
Est-ce que c’est encore la ville ? J’avais cherché, pour atténuer le choc, une déchirure. J’ai marché. Trouée verte. Des arbres et la forêt des toits. Puis il y eut cette voie de chemin de fer où l’herbe reprenait le dessus, cette avenue nue, rectiligne, interminable, et, peut-être, derrière la rangée des arbres tant bien que mal alignés, quelque immeuble incongru. Des fleurs se glissaient dans le grillage, du lierre envahissait les troncs, la rouille n’était pas encore arrivée mais elle était inéluctable. Le ciel était une fumée née d’un horizon troué. La nuit allait tomber avant que je ne sois arrivé au bout de la route, dans quelque banlieue glauque. De temps à autre passaient des familles perdues, des coureuses fatiguées, des vieux. J’avançais en suivant la ligne noire, comme on marche sur un fil trop tendu pour qu’il ne craque pas sous peu.
L’œil est tendu vers l’avant. Il cherche à sortir de son orbite, concentré sur ce point invisible tout au bout. Les barrières sont des œillères qui empêche l’œil de vagabonder. Il veut atteindre cette lueur tout au bout. Il ne veut que cela. Il marche plus vite que les jambes. Il court. Au-delà de ce point, l’œil tombe. Et la verdure s’y reflète.