Mon oncle méditerranéen plutôt que dire truc disait chose, Chose n’a pas la connotation de ruse comme truc, le chose c’est le machin dont on ne trouve plus le nom, les magiciens n’ont pas plus de chose que vous et moi. Mon oncle prononçait chose avec un o ouvert, passe-moi le chose là qui est sous tes pieds, à remarquer que dans cet emploi le mot chose devient masculin. Et je me demande bien pourquoi… dis-moi donc une chose… pourquoi ce chose est masculin alors qu’une chose est féminin?
Être tout chose signifie être mal à l’aise c’est une jolie expression qui exprime bien la sensation de petitesse dans certaine situations, qui vous réduisent à l’état de petite chose, donc de pas grand-chose, chose est lié le plus souvent à petit, peu, sans importance… les choses savent intelligemment se rendre invisibles, se faire si bien oublier qu’on ne les voit plus même pas besoin de les cacher.
Si on est un peu chose, on est un peu stupide
Allons bon, voilà autre chose est plein de sous-entendus négatifs
Grand-chose arrive toujours dans une phrase négative, comme si il ne pouvait y avoir de grandes choses, tu n’as pas grand-chose, quasiment rien.
En revanche, avoir quelque chose peut être conséquent, c’est quelque chose !
Prendre quelque chose est lié à la nourriture ou à la boisson, ce quelque chose n’est pas défini pour vous laisser le choix oui une vodka gingembre ! ou oui, un peu de ce jambon…
Le commerçant ne peut pas s’empêcher de vous demander si vous voulez autre chose mais de manière plus directe pour ne plus vous laisser le choix, sous la forme : Et avec ça ? Il refuse que vos emplettes soient terminées, tout achat enchaine un Et avec ça ? C’est intimidant, et c’est bien le but. Jamais un ami qui vient de vous servir votre vodka gingembre n’aurait l’idée de vous dire Et avec ça ? peut-être juste et quelque chose à grignoter ? Le quelque comme le verbe grignoter vous invitent à ne pas abuser de sa bonté et rester raisonnable dans vos demandes alors que le Et avec ça vous invite à être un peu déraisonnable pour le profit du commerçant.
Si votre hôte a négligé de vous offrir quelque chose, vous pouvez glisser prudemment un « je prendrai bien un petit quelque chose » manière habile de réclamer tout en rassurant.Vos exigences sont réelles mais limitées. .
Prendre quelque chose à propos de nourriture n’est en rien se goinfrer, se prendre quelque chose à propos de coups est se faire assommer.
Certains aiment les belles choses, ce qui sous-tend que d’autres préfèrent les laides choses
L’effet atténuateur du mot chose se retrouve dans l’expression Quelque chose comme, là nous sommes dans l’à-peu-près, il gagne quelque chose comme dix mille euros, on n’est pas à l’euro près, j’ai entendu quelque chose comme un coup de feu, rien n’est sûr, la réalité flotte, c’est peut-être un pétard ou la chute d’un objet…
Mais le mot chose prend de l’importance s’il vous est arrivé quelque chose, ce sera forcément surprenant ou dramatique, surement pas vague.
D’ailleurs être quelque chose n’est pas donné à tout le monde…
Être quelque chose, ce n’est pas être un pas grand-chose
Le CNTRL m’indique l’existence du verbe choser qui revient à s’occuper dans un parler régional (mais quelle région ?) et Tourmenter, réprimander dans un emploi passé de mode.
Chosifier est plus récent, plus philosophique, c’est réduire à l’état de chose, si on vous oblige à faire la chose on vous chosifie.
Choses qui chosifient
Le viol
Les génocides
L’esclavage
Le mépris social
L’humiliation publique
Vous parlez et on ne vous écoute pas on ne vous regarde même pas
Un homme vous bouscule et file sans s’excuser
L’infirmière s’adresse à vous en disant On, on a mangé sa soupe ?
Vous posez une question, il vous regarde droit dans les yeux et s’adresse à une autre personne
La fessée cul nu imposé à un enfant (ou à quiconque que ça n’excite pas)
imposer des objectifs impossibles à atteindre
les protocoles des hôpitaux et des administrations
certains usages numériques conçus pour vous tenir à distance
porter un numéro
Choses qui font honte
(les larmes qui montent aux yeux dans un film qu’on trouve par ailleurs débile, et la situation attendue, tellement attendue que les larmes montent par anticipation aux yeux…)
Choses qui inspirent
Choses qui encouragent
Choses qui coupent la chique
Choses qui donnent de l’espoir
Choses qui stupéfient
Choses que on est le seul à percevoir
Choses que tout le monde sait
Choses barbues
Choses emmêlées
Choses évanescentes
Choses très fragiles et cependant magnifiques
Choses absurdes
Choses que j’aurais voulu inventer
Choses que je n’ai pas faites
Choses que je n’aurai plus le temps de faire
Choses dont je me fous
Leçon de toutes ces choses… merci Catherine pour les choses qui chosifient !
.. en ces temps troubles les » choses qui chosofient » mériteraient un livre à part entière… ces titres parlent tellement bien du grave , du tragique comme de l’ordinaire insupportable qui devient … banal. grand merci
Belle idée que de s’attarder sur la chose, sur le chose. Pour moi, être un peu chose, c’est être un peu barbouillé (dans le même sens qu’être tout chose, en fait). » J’ai mangé des oeufs pas frais, je suis un peu chose. » Mais la déclinaison est tellement riche, et l’ampliation variée. Merci pour ce vaste panorama.
Ahaha le chose truc. Chez nous on tente d’évincer le truc de notre langage courant familiale avec grande difficulté 🙂 Bien vu
Entour cas j’ai tenté de lire – juste un signe… Bonne suite…
Tellement justes ces Choses qui chosifient… et toutes les autres. Une tendresse particulières pour ces « Choses très fragiles et cependant magnifiques »