Recto
Le pape a un peu d’embonpoint. Une lourde croix dorée pend à son cou. Il lève trois doigts, hésite entre sourire et bénir. Le perroquet n’a pas d’ailes. Il se tient en l’air sur une patte et regarde vers la gauche, vers le pape. Nicole a découpé le pape dans un journal et a cousu le perroquet. Elle est assise à son bureau. Elle rêvasse, parle à son perroquet, du moins elle essaie, mais que dire à un perroquet ? Elle essaie de s’adresser au pape aussi mais comment s’adresse-t-on à un pape ? Celui-ci a l’air sympathique. Il a une bonne bouille d’Italien qui sort de table. On dit qu’il est moderne. Nicole ne sait pas ce que ça veut dire pour un pape être moderne. Le perroquet reste figé sur sa toile de jute. Nicole prie. Elle demande au pape d’intercéder en faveur du perroquet. Fais qu’il s’envole. Mais il n’a pas d’ailes, il faudrait un miracle, tu es pape, tu peux faire des miracles, il t’en faut deux pour être saint. Le pape ne parle pas à Nicole. C’est dans sa tête que ça se passe. Elle est seule dans sa chambre, sous le toit. Elle aimerait une compagnie un peu plus loquace, mais même le perroquet ne parle pas.
Verso
De Nicole, il ne reste que ce pape et ce perroquet, plus quelques autres babioles : une raquette de tennis, quelques livres, un faux aquarium où des poissons sans eau sèchent en perdant leurs couleurs de plastique. Pourquoi Nicole a-t-elle découpé cette photo du pape et l’a-t-elle encadrée ? C’est le pape Jean XXIII dont le pontificat dura moins de cinq ans, entre 1958 et 1963. Quel âge avait Nicole à cette époque-là ? Elle était enfant, je crois. Peut-être est-ce après la mort du pape qu’elle a découpé la photo. Et le perroquet, à quel âge l’a-t-elle cousu ? C’est un bricolage d’enfant mais pas de tout petit. Qui est arrivé là en premier ? Je parierais sur le perroquet, mais peut-être que c’est le pape. Nicole n’est plus là pour me le dire. Elle n’est plus de ce monde, a rejoint Jean XXIII, qui désormais est saint, comme le sera peut-être le pape François, qui l’a canonisé. Pour devenir saint, il faut avoir réussi deux miracles, je crois. Jean XXIII a loupé celui du perroquet, qui reste sagement suspendu en face de moi, la crète un peu usée, ce qui explique sans doute que le pape François a dispensé Jean XXIII de son second miracle. De Nicole, je ne sais pas grand-chose : une voisine partie très vite de chez ses parents pour se marier avec un homme qui la délaissera vite, une divorcée. Cela suffisait à l’époque pour en faire un personnage sulfureux. J’ai en face de moi ce perroquet démodé et ce pape enterré. Ils me font un peu peur.
Pas très engageant comme duo, un pape et un perroquet, même si pape, papoter il y aurait peut-être un lien à creuser ?
Mais les deux vont parfaitement avec ce que tu nous dis de Nicole
J’aime bien l’idée de ce pape et de ce perroquet. Un qui peut faire des miracles, l’autre qui attend ses ailes. Tous deux ne communiquent pas. Qui est dans les choux ?? Nicole…