#rectoverso #13 | Kaspar bredouille, Villon voix & Laure Gauthier

Recto

qu’an s’ouvre, à peine, dans un souffle qui ne dit rien
qu’en silence d’eau, qu’on suit comme on suit une ombre dans un couloir
tombe lente, brisée par la lumière d’en haut
ombre tiède, ombre qui tient au corps comme un linge mouillé
à mer calme, amer au bord des lèvres
aimer eux sans forme, juste un geste qu’on garde dans la main fermée
aimer eux comme on garde un fruit dans la poche, pour plus tard
on se relève, ou on croit se relever, dans un rêve au ralenti
on raye la peau comme on rature un mot
à tache vive, attache douce, invisible
hachée tendre, bout de chaleur qu’on ne sait plus offrir
et rien ne se dit
seulement un fil qui se tend à travers les heures
une rumeur basse dans le sang
des syllabes qui se perdent et reviennent, s’effacent et recommencent
jusqu’au moment où elles s’assemblent, presque malgré soi :
                                                                                   quand on tombe amoureux on se relève attaché.

Verso

Voix
Je me demande parfois
si je suis vivante
ou si je fais juste ce qu’il faut
pour que tout continue.

Chœur

continue / continue / continue
le mouvement de la marée dans le verre
la répétition de l’horloge                                                                                                                 le cœur qui bat pour personne

Voix
Il y a ce bruit
toujours derrière le bruit,
une lame fine qui gratte
l’os de la journée.

Chœur
gratte / gratte / gratte
on dirait qu’elle veut passer au travers
ne pas toucher, mais fendre

Voix
Je marche.
Je réponds aux gestes,
aux visages,
aux questions qui n’en sont pas.
Je souris au besoin,
je disparais à l’heure dite.

Chœur
 sourire / disparaître
 la bouche sait mieux que toi
 c’est l’art de n’être pas vue

Voix
Parfois je me demande
si mon corps n’est pas juste
une archive de gestes,
un musée de petites contraintes.

Chœur
gestes d’ombre / gestes fossiles                                                                                                     rien ne saigne, tout se répète
la poussière est vivante, elle

Voix
Alors j’attends un signe,
même minuscule,
une crécelle qui déplace l’air,
quelque chose qui me dirait :
tu es encore là.

Chœur
 là / là / là
 comme un animal qui dresse l’oreille
 pas morte, juste en veille

Voix
Et peut-être que c’est ça,
vivre.
Rester là,
assez longtemps


Chœur
 souffle / souffle / souffle
 ce n’est pas un miracle
 mais ça suffit.

8 commentaires à propos de “#rectoverso #13 | Kaspar bredouille, Villon voix & Laure Gauthier”

  1. Très beau texte , tellement vivant par la mise scène des mots . Proposition difficile où le sens se disloque parfois mais ici tout fait sens « Parfois je me demande
    si mon corps n’est pas juste
    une archive de gestes,
    un musée de petites contraintes » des passages comme celui-ci sont très forts , comme ts les autres d ailleurs , merci .

  2. Merci il m’a fallu du temps pour saisir, lire les autres et encore accepter que je ne comprenais pas tout et c’est ainsi

  3. Merci beaucoup Raymonde pour ce texte magnifique, ciselé et poétique. C’est intéressant de voir les écrits de chacune et chacun car on sait qu’on ne saurait écrire comme les autres et c’est ce qui fait la richesse de toutes ces lectures, découvrir encore et toujours qu’il y a mille façons d’aborder les propositions. J’adore voix et choeur théâtral. Bonne journée.

    • Merci Clarence, J’ai lu et relu les textes écrits avant les miens, pour m’inspirer avant de pouvoir les écrire… heureusement sinon j’aurais abandonné

  4. Louise un prénom pour écrire en tout cas pour moi, merci pour ce partage

  5. Merci Raymonde pour toute cette poésie qui nous emporte.
    « Parfois je me demande
    si mon corps n’est pas juste
    une archive de gestes »

    • Michael merci, j’étais en Inde pour une retraite je rentre ce soir, peut-être cette poésie me vient-elle de cette parenthèse…