#rectoverso #02 | Bouts de vie, la nuit

A ce stade de la nuit, impossible de dormir, silence de la nuit, à mes côtés je sens le souffle régulier de celui qui dort dun sommeil profond que j’attends en vain. L’écran de mon téléphone illumine mon visage, j’ecris, je cherche les mots, les mots justes pour dire cette insomnie et pense au livre de Marie Darrieussecq, Pas dormir. La nuit n’est pas le jour, pas l’énergie de me lever, la pensée du lendemain, du réveil difficile ne permet pas de profiter du plaisir de ne pas dormir.

A ce stade de la nuit, je pense à lui qui m’a raconté sa soirée sur la scène pour la première fois, face à un public attentif, parrainé par un plus chevronné, il était debout éclairé par le spot de lumière, le micro prêt de sa bouche, téléphone à la main, il s’est lancé a lu son texte, slamé, en fond sonore une musique l’accompagne, le texte écrit la veille, dit les mots qui l’habitent depuis si longtemps.

A ce stade de la nuit, je pense à elle, jardinière aguerrie, elle sort lampe de poche allumée à la recherche des ces gastéropodes qui avalent ses salades, les jeunes pousses fraichement plantées. Elle avance entre les allées, attentive, observe, inspecte minutieusement chaque lopin de terre, scrute dans la nuit, son buste penchée en avant, soudain, ils sont là, tantôt limace, tantôt escargot, elle les attrape, les regroupe avant de les jeter avec délectation dans la petit ruisseau atténant la maison.

A ce stade de la nuit, je pense à eux, endormis dans leur tente, la chaleur est dense, ils sont en vacances quand d’autres sont en errance,

A ce stade de la nuit, je repense à l’opticien de Lampedusa,

A ce stade de la nuit, je me souviens d’une nuit, une nuit d’automne, j’ai 18 ans, seule avec une amie, nous allons voir Sonate d’automne de Bergmann, avec Ingrid Bergmann, actrice adulée par ma mère férue de cinéma, adoptant dans sa jeunesse sa coupe de cheveux à la garçonne, comme dans Quand sonne le glas. Je me souviens des deux actrices principales, l’une jouant du piano, l’autre derrière la porte, adulte, flashback retour vers l’enfance, la petite fille attend l’amour impossible de sa mère, mère étoile qui ne vit que pour la célébrité, l’enfant comme un boulet. A la sortie, enveloppées par un épais brouillard, nous avançons bras dessus bras dessous, marchons dans la nuit, un sentiment de liberté m’envahit, alors que l’ambiance est plutôt hitchockienne, dans sa chambre nous parlerons des heures du film ? de nos mères ?

A propos de Caroline Burgy

Lire, écrire, faire écrire, trois mots, marqueurs de ma vie, animatrice d'ateliers d'écriture, ils ont jalonné ma vie depuis quelques années, des rencontres avec quelques passeurs m’ont donné l’occasion de soutenir cette place avec les autres. Marguerite Duras écrivait "l'écriture c'est l'inconnu. Avant d'écrire on ne sait pas ce qu'on va écrire..." sans doute suis je portée par cette part d'inconnu à découvrir au fil du temps...

2 commentaires à propos de “#rectoverso #02 | Bouts de vie, la nuit”

  1. ..illumine.. lumière..lampe de poche…étoile… tout brille dans ces nuits malgré l’obscurité. merci !