Choses qui ne s’accordent pas
Le mot Corbera prononcé sans qu’on sache s’il désigne un lieu, une époque ou une perte
Une fenêtre donnant sur une cour muette qu’on appelle pourtant la vue.
Un regard trop intense sur une photographie floue
Des photos de mariage où l’homme qu’on cherche est toujours au même endroit — mais qu’on ne reconnaît pas
Des murs repeints en blanc — comme si l’oubli devait être éclatant
Le bruit d’un train dans la nuit dans une ville qui dort
Choses tumultueuses
Les draps qu’on secoue dans une chambre que l’on partage
L’attente entre le moment où l’on clique sur ouvrir la pièce jointe et celui où elle s’affiche
Un souvenir qui revient sans prévenir
L’instant où le passé cesse d’être abstrait et vous coupe le souffle
Un trait de caractère que l’on déteste en soi, parce qu’on sait exactement de qui il vient
Une pièce vide, disponible, où je retourne la nuit
.
Des choses regrettables comme
Une trahison
Détruire
Les histoires qu’on n’a pas écoutées
Les rêves brisés
La peur
l’obsession des visages
ce que la mer emporte
des promesses dans le vent
les hésitations
la cuisine au gaz et le gruyère fondu
un monde minuscule
son nom inscrit quelque part (mais il n’a pas d’histoire je dois la lui prêter)
les archives les rencontres les témoignages
disparu
des hypothèses
des souvenirs volés
mes tantes, mon oncle ma mère enfants
des silences dans les phrases
un départ intérieur
Pauline, après la guerre
le quotidien
les rituels
l’accident
une croix de Lorraine sur le tibia
toutes sortes de dons
les mariages
les départs
les névroses
les particules
le vide
des larmes
la troisième génération
les chambres
les vibrations
les vacances
des réminiscences sensorielles
la cuisine et les frappes
la cuisine et l’épluchage des pommes de terre
la cuisine et les jus de viande cuite
la cuisine et le moulin à café
la table
couper la peau des mandarines
le manque
des lettres
des photos
la mort de Pauline
un retour mental ou réel
fermer la porte
la résistance à l’oubli
les souvenirs
retour à la photo
rien ne s’achève
J’apprécie tout particulièrement « son nom inscrit quelque part (mais il n’a pas d’histoire je dois la lui prêter) » et me questionne sur » couper la peau des mandarines « , trouve beau » ce que la mer emporte « .
Merci de ces trois phrases (et des autres).
J’apprécie beaucoup ces choses regrettables, en particulier ces silences et cette histoire qu’il faut prêter à celui qui n’en a pas, d’histoire.
ces silences qui nous font écrire, merci George.
la découpe de peaux de mandarines, où comment meubler l’ennui d’enfance à table quand j’aurais dû être pus attentive aux paroles adultes.
Comme cette proposition colle bien à ton écriture Caroline ! On y retrouve ton univers et c’est évidence.
merci Isabelle, cette proposition est vraiment palpitante, j’ai du retenir un peu les chevaux puisque autre projet en co-écriture à La Ciotat.
Oui on sent que tu as retenu les chevaux !! Bonne résidence à la Ciotat !
C’est doux à lire et à imaginer, merci Caroline.
oui quelques chapîtres que j’aimerais développer, merci Clarence
Il y a des récits, des personnages qui sont là, quelque part même absents. C’est comme une tentative de ne pas les laisser t’échapper…
C’est comme ça que je ressens ton texte; Merci !
Merci Sylvia, c’est exacteement ça, comme une tentative, parfois je me demande si ça en vaut la peine, mais parfois j’ai presque la sensation qu’ils sont là, c’est comme une récompense.
Force de tes images … la vue malgré … l’oubli éclatant … la place de l’homme sur la photo . Et ce nom Corbera dont on ne sait pas si …mais au commencement des mots; avec l’obsession des visages et pourquoi pas une écharpe blanche .tout est là. Merci