RECTO
Je tiens le Journal d’un Mot depuis six ans. En Madame Jourdain, je m’y livre sans le savoir à l’ampliation (Lettres employées autrefois en chancellerie pour exposer les moyens omis par la requête civile). (On publie en ce moment l’opus [V], notamment grâce à de généreuses donations de marraines et parrains de certains mots compris dans l’index ci-dessous). Merci à François Bon pour cette nouvelle définition de ma pratique quotidienne (Littré : Augmentation de capacité d’une cavité dilatable quelconque. L’ampliation de la poitrine pendant l’inspiration).
AFFECTION
Ressenti en bien ou en mal.
BAVARDAGE
Pourquoi le condamner dans les bulletins scolaires des petites classes ? On n’est pas là pour ça, apprendre à parler ?
BLANC
Comme un linge. L’expression trempe dans une certaine humidité : fraîchement lavé, bouilli peut-être. Lessivé, donc, ou rincé. Un état de tissu et non de personne.
Une chiffe ?
CHIFFRES
Chiffrer les vêtements aimés pour les posséder davantage, ces merveilleuses enveloppes.
CRÂNE
L’Arlequin a un bouton au front. Peut-être le souvenir d’une corne. Il est le seul masque de la commedia dell’arte à montrer de l’os, du crâne.
CRÊPE
Texture avant tout.
CROISSANT
Le luxe de ma retraite avec des années d’avance. Assise en terrasse ou en vitrine, avec le premier café du matin et jusqu’à la dernière miette, je n’y suis pour personne.
DÉGUSTATION
Les pêches blanches sont si différentes des jaunes au goût.
DÉLICATESSE
Soin discret de prévenir l’embarras.
DÉROBÉE
Épithète.
DUCHESSE
Pas forcément en titre, mais en esprit, en façon.
Si proche de l’italien pour douceur.
Madame de Lux fait don de rochers de son jardin pour l’aménagement du square Verdrel.
ÉCUME
La bave aux lèvres.
EFFACEMENT
Les noms sur les monuments funéraires. Très visibles en revanche, le mot de la Mairie avertissant que la concession arrive à son terme.
ENFANTS
Vivent à l’étranger pendant neuf ou dix ans dans le pays même qui les voie naître.
EUROPE
Se concentrer sur la nymphe.
EXQUISE
Comme il faut œuvrer du palais et de la langue pour dire ce mot.
FAUX
Doux temps des copies où FAUX s’apposait sans s’opposer jamais à VRAI. Le vrai n’avait pas alors besoin d’être signalé, surligné. Il allait de soi : était vrai tout ce qui ne portait pas de trace rouge.
Revenir sur mes pas, à l’occasion d’une promenade ou d’une course, m’a toujours dérangée. Ensuite, c’est devenu inacceptable et, plus récemment, faux. C’est à la fois une erreur pure et simple et cela porte quelque chose de factice. Il faut emprunter une autre route, un autre chemin. Sinon, les pas disparaissent, le voyage est effacé. Idéalement, il faudrait pouvoir regagner le point de départ en entrant par une porte dérobée, une baie vitrée voire une fenêtre. Ainsi le font les Rroms sédentarisés pour la Saint George. Faute de pouvoir aller s’installer ailleurs, ils quittent leur domicile par une porte et rentrent par une autre, après avoir fait le tour de la ville ou du pâté de maisons. Un aller-retour en train ou en avion n’a pas ce genre d’exigence sur moi. L’étape déjoue la fausseté du trajet. Revenir sur mes pas, je pourrais le tolérer pourtant dans le cas d’une ruse, en marchant le retour à reculons.
FÉE
L’inspiration, cette visiteuse de notre prison.
FILIGRANE
Le nom de la lignée maternelle quelque part entre mon nom et mon prénom. La garde blanche au-dedans.
FRÈRE
La sensation limitrophe.
HARMONIE
Des Harmonies dans chaque ville, dans chaque village. La trêve de jouer ensemble, de souffler ensemble.
JARDIN
Tant de framboises cette année, qu’on peut faire les charlottes sans appareil.
LABYRINTHE
Paul-Louis Rossi est mort qui écrivait : Nous n’avons pas épuisé les ressources du labyrinthe.
L’UNE
Ce déséquilibre, cette attente.
MAISON
Il m’a dit : je suis parti trois mois, ma maison se venge.
MANQUÉ
Il peut dire sans ciller qu’il travaille dans les chèques.
MAQUIS
Le fouillis des herbes hautes, des buissons et des branchages, teintés par l’assonance du kaki.
MARCHÉ
Le chat t’a dit : Le jour où tu ne verras plus dans mon œil de chat l’étincelle de ma chatterie, tu m’ouvriras la chatière, n’est-ce pas ?
MODE
Les Loulous sont les chiens les plus à la mode en ce moment, déclarent fièrement un improbable couple d’amis septuagénaire, en caressant la vieille petite bête qui les accompagne.
MOT
Je tiens le Journal d’un Mot depuis six ans. En Madame Jourdain, je m’y livre sans le savoir à l’ampliation (Lettres employées autrefois en chancellerie pour exposer les moyens omis par la requête civile). (On publie en ce moment l’Opus [V], notamment grâce à de généreuses donations de marraines et parrains de certains mots compris dans l’index ci-dessous.) Merci à François Bon pour cette nouvelle définition de ma pratique quotidienne (Littré : Augmentation de capacité d’une cavité dilatable quelconque. L’ampliation de la poitrine pendant l’inspiration).
NON
Doux ou tranchant.
NUANCIER
Outil perdu du XXIe siècle.
OISEAUX
Les merles mangent les mûres sans attendre qu’elles soient noires.
ORAGE
Je t’attends, je t’attends, je t’attends.
PARALLÈLE
Béatitude de l’œil devinant la symétrie parfaite et perdue aux jardins de la villa de Marc Aurèle.
PARADOXE
Porter un casque, se sentir invincible, être mortel.
La réputation épouvantable de la jeune vendeuse de la pâtisserie De Faille est devenue une des raisons de fréquenter le lieu. Pas un commentaire n’omet de mentionner son mauvais gré, ses moues, sa perpétuelle maussaderie, qui sautent aux yeux dans un endroit aussi exceptionnel et charmant. Or c’est précisément ce qui attire désormais les touristes curieux et narquois et certains habitués, loin devant le remarquable gâteau au café de l’établissement. Au point que si par hasard, s’oubliant, elle sourit ou bien réalise proprement un paquet ou encore renonce à son inertie de grand rampant à l’agonie, on repart déçu et les critiques pleuvent sur la qualité des viennoiseries hors de prix.
PHRASER
Protase, apodose. S’en tenant à ça, on tient quelque chose. Tout le reste, blabla.
PISTE
Une piste de réflexion peut être comme la trace d’un animal qu’on suit dans la forêt, mais aussi comme dans un aérodrome, le lieu du décollage ou de l’atterrissage.
Je n’ai toujours pas pu acheter sans vendre un rein Le Traité du rebelle ou Le Recours aux forêts d’Ernst Jünger.
POINT COMMUN
Les Affinités électives.
PORTE
Voilà six ans que je traite (de) ce mot dans le JDM et pas une fois je n’avais remarqué qu’il est aussi un verbe conjugué.
PRÉNOM
Parfois, les gens ne portent pas le bon. Leur prénom ressemble à un postiche mal posé sur leur tête. Faut-il les prévenir ?
Contrairement à une croyance récente, en choisir un pour soi n’arrange pas forcément les choses.
QUESTION
Il m’écrit pour me demander : Quand m’as-tu offert Le Livre des Questions ? Ou à quelle occasion ?
Que lui répondre sinon : En voilà une question !
RACINE
Inflammation. La rage dedans.
SEMBLANT
L’usage du verbe « sembler » est à manier avec des pincettes. Celui du participe présent aussi. Deux zones à risque de la littérature.
SENT-BON
Le gâteau au chocolat, ce sent-bon de toute la maison.
SIMPLICITÉ
La belle chimère.
SOUFFLE
La poitrine est loin d’être la seule partie de nous qui connaisse l’ampliation pendant l’inspiration.
STYLE
Vient par surcroît.
TALENT
Possession d’un agenda.
TAPISSERIE
Les femmes à longue patience.
TOTEM
L’être et la chose qui le représente partagent le même nom.
VERSO
Observatoires
La Femme de petits sous — Comment l’argent
La Souris-Série — Comment la vieillerie
Laissant apparaître — Comment Jaccottet
Dehors
La Saison (qui s’appelle dans cet atelier Deux Saisons) — Une femme opte pour un changement radical de carrière à l’approche de la cinquantaine. Elle rentre en apprentissage dans une station touristique où elle n’a pas remis les pieds depuis une trentaine d’années. Les éléments les plus prosaïques de son quotidien se combinent alors avec ceux du passé dans un jeu de compas. Les fantômes pèsent à peine plus qu’un souffle d’air et c’est une autre permanence dont elle fait l’expérience simple, face aux montagnes, le temps d’une saison.
Le Banc de Mariette
Hors (vélo, Escaut) — cf cycle #écopoésie
Long cours
Fréquenter Magris par le Danube
Le Voyage d’Osmin — Sérail tome II
Lent Retour — Sérail tome III
Soles Célérier (titre provisoire) — Un homme soucieux passe l’été avec son fils. Leurs identités sont usurpées par une vieille connaissance qui les met en scène avec d’autres dans les scénarios farfelus d’un feuilleton hebdomadaire. Au fil des semaines, les deux protagonistes se prêtent au jeu et décident de rencontrer les autres personnages, contrecarrant leurs propres plans de vacances et ceux de leur entourage.
Goût du noir et de l’obscurité
Sauveterre
L’Os de Sèche
Demi-deuils
Le Sérail (Cabaret viennois des années 20 et par extension histoire de ceux et de celles qui l’ont créé, animé, ou simplement connu.) — Un homme profondément blessé monte de toutes pièces un théâtre où se rejoue sous des formes de plus en plus distanciées son accident. Si cette catharsis l’éloigne du lieu de sa tragédie, elle s’avère spectaculairement addictive pour le public choisi qui visite son établissement. À ses côtés, un homme à qui il doit la vie et une femme qui lui permet de la conserver en dépit de son état critique se demandent comment vivre sans lui.
Les Souliers de fer — Une femme conserve dans le tiroir de son bureau un paquet intact de stylos Bic. Il provient d’un lot acheté pour la cérémonie funéraire d’un ami d’enfance. Les années passent sans que l’absence de cet ami proche ne lui pèse. Sidération ou simplicité ? Elle constate que l’air qui l’environne a changé, sans pour autant pouvoir dire en quoi. À la suite d’un banal accident de vélo, elle se retrouve bloquée chez elle pendant trois mois. Avec méthode, elle se met à vider ses tiroirs, à vendre ses vêtements, à donner les livres qui lui sont devenus étrangers. Quand il ne reste plus que la pochette des Bics, elle décide de les vider de leur encre en écrivant tout ce dont elle se souvient de l’ami disparu.
Tentatives d’échappées du faux pas du monde
Smalldog Campus — sublimation drolatique des consternations professionnelles.
Bitume Plage
L’année où les jeunes filles allaient mal — chroniques d’un mal chronique
Essais louables pour écrire simplement des choses difficiles à cerner
Cinq Séquences — en hommage aux « actions sentimentales » de Gina Pane
L’Amnésie de l’enfance — qu’en reste-t-il si l’on disqualifie les photos et les témoignages ?
À vélo je pense à Mrs Dalloway — mouvement de la pensée en mouvement.
Da Mimo (théâtre) — Un philosophe originaire des Balkans se retrouve seul maître à bord d’une pizzeria familiale après que sa femme, une Sicilienne au tempérament insolite, l’a quitté. Son beau-père, le personnel et les habitués du restaurant l’aident, chacun à sa manière parfois déconcertante, à conserver l’établissement ouvert. Peu à peu, l’homme est gagné par une forme de patriotisme exacerbé envers cette île où il n’a jamais mis les pieds. Le retour inopiné de son épouse pour les funérailles du beau-père déclenche un procès en légitimité culturelle, où le personnel joue le rôle de la magistrature et la clientèle, le jury.
Années sans décimale
Alice A.
Journaux en public
Journal d’un Mot
Les Fées Fâchées
Sommes dramaturgiques (Carmen, Pelléas)
Notre besoin de Mozart
Les Entretiens de 7h sur Offenbach avec Jean-Claude Yon
Pour Carmen, je vois du rouge — Liste non-exhaustive des ridicules qui tuent dans l’art de niche qu’est la mise en scène d’opéra.
Il faut d’abord jouer un roi — Précis de jeu chanté
des mots traces, des mots pistes, des mots questions : encore ! ça donne sérieusement on sent son propre journal cousiner avec le JDM ! merci et bon verso
à en bredouiller dans le commentaire. Gomme sur « ça donne sérieusement « , ou pas.
J’aime tant l’idée, chère Anne, que les journaux soient tous cousins.
Le verso, hélas, va montrer l’épais catalogue de mes œuvres en cours d’inachèvement.
Il y aurait aussi une grande cousinade à imaginer avec les inachevés de tous ! dit Anne, entre recto et verso aussi inachevés l’un que l’autre.
J’attends le verso avec impatience. Mes préférés , Piste/Bavardage/Faux/Croissant/Délicatesse. Pour Question, j’ai une proposition pour la réponse : Pourquoi me le demander ? A bientôt
Merci Louise pour ce hit parade et la contribution. C’est une forme très ludique qui appelle à participation, ce Journal d’un Mot.
J’ai le talent de posséder un agenda : merci Emmanuelle de le souligner ! J’ai le tome 1 entre les mains, ai-je du retard? Procèdes-tu toujours par date et par trois fragments/mot ? (comme la triade Gertrude Stein :-))
Chère Cécile, merci déjà d’avoir investi dans les trois premières années du JDM. Depuis, j’ai sorti l’année [IV] en changeant le modus operandi : 52 mots, avec 7 entrées chacun. J’ai explosé la triade :). L’année V sort avant la fin de l’été (avant la rentrée littéraire 🙂 ). Quant à l’agenda, oui, c’est une clé sous-estimée de la vie d’artiste. Pourtant, on le constate bien dans cet atelier, la question du temps (accumulation de matière, dépliage…) est le cœur du sujet.
Quelle inventivité que ce journal d’un mot, j’ai feuilleté sur A. les deux premiers, donnent envie de s’y plonger. après 365… 57… que réserve l’année V???
je ne reviens jamais sur mes pas… merci d’avoir écrit sur cette bizarrerie qui m’est chère!
BAVARDAGE
Pourquoi le condamner dans les bulletins scolaires des petites classes ? On n’est pas là pour ça, apprendre à parler ? Mais oui Pourquoi? 🙂
Contente que ça te parle, Jen !
J’ai regardé « faux » entre autres (j’ai du mal à lire écrire compter domestiquer apprivoiser maîtriser garder auprès de moi en esprit le sentiment les mots mais je me soigne en les écrivant) qui m’a fait penser à Babylone en son boulevard Beaumarchais qui, en ses impairs – mais possiblement ses pairs aussi- numéros offre des entrées sorties propres aux espions (et espionnes) qui cherchent à échapper aux ennemis qui tracent sur eux leurs abjects poursuite – en tout cas le roman – en tout cas aussi le conte – et ne jamais (au grand jamais) oublier les musique…
Je n’ai pas la référence de ce Babylone-là… Yasmina Réza ?
puiser dans tes labyrinthes
je viens de m’y perdre avec contentement !
Merci d’être venue t’égarer dans ce dédale.