Recto
l’œilleton c’est le petit œil, là où tu mets ton œil, ton œil, mon œil ensuite tous les yeux si tu prends la photo si ton doigt et ton œil arrivent à un accord, si l’un presse le bouton avant que l’autre ne se ferme, ne passe à autre chose. Quand tu fais des photos, ton index et ton œil sont comme le e dans l’o, ils ne font qu’une seule lettre, e dans l’o, œufs dans l’o, e dans l’eau, œufs dans l’eau, l’horizon s’arrondit quand tu regardes la mer, elle se courbe et se plie comme une coque de bateau, comme un œuf de marin, bien au chaud dans sa coque qui regarde l’horizon qui se courbe comme un œuf dans l’œil du photographe, alors juste rester là, juste rester dans ton œuf et surtout ne jamais quitter l’œilleton de ton l’œil de peur que ne casse ta fragile coquille d’œuf dans l’eau
Verso
Depuis que tu es en France, tes mots ont bien changé, avant tu y pensais, mais pas avec ces mots, sea, see, tu regardais la mer sans y voir la même chose quand la mer tout entière entrait dedans ta tête, ce n’était pas comme ça, pas en ces termes-là, maintenant tu vois la mer, la mère, l’amère, l’amer
Mais toutes tes petites voix ont leur langue qui va le mieux, choisissent celle qu’elles préfèrent souvent celles qu’elles connaissent quand tu plonges dans une mer comme dans une excroissance, une caverne obscure avec si peu de lumière, une bulle avec des mots rares ou spécialisés ou juste pas connus de tous parce qu’on ne sait pas les mots quand ils ne nous disent rien, qu’ils n’ont rien à nous dire. À chaque fois une autre voix qui parle dedans toi, chaque fois une autre langue
Codicille :
Pas fait les voix, pas de voix différentes, ou plutôt, pas encore écrites ces différentes voix, parce qu’elles sont tellement pleines de possibilités ces différentes voix qui partiraient toutes de la même personnage qu’elles pourraient presque faire la structure même du livre, du texte tout en entier. Alors laisser reposer et puis y réfléchir, laisser tourner l’idée et si l’idée persiste, c’était une bonne idée. Rendez-vous dans bientôt pour savoir ce qu’il en sera