupi depuis longtemps lorsque la lune généreuse se montra dans le firmament.

A propos de Louise T.

Des fragments de vies dans divers lieux Afrique du Nord/France/Côte d'ivoire/ France. Villes et campagnes. Ecriture et Lecture. Aimerais être en lien plus étroit avec moi.

14 commentaires à propos de “#rectoverso #09 | rose is a rose”

  1. Où l’on voit se forger les rêves d’un jeune garçon avec et en dépit de son entourage. Merci Louise.

  2. Ah les maisons de poupées! ou plutôt ces maisons que l’on imagine pour les tout petits êtres qui vivent cachés derrière les plinthes,, ces chapardeurs qui nous piquent les boutons et autres petits objets que nous croyons avoir perdus.

  3. j’adore ça: »Sous son aile noir corbeau on devine le gras du ciel. Nuages acrobatiques gris-gloutons », le mon de vu par un enfant et je trouve ce garçon bien sympathique, va-t-on suivre ses aventures?

    • Merci beaucoup Catherine. Pour le garçon, je ne sais pas ce qu’il deviendra. Courir après le lapin blanc d’Alice ? Peut-être ?

  4. j’adore ça comme Catherine
    et que de couleurs à chaque ligne de ces premiers paragraphes enchanteurs
    eh bien non, ce sera un jouet de « fille » et alors ?
    super Louise…

    • Merci beaucoup Françoise. J’ai pris du plaisir à chercher des images pour les mots de la 1ère partie puis à présenter ce garçon-fille.

  5. ..j’aime retrouver les images des premières lignes dans le texte qui fait suite , comme le parapluie, l’avion dans l’assiette qui sera accrochée…et ce garçon tellement inventif pour la maison de poupées qu’il n’a, avec un oncle « aux chaussures peau de chagrin », surement pas! merci

    • Reprendre le recto, c’est comme ça que j’avais compris la consigne. Me suis trompée donc. Mais c’est sans importance. Merci beaucoup Eve

  6. Cela m’a fait penser par accents à l’univers du film d’Alice de Svankmajer, en plus lumineux… ce regard d’enfant sur le merveilleux… merci Louise pour ce texte

    • Bonjour Michael, Je ne connais pas ce film ni la réalisatrice. Je vais essayer de le trouver. Merci pour ton passage et tes remarques.

  7. Superbe ! j’ai beaucoup aimé l’histoire du garçon qui se projette dans la maison de poupée et j’espère qu’il y aura une suite