RECTO/ j’aime les peut-être et la petite fenêtre qu’ils ouvrent pour laisser passer un rayon de lumière. C’est parfois suffisant un rayon de lumière pour continuer à être.
Peut-être / peut être, c’est par le trait d’union que se fait le basculement dans le doute. Il y a une possibilité soit que cela se produise, soit que cela n’ait pas lieu. C’est le mot du doute plein d’équilibre : peut-être oui, peut-être non. On ne sait pas encore ; on ne veut pas savoir ; on ne se sait pas savoir ; on n’a pas envie de savoir ; on se laisse du temps ; rien ne presse ; tous les possibles sont possibles ; on respecte par avance ce que l’on est. C’est un adverbe de modalité à posture épistémique. Il oscille entre le possible et l’impossible. Il est revêtu du doute de l’énonciateur. Il laisse plus de doute que si l’on disait probablement. Mais il ne ferme pas toutes les portes. Il laisse le temps travailler en coulisses. Il permet une prise de distance par celui qui parle. Il permet de patienter sur le seuil des possibles. Écrire le terme peut-être, c’est laisser exister un regard de myope, autoriser le flou guider ses pas, errer entre les lianes du réel, rendre évanescent ce qui ne peut encore être représenté. C’est pénétrer le lieu du caché avant la révélation, donner à la pensée le temps de la flottaison, se tenir dans cet entre-deux des mondes comme en transition entre deux densités, choisir de vivre dans la suspension de certitudes. Prononcer peut-être donne aux lèvres un goût de liberté. Il donne autant de poids au visible qu’à l’invisible. Elohim, un des noms de Dieu en hébreu biblique, a une origine dans le mot oulay , qui signifie peut-être. L’ouvert est là. Entre les huit lettres de ce mot se glissent des filets d’air ou de lumière dont on n’a jamais fini de ressentir la puissance.
VERSO/ Le fantôme de ce qui pourrait peut-être s’écrire flotte dans les marges des jours.
Voix 1/ se tenir sur le seuil est déjà exister
Voix 2/ sur le chemin des sources, il faut continuer de progresser
Voix 3/ quelle est l’histoire qui te hante ?
Voix 4/ as-tu autre chose à faire d’aussi important ?
Voix 2/ un pas, puis un pas et encore un autre
Voix 4/ le sens se fera quand tu auras fini
Voix 2/ c’est de marcher qui permet l’équilibre
Voix 1/ il n’y a pas de chemin sans risque
Voix 3/ entre toi et toi cela s’écrit
Voix 4/ et l’obscur était sur la peau de l’abîme
Voix 2/ jusqu’à faire lever toute l’obscurité
Voix 1/ de l’ambiguïté du peut-être naissent mille voix
Voix 3/ errer c’est encore avancer
Voix 4/ mets des couleurs sur tes ombres