#rectoverso #14 | le grand foutoir

RECTO et pas plus,
Des fronts sur toutes les lignes, à gauche, à droite et aux extrêmes, des pavés, des livres sur les pavés, des films sur les pavés, sur la gauche, sur la droite, et sur les extrêmes, des bricoles marquantes et décisives, des petits riens et l’essentiel, des œuvres à tout va, des montagnes, des labyrinthes, de l’eau sale et salée, du feu, du feu, du feu, brûlures en tout genre, décomplaixation, décontemplation, déconnexation, désenchantation, planétanisation, détracages, démesurage, bing bang.
Huître et poésie.

VERSO, chercher la perle
J’aimerais bien l’ouvrir cette huître. Ouvrir l’huitre et trouver. Silence.
Ouvrir la coquille et déplier le destin de cet homme à l’imperméable, ce personnage fuyant qu’on a déjà vu passer dans une gare il y a quelques années, près d’une tente isolée aussi. Était-ce le même ? Il a rencontré un autre personnage dont on n’avait aucune idée de ce qu’il pouvait faire, hormis fumer une cigarette en attendant quelque chose, mais quoi ? Sans doute que ça s’écrive. On l’a vu plusieurs fois, on a senti qu’il détenait une clé. On aurait bien aimé le suivre. Suivre aussi ce soldat amoureux (était-ce le même ?), et la lettre d’amour, son désir furieux de vivre, d’embrasser, d’aimer… Il a fait parler de lui, de l’amour, de la guerre, l’amour sur fond de guerre, vieux comme le monde et alors, ce sera toujours d’actualité.

Ce qui compose le tissu discret de nos vies, c’est ça le sujet justement. C’est le sujet de tous les livres, ou presque. Pas une raison pour s’arrêter.

Il s’est aussi écrit des femmes, à la cuisine, dans une impasse, à attendre, à regarder une mouche voler, un train entrer en gare. Quelle gare, ça n’était pas écrit, mais ça n’a pas d’importance, laissons passer la gare et regardons les trains.
Des sifflements, des notes, des trous. Des trous dans le papier, dans la mémoire.
Comme dans l’huître, il y a ce qu’on ne voit pas. Chercher la perle.

Des taches occultent les souvenirs. Masse confuse. Bouillon intérieur.

Avancer dans ces lieux incertains, entre boue et rivière, dans une friche assoiffée parsemée de cailloux, voilà ce qu’on voudrait faire.
Trouver la perle

Lhorizon est bouché, il fallait ouvrir la porte. S’y perdre sur ces chemins croisés. Avancer, avancer.

Fragile certitude, c’est un fait. Frêle mémoire qui chuchote.

Des trésors à naître qui dessinaient un monde, des mondes, des mots, une frêle mémoire qui chuchotait

Cela
S’imposait en soi, en profond

Il fallait
Rompre le silence, saisir le moment
Entrer dans la phrase

Il aurait fallu prendre le temps, le voler, s’élancer.
Il faudrait lire et relire pour suivre la pensée, pour découvrir un fil. Il faudrait raccommoder, tisser. Oui texte et tissu même combat, on l’a déjà dit. Reprise et reprendre, je redis.
Il y avait des hésitations, des mots barrés, gommés, d’autres soulignés, rajoutés, remplacés. Il y avait des morts, des inconnus, des anonymes. Il y avait des débuts de quelque chose, des carnets griffonnés, des mots cassés, des encres sèches.
Il fallait

Dans ce foutoir comme disait l’autre, on ne savait pas par où commencer. C’était un voyage silencieux et troublant.

Cathédrale branlante dont on percevait un fil fragile. L’œuvre était inachevé.

Nous la trouverons la perle.
Nous prendrons le temps, le volerons, oublierons les compteurs, remettrons à zéro. Nous nous élancerons.

Nous promettrons d’y mettre fin.

A propos de Sylvia Boumendil

J'ai été éducatrice puis formatrice. J'ai suivi une formation "Histoire de vie en formation" à l’université de Nantes, un séminaire à Paris 8 "Faire l'histoire de nos apprentissages de la lecture et de l'écriture" et j'ai été formée à l'animation d'ateliers d'écriture dans la maison de Julien Gracq à St-Florent sur Loire "Lire et écrire en pays de Loire". J'ai publié un livre d'art et des textes dans des ouvrages collectifs. Sites : ecrire44.fr / sylviaboumendil.fr

4 commentaires à propos de “#rectoverso #14 | le grand foutoir”

  1. Oui pas si simple de la trouver cette perle, au fond de l’huitre, perdue quelque part au milieu d’une friche caillouteuse.

    Sans trop attendre et regarder la mouche voler, entrer dans la phrase, le jeter, la retrouver, elle, l’éclat de la perle si ce n’est la perle elle-même, nichée par hasard (par travail) tout au fond.

  2. ton verso nous fait « entrer dans la phrase »
    je te parcours et je lis « Ce qui compose le tissu discret de nos vies »
    comme tu as raison ! et je relis et j’aime cette expression à la fois si douce si intime, exactement le fil qu’on poursuit et qu’on aimerait sidoucement tisser
    merci Sylvia
    et ce final au futur !

    • Merci Françoise pour cette lecture. Précisions : toutes les phrases en italique sont des fragments de retours qui m’ont été faits au cours de cette saison d’ateliers. La phrase que tu cites est de Caroline Diaz, je ne pouvais pas passer à côté. Et tu reconnaitras peut-être quelques-unes de tes phrases… Clin d’œil sans codicille mais collectif discrètement présent !

  3. On s’y retrouve assez bien dans ce foutoir, qui dit ou sous-entend de plusieurs façons, cette nécessité, ce besoin d’avancer, même si le terrain est incertain, « fragile » « inachevé ».
    « Cela s’imposait en soi, en profond ».
    IL y a comme un objet à deux faces avec la fin du recto tous les « dé.. » et la fin du verso, cet élan. Rectoverso donc…
    merci Sylvia