#rectoverso #11 | Sei Shônagon, ampliations, extensions

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#11 | Sei Shônagon, ampliations, extensions

Dans la dernière boucle de notre cycle, comment passer d’une accumulation de textes séparés à un ensemble fort et continu (sachant que l’impression de continuité, pour le lecteur, résultera de la cohérence dans l’architecture des séquences discontinues) ? Comment s’assurer d’un mécanisme qui permette de ne pas construire à plus grand échelle selon un principe uniquement de suite linéaire, mais d’un mouvement qui poursuit son expansion et son extension par sauts supplémentaires dans la matière qui va venir compléter, faire passerelles, aborder d’autres rives ou déceler autres strates ?

Pas de lecture, d’aucune oeuvre, sans qu’on ait — si soi-même on écrit — à s’interroger sur le comment, les ruses, les outils et la méthodologie. Depuis l’apparition du concept de critique génétique, les matériaux sont beaucoup plus accessibles (voir le magistral dossier Bovary de l’université de Rouen).

Et c’est pourquoi aujourd’hui nous revenons à ce classique des classiques, pour l’écho public je ne sais pas, mais présent sur toutes les tables de qui écrit, et vous avez sans doute déjà votre exemplaire, les Notes de chevet de Sei Shônagon.

Mais résolument dans cette idée de faire émerger, et donc mettre en partage, ce qui est la méthodologie de chacun‚e, sa ruse pour l’ampliation et l’extension du texte. Indépendamment de ce recto verso à suivre, pourquoi pas un «codicille» (dans la rubrique «paragraphe» de votre article WordPress en cours de rédaction, choisir style “citation”), concernant vos propres stratégies de notes, plan, rédactions successives, et les outils que vous préférez ?

Et c’est le moment, maintenant que vous-même avez amassé ici cet objet dynamique de dix propositions successives et doubles.

Sei Shônagon explique elle-même, à la fin des Notes de chevet (traduction Beaujard des années 20, mais qu’il révise en 1960), la liasse de papier, matière noble et de toujours d’une technologie sophistiquée, offerte à l’impératrice qu’elle sert comme dame d’honneur, et qu’elle se fait offrir, voir les 2 docs joints. On est à la bascule de l’an 1000, et, de copiste en copiste, la première édition imprimée, donc stabilisée mais à distance, viendra vers 1600. Pas d’autre certitude, mais dans cette énigme du manuscrit original impossible (même problématique pour les Pensées de Blaise Pascal), une utopie qui peut devenir nôtre, comme d’avoir nous-même à remonter vers un livre existant mais inconnu, qui toutefois nous précède.

Dans cette forme stable qui nous est parvenue, ne change pas le décompte de 162 rubriques avec autant de titres spécifiques. La haute probabilité aussi que Shonagon choisissait une nouvelle page pour ouvrir un nouveau thème, et reprenait ces pages de sa liasse pour compléter ou développer chaque thème.

De mon côté, que ce soit pour L’incendie du Hilton ou Autobiographie des objets, j’ai souvent eu recours à cette technique de notes en fin du fichier Pages ou Word, comme si c’était un chapitre distinct, cannibalisé à mesure de l’avancée linéaire du livre. Mais ce chapitre des notes en recomposition permanente, comme ouverture vers ce qui à jamais resterait à faire, dans les deux livres cités je l’ai intégré soit à l’édition imprimée, soit au dossier complémentaire en ligne.

J’ai bien sûr, comme de nombreux et nombreuses d’entre nous, mené des ateliers d’écriture fabuleux à partir de Sei Shônagon, que ce soit avec des tout petits, des publics en illettrisme, ou au contraire très savants. Mais je m’en étais toujours tenu à ces «choses qui», et l’étonnement que provoque leurs intitulés («choses qui ne servent à rien mais évoque un doux souvenir du passé», «choses inutiles», «choses qui distraient dans les moments d’ennui», «occasions dans lesquelles des choses sans valeur prennent de l’importance»…).

Ce que je voulais vous proposer pour notre «recto», premier versant de la proposition, c’est de vous saisir d’un de ces intitulés (ou inventer le vôtre en décalque), mais de redistribuer les incises et éléments selon un ordre d’ampliation croissant. C’est ce que je me suis permis dans le premier des docs joints, en reclassant les éléments de Sei Shônagon du plus bref au plus long. Mais il ne s’agit pas, pour nous, dans ce «recto», de reclasser : bien au contraire, une fois écrit le titre choisi, commencer par juste un mot seul. Puis des éléments un peu plus longs, jusqu’à une ligne. Et puis écrire le suivant en une ligne et demi. Le suivant en trois lignes, et ainsi de suite jusqu’à avoir quitté la forme note pour avoir insensiblement glissé dans celui de la rédaction. Exercice artificiel : bon, retournez-vous, et sur l’étagère à votre gauche, sortez Face aux verrous d’Henri Michaux — cette technique, cette technique précisément, est une permanence chez lui, son outil le plus constant pour l’invention de fantastique.

Et verso maintenant ? Depuis ces années qu’il me semble vital d’ajouter, dans n’importe quel cycle, et n’importe quel public, Sei Shônagon à la boîte à outils personnelle des participant·e·s, depuis les premières fiches avec photocopies découpées aux ciseaux et recollées, j’avais toujours intégré un extrait de la table des matières : comme extension des possibles, inducteur d’imaginaire non par le texte, mais par les idées de textes à faire. Et c’est bien l’avantage de ce qui, pour ce cycle, est l’intuition principale via le dédoublement recto-verso: traiter en tant que tel cette extension par l’accumulation des titres.

Manip simple, conversion de la version epub des Notes de chevet en docx via Calibre, puis copier-coller : la deuxième fiche téléchargeable (et libre à vous bien sûr, comme toutes celles du répertoire de 450 fiches d’appui présentes dans le répertoire du site) de les imprimer pour usage dans vos propres ateliers.

Voici donc, au format A4, non plus comme une table des matières mais un texte en lui-même, la liste des 162 entrées du Sei Shônagon. Et question à chacun·e : peut-on parvenir à ne pas la penser en termes de «liste», mais en tant qu’inducteur d’imaginaire, ou bien, encore plus simplement, le répertoire de ce qu’il nous reste à faire pour explorer au-delà des 10 propositions doubles déjà engrangées, des passerelles nécessaires, des lieux et personnages à rejoindre ?

Alors, à vous de savoir si vous allez jusqu’à 162, à vous de savoir si vous les numérotez ou pas, à vous de passer de choses aussi simples que «ponts» ou «îles» ou «vêtements du dessous» à des intitulés comme ceux cités ci-dessus…

Enjeu immédiat pour nous : dès maintenant amorcer la sortie de cycle par un plus loin que le cycle. Un horizon livre. Ce qu’à jamais nous offre Sei Shônagon, à 1100 ans en amont de nous-mêmes ce même et permanent enchantement, quand bien même on a lu et relu dix fois ce livre.

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2 commentaires à propos de “#rectoverso #11 | Sei Shônagon, ampliations, extensions”

  1. C’est assez vertigineux cette ouverture depuis les Notes de chevet.Il va y avoir ce que nous allons écrire dans l’instant ou dans les moments proches et ce que ça trace, comme une carte et des plans. Il n’y aura plus qu’a arpenter et à bâtir (ou à rêver devant la carte et les plans, Face à ce qui se dérobe)

    • oui, c’est vraiment l’enjeu (et pour moi toujours la 1ère énigme, comment ce qui était prévu ne me tient plus dans les paluches, mais que s’impose un autre biais…)