
Il faut un bien plus gros cahier pour ne pas arriver à écrire que pour arriver à écrire. Le ne-pas-arriver-à-écrire cousine avec le ne-pas-arrive-à-dire. Même branche. Pas frères pour autant. Pas non plus conséquences l’un de l’autre.
Ne pas arriver, c’est cheminer.
Parfois ce sont les mots qui font défaut, le vocabulaire : la petite Volanges des Liaisons dangereuses n’a pas la moindre idée du lexique érotico-pornographique que lui inculque Valmont pendant les nuits qu’il passe avec elle. Elle est inapte à reconnaître l’insanité ou la drôlerie des racines étymologiques qui clarifieraient la situation. Elle est moins qu’une enfant, parce que sa capacité à s’amuser d’une assonance, d’une ressemblance avec quelque chose de scandaleux, le pipi-caca, a été bridée par son éducation au couvent. Parfois, les mots sont connus, mais inappropriés, non pas à la situation, mais par qui les emploierait. Ils défigureraient la personne qui les dirait comme une perruque hirsute, ou le vêtement d’une autre. C’est le cas pour Suzanne dans le Mariage de Figaro. D’abord pour raconter la cour assidue que lui fait le Comte par l’intermédiaire de Basile (la perruque hirsute). Ensuite, pour se faire passer pour la rédactrice d’un billet érotique dicté par la Comtesse (ce vêtement d’une autre). La parole nécessaire se tient du côté du « scabreux » : ce qui est difficile à formuler autrement qu’en termes obscènes. Mise en abîme pour Suzanne de la question obscène, le mot désignant justement « qui n’a pas droit de cité sur la scène, qui est réservé aux coulisses ». Le mot « cocu », Suzanne ne peut se résigner à le dire. Pourtant, elle le connaît. Mais elle sent qu’elle ferait ainsi entrer l’éléphant dans la pièce, dans cette pièce qui tient le milieu des deux appartements des maîtres et qui doit devenir sa chambre nuptiale. Elle sait que c’est le mot qui va s’imprimer en premier dans la tête de Figaro. Elle a peur que ce mot mange cette tête, l’empêche de travailler à des machines qui les sauveront elle, lui et leur amour. Elle le redoute tant ce mot, qu’elle insiste pour s’assurer que Figaro va bien écouter son aveu à elle et non le doute dans lequel l’ombre de ce mot seule suffira à le plonger. Cocu. Finalement, saisissant au bon l’expression utilisée par Figaro pour évoquer son retour aux intrigues, équivalent des petites cellules grises d’Hercule Poirot, « mon front fertilisé », Suzanne va réussir à se moquer du mot terrible : « ne le frotte donc pas : s’il y venait un petit bouton, les gens superstitieux… » Notons qu’elle ne finit pas sa phrase. Ou que Figaro ne la laisse pas achever. Les gens superstitieux pourraient croire qu’il te vient une corne. Mais ils rient, témoignant ainsi d’un ne-pas-arriver-à-dire qui les soulage l’un et l’autre.
Parfois, c’est la syntaxe qui manque, l’outillage. Pour dire un précisément un geste banal, on se retrouve à convoquer le ban et l’arrière-ban des stratégies oratoires. On pourrait sans mal le montrer, quitte à demander à l’auditoire de faire preuve d’un peu d’imagination (bien que dépourvu d’un pénis, je peux montrer comment un homme pisse debout). Mais dès qu’il s’agit de le décrire, on se retrouve avec un mode d’emploi anguleux. Tout le contraire de la simplicité, de la fluidité, du naturel du geste, qu’il soit élaboré (la mort du cygne dans le ballet), ou quotidien (décapsuler une bouteille en discutant le coup avec des amis).
Le corps accompagne toujours le dit (et le non-dit). Le corps accompagne aussi le ne-pas-arriver-à-dire (avec des mots). Mais pour l’écrit, c’est une autre paire de manches.
Dans Titus Andronicus, deux brutes imbéciles violent une jeune fille et pour éviter qu’elle ne les dénonce, il lui coupe la langue et les mains. Ce qui ne l’empêchera pas de tracer les noms de ses agresseurs dans la poussière en utilisant un bâton tenu dans la bouche et entre ses moignons.
On arrive toujours à écrire, même mal. À tracer. Le ne-pas-arriver-à-écrire n’a rien à voir avec l’incapacité d’aligner des mots, des phrases… Le ne-pas-arriver-à-écrire n’est pas non plus une façon de mégoter sur un résultat, ce n’est pas refuser l’arpentage. Il ne se tient pas en aval, mais en amont. Il bloque, empêche, entrave, embâcle… et cependant, il travaille.
Le ne-pas-arriver-à-écrire nous fait bien sentir que c’est notre peau qui se joue dans un geste aussi cultivé, complexe, distancié que l’écriture.
Le risque n’est pas d’être mal compris, mal vu, mal entendu. Si l’on s’en tient à cette peur, c’est qu’on patauge encore dans une des formes de la (fausse) modestie. Pour mémoire, se rappeler que la modestie désigne, aussi, une petite pièce de dentelle ou de tissu fin servant à voiler pudiquement un décolleté féminin.
Le risque encouru, le risque d’écrire, est de manquer à soi-même. D’avoir transigé sur l’essentiel, créant un monstre non viable avec nos greffes, nos bidouillages, nos tentatives, en un mot : nos mots. Plus de petite pièce de dentelle, plus de tissu fin pour voiler, plus de minauderie, alors.
Monstre désigne en musique la partition avant orchestration. Monstre au piano. Par extension, le premier assemblage d’un livre. Ces chapitres suturés entre eux avec du gros fil.
Le monstre, la laideur du monstre, l’incongruité consubstantielle du monstre, rien de tout ça n’est rédhibitoire pourtant. L’écriture est toujours monstre. Toujours disqualifiée de l’expérience. Toujours dans les parages. Du moment que le monstre tient debout, marche, casse tout ou se faufile comme une ombre, enfant légitime du ne-pas-arriver-à-écrire, du moment qu’il est viable, il vaut mieux que toutes les notices, que tous les modes d’emploi, que tous les rapports.
Voilà, ce ne-pas-arriver-à-écrire, c’est ce que je ferais de mieux.
La tentation est grande d’utiliser une comparaison, voire une métaphore pour combattre le ne-pas-arriver-à-écrire quand on manque de syntaxe et/ou quand le vocabulaire se refuse (soit par gêne, soit par ignorance). Si c’est un coup isolé, c’est au mieux un coup d’une nuit. Le plus souvent, dégainer la métaphore, c’est un coup d’épée dans l’eau.
Le ne-pas-arriver-à-écrire ne se satisfait pas d’une métaphore élégante, ni d’un cache-sexe tape-à-l’œil. Mais je crois qu’on peut ne pas arriver à écrire en s’appuyant sur un protocole métaphorique. Un dispositif. Un cadre contraignant.
On peut inclure un rapport de gendarmerie dans un roman, mais un rapport de gendarmerie n’est pas à proprement parler de la littérature.
Comment dire le viol de Lavinia qui se passe hors scène sans l’y ramener par une forme ou une autre de sensationnalisme ? (Comptons le misérabilisme parmi ces formes.) En le racontant sans langue et en l’écrivant sans mains, dans la poussière, avec un bâton.
L’été de mes dix-neuf ans, j’ai été agressée.
C’est difficile de renoncer à cette phrase.
Son côté « le poids des mots » me dérange. La forme de confidence qu’elle présuppose me semble falsifiée, une promesse de sensationnel que je ne compte pas tenir.
Quand je l’ai écrite, j’étais incapable de dire je, en ce qui concerne cet… épisode ? Je pouvais l’écrire (une fois encore : on peut toujours écrire, tracer les signes, aligner les lettres), mais c’était une simulation. Faire semblant que c’était arrivé à quelqu’un d’autre qu’à moi.
La forme passive rend pourtant très exactement la situation.
La répétition d’« été » (saison/passé) fait bien entendre ce qui s’est confondu alors et demeure tel.
Une autre phrase, meilleure, la double :
Soudain l’été dernier
Je ne peux pas voir l’une sans penser à l’autre. Elle n’est pas de moi, mais elle est avec moi depuis longtemps. C’est le titre d’une pièce de Tennessee Williams. Je l’ai lu quand j’avais vingt ans. Quelques mois après, donc. Je l’ai jouée.
Catherine, une très jeune femme a perdu la boule depuis son retour d’un voyage en Europe avec son cousin Sébastien. Il est mort là-bas, dans des circonstances dont le dévoilement fait l’intrigue et le moteur de la pièce. Tout se passe chez un psychanalyste, le docteur Sugar qui, sous l’égide de la mère du défunt, Violet Venable, essaie de ramener Catherine à… la raison ?
La seule chose que je me rappelle c’est d’être allongée dans une chaise longue.
Et d’un soleil si blanc qu’il plonge dans le noir.
Jouer Catherine se mélange au souvenir de jouer Sygne, dans Le Père humilié de Claudel. Catherine est aveuglée. Sygne est aveugle. Là aussi, quelqu’un est mort.
Vu mon niveau de formation à l’époque, il serait plus juste de dire que j’ai été jouée par la pièce.
On peut dire qu’après les faits (?), le Docteur Sugar est le seul psy auquel j’ai eu affaire.
Ma mère ne croyait pas au psy-quelque chose. Elle croyait à peine aux dentistes.
L’été de mes dix-neuf ans, j’ai été agressée met l’affaire (?) dans le lointain.
Soudain l’été dernier la tient dans l’éternel présent de l’inconscient.
L’absence de verbe conjugué rend mieux encore l’absence de sujet, la passivité dans laquelle le corps est plongé comme dans un liquide, de la chaux, où il se dissout.
Dans le journal, l’entrefilet sur la noyade d’un inconnu dans l’Isère. Ce que cette brève soulève en moi d’espérance…
L’été de mes dix-neuf ans, j’ai été agressée. C’est ce mot que j’utilise depuis pour dire succinctement qu’il est arrivé quelque chose.
Ce mot ne va pas. Il ne correspond pas à ce qui est arrivé. Il évoque davantage le sursaut de terreur qu’on éprouve quand l’aboiement d’un chien qu’on n’avait pas vu venir vous chope de derrière sa grille. Je ne peux pas dire viol à la place, parce qu’il n’y a pas eu de pénétration, c’est aussi technique que ça.
Je ne peux pas le dire, mais je peux l’écrire. Battre autour des buissons pour le faire sortir.
Le mot viol, c’est pour les filles qui restent sur le carreau, parce qu’un type, qui n’est pas autre chose qu’une ombre, les a dépouillées de l’intérieur de leur corps.
Le i du mot viol insère un sexe d’homme au milieu d’un vol.
Maintenant on sait et on dit que les femmes qui ne crient pas pendant le viol ne sont pas pour autant lâches ou consentantes. Quelque chose disjoncte. Elles s’absentent momentanément de leur propre corps.
Un disjoncteur coupe automatiquement un circuit électrique lorsque l’intensité du courant atteint une limite prédéterminée.
Je me demande comment ça se prédétermine. Est-ce différent pour chaque être humain ou bien, au contraire, le trop nous constitue-t-il en communauté, en petit peuple de la sidération ?
Les disjoncteurs automatiques sont des coupe-circuits agissant sous l’action d’un électro-aimant.
Cet état de sidération, si longtemps moqué et décrié, est bel et bien un état passif qui nécessite cependant une action pour advenir. Il ne faut pas confondre ce qui met dans une situation limite et ce qui en sauve, même mal, mais immédiatement.
L’électro-aimant est nôtre et aimant suffisamment pour sacrifier tout ce qui n’est pas l’essentiel. Dans le noir complet, il s’enfuit de la maison par la porte de derrière avec un enfant sous le bras. Tant pis pour la maison, tant pis pour tout ce qui n’est pas l’enfant.
Capitaine d’un bateau qui ne supportera pas l’assaut qui vient, tu le sabordes. L’équipage se sauve dans des chaloupes masquées à la vue de l’agresseur par le grand corps du navire. Toi, tu demeures. Le navire coule.
Le navire existe encore, dans les profondeurs, presque identique à celui qu’il était sur la mer, à l’exception qu’il ne voguera plus. Il est percé au flanc. Les voiles sont empesées d’eau.
La maison est brûlée quand l’enfant revient, parfois des années plus tard. Elle n’est plus que l’ombre de ce qu’elle a été. Un squelette noir traversé de toutes parts.
Brûler de la cave au grenier sonne bien. La maison-caveau. Pourtant, la cave échappe au désastre. Dans sa précipitation, le plus souvent, le type qui est entré par infraction l’oublie. Tout ce qui n’est pas sous ses yeux, à portée d’oreille, il ne le voit pas. S’il voyait, il ne pourrait pas faire comme s’il ne savait pas que c’est un être humain qu’il dévaste.
Il voit que quelque chose lui échappe, mais il ne voit pas quoi. Ça le rend plus dangereux encore.
Les montagnes sont de géantes électro-aimants.
Les montagnes sont le sujet véritable.
Et les êtres humains avec elles.
Les montagnes bougent tout le temps. Un corps sensible peut percevoir leurs courants telluriques. Une âme sœur, les faire siens.
Je ne parlerai de cela à personne. Même pas à ma plus ancienne amie.
Les modalités de formation des montagnes sont au nombre de quatre.
Elles s’apparentent à une rencontre entre deux plaques.
On préférerait croire que les plaques tectoniques vivent leur petite vie, qu’elles se rencontrent parce qu’elles le veulent bien, qu’elles tendent l’une vers l’autre… Elles sont mues en réalité par ce qu’elles cachent sans le savoir, le magma, qui brûle pour elles. Elles peuvent ainsi glisser l’une vers l’autre.
Quatre possibilités alors. La première c’est que les deux plaques se rentrent dedans et se plissent comme un front de part et d’autre du point d’impact. En ce cas, leur affrontement durera des millénaires.
Dans le deuxième cas de figure, une des plaques l’emporte sur l’autre, qui la soulève. Il y a un équilibre précaire de mégatonnes qui évoque les numéros de gymnastes du Cirque de Pékin. Celle du dessus montera toujours plus haut, tandis que celle du dessous creusera toujours plus loin. À terme, on sent bien que tout ça va se casser la gueule, mais on ne sera pas là pour le voir.
Les deux autres modalités de formation des montagnes impliquent plus directement le magma. Accumulé en un point, la roche en fusion pousse la roche supérieure et écarte les plaques qui l’entoure, sans pour autant créer d’éruption : à l’approche de la surface, le magma refroidit, durcit en formant un dôme. Dans le dernier cas, la roche reste en fusion et déborde, rien ne peut l’arrêter d’abord, sous forme de lave, elle jaillit, coule et emporte tout sur son passage : les sapins, les villages, le barrage de Roselend et Pompéi.
L’éruption volcanique n’a qu’un temps. La lave se solidifie à la fin. Les montagnes ont des formes coniques. Elles ont un air naïf de dessin d’enfant.
De la grande brûlure, il ne reste plus que la douceur des lignes.
Aménité est un terme qui désigne d’abord un site ou un climat avant de s’appliquer à un tempérament.
Chaque jour de montagne m’éloigne de la vengeance, la désarme, la transforme en un de ces outils dont on a perdu le sens et l’usage et qu’on conserve uniquement pour leur valeur esthétique et leur ancienneté.
Au Japon, passé un certain nombre d’années, les objets se voient attribuer une âme. Même une paire de lunettes peut se voir dotée d’une âme. Alors pourquoi pas une vengeance sans objet ?
(…)
Quelle salve ! J’ai apprécié la justesse des 7,8,9,10 ème paragraphes.
« on arrive toujours à écrire….plus de minauderie alors ». Direct. Important de le dire. Merci
Merci Louise de ton passage. C’est vrai qu’après toutes ces années d’atelier et d’écriture, on ne va pas se tirer les cartes entre Gitans. Si ça résiste, c’est que ça travaille. Je n’ai pas numéroté les paragraphes parce qu’ils correspondent en fait à un grand numéro I, loin d’être achevé. (Et puis j’avais peur de m’emmêler les pinceaux avec les entrées des Carnets des jours suivants
Magnifique sujet que l’usage des mots – lesquels, où, quand, comment, avec qui, pourquoi, pour quoi en faire – et la retenue ou résistance ou lâcher prise.
Comment dire l’innommable, nommer l’indicible.
Merci pour toutes ces pistes.. glissantes… de réflexion… et la justesse des mots.
C’est à la fois une bonne mise en jambes (mon sous-texte avant de jouer, depuis des années c’est « comment dire ? ») et le moyen de rassembler ce qui est épars dans cette « saison » qui décante depuis des années sans produire beaucoup d’écrits. Dans les parages de ta pratique professionnelle, tu dois être confrontées à bien des situations qu’il serait difficile, voire impossible de mettre en mots autrement que par le biais technique du langage juridique… Longtemps, pour moi, la question a été celle-là : en éludant le récit du crime, je « faisais ma mystérieuse », en l’écrivant, la densité échappait et ne restait que le mauvais polar. Le danger résidait aussi dans la forme de tension qu’il pouvait provoquer pour qui le lisait. Notre relation aux crimes sexuels est complexe, retorses, pleines d’angles morts, une fois prononcée la condamnation d’honnêtes gens sous laquelle nous les rangeons. Ressurgit en te répondant ici la crainte d’être mal entendue, d’ailleurs… CQFD.
Merci pour tous ces échanges de l’été qui m’ont fait avancer à chaque fois. Et là encore. Je fais le vœu qu’ils se poursuivent.
très en phase, Emmanuellle, avec tes remarques liminaires à propos de ne-pas-arriver-à-écrire / ne-pas-arrive-à-dire ; le corps qui se trouve là ; le monstre ; le fait que ne pas arriver à écrire n’empêche pas de couvrir des pages — et pourquoi pas remplir des livres (des livres de bord)…
et concerné et troublé d’autant plus que j’ai souvent été sensible et parfois bluffé, dans ce que tu nous donnes à lire ici et ailleurs, par ce que j’appellerais une grande agilité d’écriture
Merci Christophe de ton passage. Une chose qui m’importe dans cet atelier, c’est justement la possibilité de réfléchir ensemble (et les uns sur les autres) à ce que c’est qu’écrire. C’est un sujet en soi, et un sujet entre nous. Dans cette proposition il rencontre aussi l’autre sujet, celui d’un livre à venir dont le personnage est embarrassé de sa parole (en espagnol, c’est le mot pour dire enceinte…). Bref, grâce à vos passages, je vois les points de convergences et ce que j’imaginais une mise en jambe devient de plus en plus logique dans le texte, être le texte, n’être qu’un seul texte. C’est là que ta remarque sur l’agilité m’enthousiasme. Je me trouvais plutôt suturrante comme le docteur Frankenstein. Au plaisir de te lire.
« Un disjoncteur coupe automatiquement un circuit électrique lorsque l’intensité du courant atteint une limite prédéterminée. » « Les disjoncteurs automatiques sont des coupe-circuits agissant sous l’action d’un électro-aimant. » J’apprécie comment un langage technique vient relayer l’indicible. Ainsi que le choix d’une tournure grammaticale « Soudain l’été dernier » plutôt qu’une autre. Merci Emmanuelle pour ce cheminement.
Les annotations techniques me font souvent l’effet d’un gadget, ça fait de l’esbrouffe et c’est très utilisé au théâtre pour avoir l’air malin. Or, j’ai un gros problème avec mon air malin et ma tendance à la malinesse et à l’esbrouffe. Mais cette fois-ci, où la question centrale c’est « comment dire », je perçois mieux la destination de cette outillage, et c’est toi qui la nomme : relayer l’indicible. Je vais essayer de persister avec la géographie, puisque les montagnes sont le véritable coeur de ce texte (enfin, dans ce que j’en perçois pour l’instant). Merci de ton passage, Cécile.
Il n’y a plus que la coque, l’enveloppe et plus rien à l’intérieur ? La brûlure est immense. Avec quoi, de quoi sera fait le renouveau de vie ? Est-ce que Dire cicatrise ?
J’ai du mal à dire ce que je dis. Je tourne autour. On revient avec quelque chose de vivant, de sauvé, sur une terre brûlée. J’ai la sensation de démêler un écheveau où tout est confondu, de ce qui blesse, sauve, survit… c’est un tatônnement (et Barthes justement parle de tâter la plaie). Quelque part, la cautérisation vaut pour une cicatrisation. Mais dans cette histoire, il est difficile de dire où est la blessure : à peine une égratignure, rien qui se voit… Merci d’être venue prendre des nouvelles.
« Le ne-pas-arriver-à-écrire nous fait bien sentir que c’est notre peau qui se joue dans un geste aussi cultivé, complexe, distancié que l’écriture. »
Remuée par tes chemins d’écriture … L’enchainement du « général » au « particulier » comment le chemin du « comment écrire » interroge la littérature fait un détour qui n’est pas détour et reviens à soi… « Comment dire le viol de Lavinia qui se passe hors scène sans l’y ramener par une forme ou une autre de sensationnalisme ? (Comptons le misérabilisme parmi ces formes.) En le racontant sans langue et en l’écrivant sans mains, dans la poussière, avec un bâton. » Merci pour tout ça…
J’espérais bien que Lavinia te parlerait… Cette note que tu fais du passage du général au particulier, je sens qu’elle est très importante. Je crois que tu entends très bien mes réserves sur l’illusion du texte qui témoigne…