Il y a au sol cette plume noire blanche et moirée témoignant d’un passage
Il y a cet humain très présent mais très absent dont ne sait ce qui l’anime exactement
Il y a quelque part la présence non identifiée d’un ami mais aussi celles d’antiques ennemis
Il y a traversant lentement la ville des tracteurs aux remorques gonflées de lavandes coupées
Il y a ces terriens encerclant leurs forêts de grillages hauts dans le ciel et profonds dans la terre
Il y a ces mères et ces pères qui ne se soucient guère d’être devenus des parents
Il y a ceux qui cherchent leurs enfants volés leurs enfants enrôlés leurs enfants perdus
Il y a des temps qui vous abattent et des temps qui vous portent
Il y a à chaque instant la possibilité de dire du fond du cœur le petit mot merci
Il y a du béton et des hommes couchés tendant la main vers toi le passant
Il y a ce mistral fouettant les feux et les grands micocouliers de trente ans
Il y a des trêves reprises puis rompues dans les familles comme dans les États
Il y a pourtant des grands rêves de liens dans le sommeil des enfants
Il y a chez chaque adolescent la possibilité d’un voyage et celle d’un naufrage
Il y a des fils et des filles en partance et certains de retour
Il y a aux fenêtres des volets qui claquent et des orages qui fouettent
Il y a l’histoire des chevaux celle des arbres celle des pierres et celle des chiens
Il y a l’amour sans doute gagnant eh bien non voyons on n’est pas dans un conte ici
Il y a pourtant des mages cachés et des princes et des Dieux et des fées
Il y a en ce jour Diane au berceau et le Christ au tombeau.
Oui, puisque qu’il le faut bien pour accéder à la vie, accepter ce qui est, dire oui, le reste vient après. Accepter qu’un seul chemin ait été pris à chaque embranchement, un seul compagnon à la fois, une seule région à la fois, une seule ville, un seul habitat, un seul métier, « le chemin que l’on n’a pas pris, au carrefour, ne menait pas à un pays autre » dit Bonnefoy. Mais si bien sûr, le choix que l’on n’a pas fait, de rester au lieu de partir, d’affronter au lieu de fuir, d’attendre au lieu de se précipiter, d’insister au lieu de se taire, le choix que l’on n’a pas fait est une vie que l’on n’a pas vécue. Et seule la sagesse impose de penser qu’elle n’aurait pas été meilleure. On sait bien après le vécu que tel homme n’était pas le bon et que dès le carrefour on faisait le mauvais choix, que telle filière aurait été meilleure, que l’on a pris trop de détours et donc perdu du temps et des occasions de bonheur, bonheur donné bonheur reçu, que l’on a perdu des enfants à naître et de la vie en soi, mais la sagesse nous répète avec insistance que certains qui prennent les lignes droites vont bien trop vite et activent leur chute voire leur fin.
Il n’empêche, pour être au mieux de l’instant dire oui à cet instant, mais savoir au fond qu’on n’a pas bien saisi le potentiel qui s’annonçait à chaque carrefour.
J’ai beaucoup aimé « il y a cet humain très présent mais très absent dont on ne sait ce qui l’anime exactement » et « le choix qu’on a pas fait est une vie que l’on a pas vécu » résonne en moi comme la fin de votre texte.
Merci Louise pour votre lecture, oui nous sommes en résonance les uns avec les autres, plaisir de cet atelier!
Il y a ces mères et ces pères qui ne se soucient guère d’être devenus des parents. Il y a chez chaque adolescent la possibilité d’un voyage et celle d’un naufrage. Il y a à chaque instant la possibilité de dire du fond du cœur le petit mot merci. Beaucoup aimé tous ces Il y a et ceux là particulièrement, merci à vous.
Merci Clarence!
lavande micocoulier bras tendus, tous ces enfants en partance, on glisse avec beaucoup de douceur vers des évidences très dures, on te suit ligne après ligne, on t’attend
pour ma part je retiens « Il y a l’histoire des chevaux celle des arbres celle des pierres et celle des chiens », parce que tu sais combien les arbres et les pierres et les bêtes comptent pour moi
merci Valérie et contente de te retrouver…
merci à toi, la place du vivant, hors l’humain, me parait plus que nécessaire dans notre pensée et donc dans l’écriture.
le choix que l’on n’a pas fait, de rester au lieu de partir, d’affronter au lieu de fuir, d’attendre au lieu de se précipiter, d’insister au lieu de se taire, le choix que l’on n’a pas fait est une vie que l’on n’a pas vécue réseonne fort en moi
Merci pour l’intensité de votre de texte, la puissance de vos mots.
Il y a pourtant des grands rêves de liens dans le sommeil des enfants,
Les liens dans leur sommeil et ces pères et ces mères qui se fichent comme une guigne d’être devenus parents.
Bonne soirée
« comme un guigne » tiens! je n’y avais pas pensé, c’était bien l’idée! Merci Martine Lyne pour votre lecture