Codicille : je me pique au jeu des 1000 bornes. Ça va être un gros chantier.
Première version du 18/08/2025 22:04 du numéro 1 au F-25080035
Deuxième version du 19/08/2025 19:20 du F-25080036 au F-25080070
Troisième version du 20/08/2025 17:30 du F-25080071 au F-25080120
Quatrième version du 21/08/2025 22:30 du F-25080121 au F-2508150
Cinquième version du 22/05/2025 12:00 du F-25080151 au F-25080180
Sixième version du 23/08/2025 22:15 du F-25080181 au F-25080208
Septième version des 24 et 25/08/2025 19:45 du F-25080209 au F-25080260
Huitième version du 26/08/2025 22:40 du F-2025080261 au F-25080290
Neuvième version des 27 et 28/08/2025 21:40 du F-25080291 au F-25080351
Dixième version dernière et provisoire du 4 septembre 2025 F-25090352 et F-25090353
Onzième version du 10/09/2025 du F-25090354 au F-25090455
Douzième version du 12/09/2025 7:15 du F-25090456 au F-25090505
Treizième ajout des 12 et 14/09/2025 du F-25090506 au F-25090699
- 1_J’ai hérité d’une moissonneuse-batteuse écrit l’auteure.
- 2_Karen Blixen écrit J’ai possédé une ferme en Afrique au pied du Ngong.
- 3_Nathalie Skowronek écrit Karen et moi. Le point fait partie du titre dans la collection Arléa-Poche N° 191.
- 4_Après vérification tous les titres de la collection comporte un point.
- 5_Le titre du livre que Christian Bobin consacre à Pierre Soulages en 2019 contient une virgule, Pierre,
- 6_La précision au millième me plaît.
- 7_Le logiciel de facturation affiche quatre chiffres jusqu’à 1000. Avant les quatre chiffres il indique l’année et le mois. Les mois et les années changent au fil des années mais pas la numérotation qui continuent de 1 jusqu’à 1000.
- 8_Ainsi pour l’EARL nous en sommes à F-25030017 depuis le 30 mars 2022 et pour la SNC à F-25050114 depuis le 23 mars 2022.
- 9_Je vais appliquer ce principe à mes fragments. F indiquera ici Fragment non plus Facture.Si les fragments doivent bouger en cours d’écriture, seuls les quatre derniers chiffres changeront.
- 10_Qui des factures ou des fragments arrivera à 1000 en premier ?
- F-25080011_Émile est un prénom. Aucun intérêt ici.
- F-25080012_Chez Arléa il existe une collection intitulée 1er / mille. Il faut lire 1er mille sinon tous les livres de la collection serait le 1er sur mille.
- F-25080013_C’est ce que j’ai vu avec le roman d’Hélène Gestern 555.
- F-25080014_J’ai hérité d’une moissonneuse-batteuse écrit l’auteure.
- F-25080015_Elle a aussi hérité d’un troupeau de vaches.
- F-25080016_Olivia Rosenthal écrit qu’il existe pour les vaches 240 manières de meugler.
- F-25080017_Il paraît que les poules sont les animaux qui ont le plus de variations dans leur vocabulaire pour s’exprimer.
- F-25080018_Grand-père n’a jamais voulu que je réduise son coq au vin après avoir été attaquée. Il est mort de sa belle mort. Je veux dire le coq. Grand-père aussi il ne s’est pas réveillé de sa sieste. Pour le coq je ne sais pas.
- F-25080019_La déclaration de succession énumère un stock de BOVINS, BOVINS écrit en lettres majuscules.
- F-25080020_FR3802666899 Nom Calcite VA née le 17/02/07 dite la marginale ; FR3802827753 Nom Ilménite G+2 née le 24/02/13 ; FR3802918387 Nom Lazurite G+1 née le 04/02/15 ; FR3803146697 Nom Elbaïte VA née le 18/08/09 dite Frisotine. Elle aurait eu 16 ans aujourd’hui 18 août 2025 ; FR3803174340 Nom Fluorine VA née le 09/02/10 ; FR3803276852 Jade G+1 née le 22/01/14 ; FR3803276853 Jadéite G+1 née le 08/03/14
- F-25080021_VA pour vache ; G+2 génisse de plus de 2 ans ; G+1 génisse de plus d’un an
- F-25080022_Tous les veaux naissent à la ferme.
- F-25080023_Toutes les vaches ont des noms de minéraux.
- F-25080024_Ce sont des Charolaises.
- F-25080025_La marginale est la bête toujours à part dans un troupeau. Être dominante ne l’intéresse pas.
- F-25080026_Ilménite est tombée ne s’est pas relevée. Le vétérinaire a dit après coup que la viande était consommable. Mais les conditions d’hygiène n’auraient pas été respectées.
- F-25080027_Frisotine frisait sur le dessus du crâne.
- F-25080028_Fluorine était la préférée de l’éleveur. Quand il est mort elle nous a snobés pendant plusieurs semaines. A la fin de l’été elle est revenue sous la fenêtre quémander des pommes. Elle nous a acceptés. Surtout l’enfant qu’elle connaît bien.
- F-25080029_Sur la déclaration de succession il manque le taureau et d’autres bêtes notamment la vache née en Côte d’Or et qui avait déjà pas loin de 15 ans en 2015.
- F-25080030_Le taureau était mal foutu. Il est parti le premier. Heureusement il n’est pas tombé du camion sinon il aurait été abattu sur place et la viande saisie.
- F-25080031_Dans l’inventaire je lis moissonneuse-batteuse, marque CLAAS, modèle TUCANO 330, immatriculée à la préfecture de l’Isère le 25/05/2011 sous le numéro BP-141-BA. Elle a ensuite été immatriculée à son nom à elle.
- F-20080032_Remplacée depuis.
- F-25080033_Elle a hérité d’une moissonneuse-batteuse comme d’autres héritent d’une Lamborghini ou d’un yacht.
- F-25080034_Et de vaches.
- F-25080035_Ma vie aussi est une histoire recopie-t-elle sur son carnet de lecture.
- F-25080036_La donation au dernier vivant incluait la ferme.
- F-25080037_Elle ne le savait pas.
- F-25080038_La mort frappe aléatoirement écrit Olivia Rosenthal.
- F-25080039_On ne sait jamais ce qui peut arriver écrit Chantal Akerman et moi encore moins que n’importe qui parce que ce qui m’est arrivé […] et qui aurait pu penser à une chose pareille.
- F-25080040_Elle n’a pas fait apposer Veuve M*** sur le ventre de la moissonneuse-batteuse comme Veuve Clicquot Ponsardin sur la bouteille de champagne.
- F-25080041_Elle aurait pu.
- F-25080042_François Clicquot meurt brutalement le 23 octobre 1805. Sa femme a alors 27 ans.
- F-25080043_Son mari meurt brutalement en 2015, elle a 47 ans.
- F-25080044_A la mort de son mari, Barbe Nicole Ponsardin décide de poursuivre son activité.
- F-25080045_Elle ne décide pas vraiment de poursuivre l’activité. Elle la poursuit c’est tout.
- F-25080046_Elle se demande s’il existe d’autres femmes possédant une moissonneuse-batteuse. A sa connaissance elle devient la première entrepreneuse de battages dans la plaine.
- F-25080047_La veuve Clicquot meurt à l’âge de 88 ans. Ça lui laisse encore trente ans d’activité.
- F-25080048_Je ne savais pas que j’en viendrais à évoquer la veuve Clicquot.
- F-25080049_Je préfère la bière.
- F-25080050_Je préfère une virgule dans le titre, par exemple Pierre,
- F-25080051_Le point ça fait un point c’est tout alors même qu’on n’a pas encore ouvert le livre.
- F-25080052_La virgule c’est une invitation à continuer la lecture.
- F-25080053_La lecture pour de vrai. Celle où l’on prend des notes sur une feuille à côté écrit Rouda.
- F-25080054_Mais souvent je n’aime pas la campagne écrit plus loin Chantal Akerman.
- F-25080055_L’espace étendu et verdoyant qui [l’]entoure la sonne, elle ne sait où poser son regard écrit Bérénice Pichat. Quand un clocher se profile enfin au loin, il lui semble miraculeux. Partout autour des champs.
- F-25080056_Moi aussi j’ai grandi en ville. Je suis habituée à la foule, au bruit.
- F-25080057_L’amour. Elle est venue par amour.
- F-25080058_Je suis venue par amour.
- F-25080059_Elle hérite d’une moissonneuse-batteuse.
- F-25080060_J’hésite entre le présent et le passé composé.
- F-25080061_Le passé composé ou le présent ?
- F-25080062_Adieu les petites robes. Elle enfile une tenue de fermière.
- F-25080063_Venez comme vous êtes. Nous y sommes allés chez Mac Do après avoir pressé la paille et monté les bottes sur la charrette. En l’état. Nous sommes chouette.
- F-25080064_Le monde agricole dans toute sa splendeur. En faire partie sans en faire véritablement partie.
- F-25080065_Pantalons noirs. Blouses noires. Bottes. Même taille. Mains nues. La femme et l’homme rampent sous la clôture électrique. Les bêtes sont calmes. Deux vaches ruminent. Paisiblement. Couchées dans l’herbe. L’une se lève. Attend. Observe. Circulairement. De son air renfrogné. L’autre se lève aussi. L’homme les jauge. Il n’a pas de bâton. La femme non plus. Les bêtes sont calmes. Le taureau rejoint la troupe. Curieux. Calme lui aussi. L’homme a vu. L’homme a jugé. L’homme a compté. Propose. Entre 3 € et 3,50 € du kilo. Les mères. Ce que l’abattoir voudra bien donner pour le mâle perclus d’arthrite. Les mains se serrent. Longtemps. Le regard franc. L’affaire est conclue.
- F-25080066_Rien n’a changé depuis Flaubert. Tout se joue dans la poignée de mains et le regard.
- F-25080067_Aujourd’hui huit Parthenaises ont remplacé les Charolaises. Elles ont les yeux maquillés.
- F-25080068_Leur viande est prisée par les bons artisans bouchers.
- F-25080069_Il y a aussi une Limousine. La vache pas la voiture.
- F-25080070_Aujourd’hui ce sont celles de l’enfant.
- F-25080071_François Clicquot meurt brutalement.
- F-25080072_Son mari meurt brutalement.
- F-25080073_On peut se demander ce que signifie mourir brutalement.
- F-25080074_Mourir brutalement ne dit pas comment il est mort ni de quoi.
- F-25080075_Le Petit Robert dans sa nouvelle édition millésime 2009 va m’aider.
- F-25080076_Brutalement signifie avec soudaineté et violence.
- F-25080077_Or pour ce qui me concerne il n’y a pas eu violence à proprement parler puisqu’il n’y a pas eu de choc ni de coup. Il ne s’agit pas non plus d’un accident de voiture auquel j’ai d’abord pensé quand les gendarmes ont sonné à la porte.
- F-25080078_Brusquement ne convient pas. Il n’est pas mort sur le coup. Mais il n’a pas non plus recouvré ses esprits.
- F-25080079_Il est mort inconscient.
- F-25080080_Je suis la femme sur le fil.
- F-25080081_Le fil des coutures invisibles permettant le glissement imperceptible du sens d’un mot à l’autre.
- F-25080082_On ne connaît pas assez le sens des mots.
- F-25080083_Brusquement signifie qui est soudain, que rien ne prépare ni ne laisse prévoir. Ce n’est pas entièrement faux.
- F-25080084_Soudainement précise d’une manière rapide et imprévue. Alors que soudain désigne la rapidité d’un fait, soudainement caractérise la manière dont l’action se déroule. Certes l’action de mourir s’est déroulée de manière imprévue mais pas spécialement rapidement.
- F-25080085_L’auteure écrit Vous descendez lestement l’échelle de la moissonneuse-batteuse foulez le sol. Une flèche vous transperce la poitrine. Une cheville se tord puis le genou se vrille les bras peut-être se tendent pour retenir le corps qui s’affaisse. Lourd vous vous écroulez sur le sol. Vous tombez dans les pois fourragers comme dans neige molle vous engloutissant. La chute n’est ni lente ni rapide vos lunettes giclent. L’espace autour de vous se rétrécit oppresse votre poitrine étreint votre crâne. L’air faiblement entre dans vos poumons récalcitrants. Le soleil se fige une boule vous noue le ventre. Votre regard se fixe sur une chose intérieure. Le champ s’étend jusqu’au ciel d’acier le cœur ne suffit plus. Vous ne comprenez pas ce qui vous arrive vous le dites qu’est-ce qui m’arrive. Vous suffoquez. Le paysage alentour devenu trop grand se vide rapetisse votre esprit perdu sous une étendue de ciel gigantesque. Spirale d’un trou noir. Peut-être des images défilent-elles dans cette obscurité soudaine.
- F-25080086_Les gestes de premier secours ont été prodigués et les pompiers sont venus. Ils ont ordonné une évacuation par hélicoptère.
- F-25080087_Les gens de la plaine témoignent. Ils ont entendu les pompiers.
- F-25080088_Ils ont vu l’hélicoptère se poser à proximité et repartir en direction de Grenoble.
- F-25080089_Subitement dit instantanément. Cependant il n’est pas mort de mort instantanée.
- F-25080090_Il n’est pas mort sur le coup. Il a d’abord perdu connaissance.
- F-25080091_Je ne peux pas écrire tout à coup il est mort.
- F-25080092_Ça peut arriver à tout le monde de perdre connaissance.
- F-25080093_Il est mort graduellement parce que son état de santé s’est vite dégradé.
- F-25080094_Lentement progressivement.
- F-25080095_Inéluctablement.
- F-25080096_Brutalement me mène à inopiné.
- F-25080097_Mort inopinée conviendrait mieux. Qui arrive se produit alors qu’on ne s’y attendait pas.
- F-25080098_Fortuite imprévue inattendue à l’improviste.
- F-25080099_Il est mort à l’improviste. On arrive à l’improviste.
- F-25080100_A l’improviste est une manière d’arriver pas de partir.
- F-25080101_Si ?
- F-25080102_Le dictionnaire cite Maupassant Tout cela s’est fait inopinément, sans qu’il y prît part.
- F-25080103_J’écris Tout cela s’est fait inopinément, sans qu’il y prît part. Parce que c’est vrai. Il était là sans y être vraiment puisqu’il était inconscient.
- F-25080104_A quoi pense-t-on quand on est inconscient ?
- F-25080105_Il ne s’agit pas non plus d’une mort accidentelle. Il n’est pas tombé de l’échelle par accident comme cela peut arriver. Je tombe de l’échelle et hop je suis mort.
- F-25080106_Non.
- F-25080107_Il est tombé de l’échelle parce que quelque chose ne tournait pas rond.
- F-25080108_Il s’agit d’un imprévu qui n’a pas été prévu c’est-à-dire qui arrive lorsqu’on ne s’y attend pas.
- F-25080109_Qui s’attend à tomber en descendant l’échelle d’une moissonneuse-batteuse ?
- F-25080110_Dans ce cas, ne montez pas.
- F-25080111_D’un mot à l’autre j’arrive à l’adjectif extraordinaire.
- F-25080112_Une mort extraordinaire. Qui n’est pas selon l’usage ordinaire, selon l’ordre commun. Insolite singulière unique. Qui étonne suscite la surprise ou l’admiration par sa rareté sa singularité. Incroyable inouïe.
- F-25080113_Et là on bascule dans le fantastique fabuleux féerique merveilleux prodigieux abracadabrant extravagant invraisemblable excentrique drôle.
- F-25080114_Drôle.
- F-25080115_J’en souris.
- F-25080116_Pensant au bonhomme je me dis finalement ça lui ressemble.
- F-25080117_L’auteure continue Ainsi orchestrée le jour de votre fête – on pourrait presque dire sans fausse note – votre mort a du panache. Vous vous êtes occupé de tout et en même temps de rien : pompiers pin-pon gyrophares bleus gendarmes baptême de l’air femmes en blanc.
- F-25080118_Bravo l’artiste.
- F-25080119_J’ai lu Ta vie s’est arrêtée quand tu es mort. Mais des choses vont continuer à m’arriver à cause de ça.
- F-25080120_Je l’écris Ta vie s’est arrêtée quand tu es mort. Mais des choses vont continuer à m’arriver à cause de ça.
- F-25080121_Finalement je retiens mort inopinée.
- F-25080122_Il est mort d’une mort inopinée.
- F-25080123_On ne saura jamais depuis quand le cancer le rongeait de l’intérieur ni à quelle vitesse ni à quoi il est dû.
- F-25080124_Vous ne savez pas qu’une volumineuse anémone de mer a poussé comme le nénuphar dans le poumon de Chloé au niveau de votre foie envahissant petit à petit votre veine cave et finissant par l’obstruer complètement.
- F-25080125_Dans tous les cas il a été foudroyant.
- F-25080126_Chute.
- F-25080127_Coma.
- F-25080128_Mort.
- F-25080129_Tout ça ramassé en une après-midi et une soirée.
- F-25080130_J’ai bien ma petite idée.
- F-25080131_Quand on dit produits phytosanitaires on use d’un euphémisme.
- F-25080132_Phytosanitaire veut dire relatif aux soins à donner aux végétaux.
- F-25080133_Que soigne-t-on à grands coups de pesticides fongicides herbicides ?
- F-25080134_L’euphémisme est une circonlocution.
- F-25080135_Il faut parler des choses qu’on n’ose pas sinon on ne dit rien.
- F-25080136_Je n’ai pas de preuve.
- F-25080137_Ce que je sais
- F-25080138_Ce que je crois savoir
- F-25080139_Ce que j’ai observé
- F-25080140_c’est qu’il n’y a pas plus stressé qu’un agriculteur.
- F-25080141_Les agriculteurs ont pieds et poings liés au capitalisme ambiant.
- F-25080142_Il faudrait
- F-25080143_Il serait temps de changer de système
- F-25080144_de modèle sociétal.
- F-25080145_Il faut parler des choses qu’on n’ose pas sinon on ne dit rien.
- F-25080146_Je ne suis pas sûre que nos sociétés soient prêtes.
- F-25080147_La période Covid devait changer le monde
- F-25080148_le révolutionner.
- F-25080149_Le révolutionner ?
- F-25080150_Je n’y ai pas cru.
- F-25080151_Et vous y avez-vous cru ?
- F-25080152_J’ai hérité d’une moissonneuse-batteuse.
- F-25080153_Je décide d’emprunter à la narratrice le pronom personnel je.
- F-25080154_Et le passé composé.
- F-25080155_La moissonneuse-batteuse est la face visible de l’iceberg.
- F-25080156_Il y a tout le reste.
- F-25080157_Dès le lendemain du décès inopiné des chacals rôdent autour de la ferme.
- F-25080158_Certains sentent l’aubaine.
- F-25080159_S’agrandir.
- F-25080160_Encore et encore.
- F-25080161_Récupérer des terres encore des terres encore plus de terre encore plus gros encore plus grand encore plus fort.
- F-25080162_Toujours.
- F-25080163_Encore.
- F-25080164_Il n’y a rien à prendre.
- F-25080165_Ils se cassent les dents.
- F-25080166_Ceux-là se détournent de l’affaire.
- F-25080167_Les vrais collègues les vrais amis restent accompagnent.
- F-25080168_La veuve et l’orphelin sont bien épaulés.
- F-25080169_Du jour au lendemain ils sortent de l’ombre passent de l’ombre à la lumière.
- F-25080170_Sur le devant de la scène.
- F-25080171_L’enfant devient celui à qui l’on s’adresse. Parce qu’il connait tout sait tout. Sur les engins les parcelles les cultures les bêtes.
- F-25080172_Mais pas ses leçons non.
- F-25080173_Quelqu’un sur qui l’on peut compter. Les agriculteurs le reconnaissent comme un des leurs.
- F-25080174_Je reviens au présent.
- F-25080175_Suis dans un entre-deux permanent entre passé/présent présent/passé.
- F-25080176_Entre je et elle elle et je.
- F-25080177_Il faut parler des choses qu’on n’ose pas sinon on ne dit rien.
- F-25080178_Qui cela intéresse-t-il ?
- F-25080179_Est-ce encore de la littérature ?
- F-25080180_Avons-nous cette prétention ?
- F-25080181_Le livre d’Olivia Rosenthal est-il pour moi un livre de lectrice ou d’animatrice ?
- F-25080182_D’autres livres me seraient-ils utiles pour écrire ?
- F-25080183_A la narratrice d’où ça lui vient l’écriture ?
- F-25080184_Elle a su écrire avant de savoir lire.
- F-25080185_Il suffit de dicter « Chère mamie j’espère que tu vas bien » pour que les mots s’écrivent au dos de la carte postale représentant la Vierge noire de la basilique de Fourvière. Sa petite main enserrée dans la main de son père tenant le crayon.
- F-25080186_Plus tard elle est l’écrivain de la famille répondant aux cartes de vœux envoyant les cartes postales de vacances.
- F-25080187_Écrire pour exister.
- F-25080188_Rien ne la prédestinait à devenir agricultrice à part entière.
- F-25080189_En épousant un agriculteur on épouse une profession.
- F-25080190_Oui je le veux ça a été dit prononcé épousant l’homme et sa vie de labeur le travail rythmant les jours et les saisons les longues journées d’été s’étirant jusqu’à point d’heure viens me chercher il est minuit une heure deux heures à quatre heures du matin servir une assiette de soupe chaude à six heures un bol de café
- F-25080191_Du jour au lendemain être au four et au moulin à la ferme et à la maison c’est les vacances scolaires on n’avait pas prévu de partir et pour aller où ?
- F-25080192_Où serions-nous allés après ça ?
- F-25080193_On est tout entiers absorbés par la ferme.
- F-25080194_A la rentrée retrouver son poste d’enseignante à temps partiel deux jours au lycée cinq jours à la ferme
- F-25080195_et le collège pour l’enfant.
- F-25080196_Autant dire un cauchemar.
- F-25080197_Le cartable lourdement posé sur le fauteuil en cuir dans l’entrée les baskets jetées les godillots enfilés
- F-25080198_Aucune empathie de la part de l’équipe enseignante
- F-25080199_de la direction qui n’explique pas pourquoi l’enfant est séparé du groupe de copains l’isole dans une classe pour laquelle l’enfant n’éprouve aucune affinité d’aucune sorte comme s’il avait besoin de ça
- F-25080200_Soulagement d’en sortir et vite et fier enfin d’intégrer une seconde agricole comme il en avait forgé le projet dans le ventre de la machine.
- F-25080201_Longtemps de petite taille il se faufile partout sous les tôles sur les secoueurs entre les parois serrer un boulon tendre une courroie graisser un roulement souffler les filtres
- F-25080202_Taches ingrates certes
- F-25080203_mais l’enfant connaît la machine mieux que personne et refile la tache ingrate de laver les carreaux de la moissonneuse-batteuse à sa mère puisqu’à présent lui s’occupe du reste
- F-25080204_La mère grimpe sur la coupe se hisse autant qu’elle peut s’étire le bras avec un chiffon sec et le lave-vitres et tous les matins fait les vitres afin d’enlever du champ de vision toutes les poussières collées de la veille les vitres sont plus hautes et plus larges que n’importe quelle vitre intérieur et extérieur rétroviseurs compris avec souplesse et gymnastique
- F-25080205_J’ai hérité d’une moissonneuse-batteuse donc chaque matin je lave les carreaux en plus de beurrer les sandwiches préparer un thermos de café réconfortant les troupes et consolant l’entourage
- F-25080206_Les blés n’attendront pas le colza non plus faut y aller il n’est pas question ni même envisageable que la machine ne tourne pas reste sous le hangar et c’est un réconfort que d’entendre le moteur tourner
- F-25080207_ le même bruit de moteur que celui du bateau traversant la mer adriatique depuis Brindisi et rejoignant la mer ionienne à Amphilochie
- F-25080208_l’île de Corfou en moins que nous ne verrons pas.
- F-25080209_Oui je le veux articulé dans la salle des mariages fastueuse d’une mairie d’arrondissement allez-vous vous installer dans notre bel arrondissement oui je le veux avec veaux vaches cochons
- F-25080210_ oui je le veux avec le sentiment permanent de vacances à la ferme
- F-25080211_reproduction grandeur nature des vacances familiales de toute mon enfance
- F-25080212_à la campagne
- F-25080213_mais qu’est-ce que je m’y ennuyais moi à la campagne
- F-25080214_on était les gens de la ville
- F-25080215_et dans une ferme on n’y était pas vraiment pour ne pas dire pas du tout allant chercher le lait dans l’étable au cul des vaches avec une bouteille de limonade fermant hermétiquement avec son bouchon de porcelaine blanche entourée d’un caoutchouc orangé parce que personne ne voulait utiliser la berthe à lait que nous jugions ridicule et trop pot de chambre
- F-25080216_les mouches par centaines de milliers
- F-25080217_la bouteille rendue gluante par le lait versé une fois essuyée sur la blouse de la fermière
- F-25080218_qu’il fallait tenir sur son cœur et ne pas courir et lever les pieds pour ne pas trébucher ni tomber
- F-25080219_oui je le veux vivre du bon côté de la paysannerie
- F-25080220_du bon sens paysan
- F-25080221_et toujours me faire sentir que je n’en suis pas beau-père et belles-sœurs
- F-25080222_je suis la fille de la ville l’intrigante
- F-25080223_Finira par me dire le beau-père
- F-25080224_C’est toi qui l’as tué.
- F-25080225_Ce jour-là pour moi il n’a plus existé.
- F-25080226_Je lui avais volé son fils ses terres j’étais venue le dépouiller lui m’accaparer ses biens l’entourlouper lui extorquer un terrain pour y construire ma maison
- F-25080227_J’ai hérité d’une moissonneuse-batteuse mais qui souhaite de toute sa vie hériter d’une moissonneuse-batteuse ?
- F-25080228_Qui manigancerait pour cela ?
- F-25080229_Il faut parler des choses qu’on n’ose pas sinon on ne dit rien.
- F-25080230_En attendant l’était bien content de la voir sortir de sous le hangar la machine et de la voir tourner et d’avoir même la velléité de reprendre du service le vieux dont plus personne ne supportait les remarques acerbes
- F-25080231_A ce stade du récit – mais s’agit-il d’un récit ? – je m’interroge sur ma légitimité à écrire
- F-25080232_sur ma légitimité à évoquer le monde paysan n’en étant pas issue moi-même.
- F-25080233_Tout n’est pas vrai mais rien n’est faux.
- F-25080231_Oui je le veux le chien dans sa niche la chatte sur le toit brûlant les poules dans le poulailler les canards dans la mare les vaches dans le pré la bouse sous les bottes oui je le veux ça a été dit oui je l’ai entendu.
- F-25080234_J’ai partagé la vie d’un paysan pendant vingt-huit ans.
- F-25080235_Je connais
- F-25080236_ les vêlages la nuit le dimanche les jours fériés pendant le réveillon de Noël
- F-25080237_ les semis avant la pluie il va pleuvoir les moissons avant l’orage la grêle ils ont annoncé la neige le chaud le froid
- F-25080238_Mes enfants sont fille et fils de paysan.
- F-25080239_En tant qu’épouse et du fait de la donation au dernier vivant j’ai hérité d’une moissonneuse-batteuse.
- F-25080240_L’enfant en est aujourd’hui le successeur.
- F-25080241_Entrepreneur de battage depuis cinq générations.
- F-25080242_Dans la lignée des mâles entre l’arrière-grand-père et l’arrière-arrière-petit-fils une femme et qui plus est pièce rapportée de la ville.
- F-25080243_Ceci explique peut-être cela.
- F-25080244_C’est toi qui l’as tué m’a tuée.
- F-25080245_Le grand-père je le tue.
- F-25080246_C’est-à-dire que je l’efface de ma mémoire. Il n’existe plus.
- F-25080247_Depuis il est mort.
- F-25080248_Pour de vrai.
- F-25080249_Au cimetière la tombe familiale est quasiment en face de celle de Johan Barthold Jongkind peintre hollandais précurseur de l’impressionnisme. Parcourant la campagne il était familier avec les paysans du pays qui l’appellent le père Jonquille. Pour sûr qu’il a connu les ancêtres.
- F-25080250_Chaque fois que je vais au cimetière, je rejoue la première scène du film de Pedro Almodovar dans laquelle des femmes espagnoles tout de noir vêtues se rendent au cimetière qui avec une balayette qui avec un arrosoir. Et tout d’un coup Pénélope Cruz arrive, chaussée d’espadrilles et habillée de couleurs. Qui aurait pensé que nous irions à intervalles réguliers sur ta tombe arracher les mauvaises herbes entre les pavés disjoints et balayer d’un revers de main graviers et poussière qui s’y collent ? Ta mort inopinée est la dernière bonne blague que tu nous aies faite.
- F-25080251_Et de fait ça nous fait rire.
- F-25080252_Je lis dans un livre Tu vois, la mort, lorsque tu la côtoies, eh bien, elle te détruit. Elle fauche tout sur ton passage : ta joie, tes projets, tes espoirs, tes désirs. En un sens, elle te tue. Elle te tue, même si c’est pas toi, le défunt. Une fois que tu es passé sous les dents de la Faucheuse, une fois que tu as accepté son baiser, c’est-à-dire sa présence en nos vies, une fois que t’as accepté d’aller au plus profond du désespoir dans laquelle elle te met, alors là, tu peux revivre, tu peux renaître. Tu comprends ? C’est parce que je sais ce que c’est que mourir que je suis vraiment en vie.
- F-25080253_Je copie l’extrait dans mon cahier de lecture.
- F-25080254_J’ai l’impression de perdre le fil. Le fil conducteur. Le fil qui avance à mon insu.
- F-25080255_Où ce chantier me mène-t-il ?
- F-25080256_Où ce chantier mène-t-il les lecteurices ?
- F-25080257_Envie de supprimer la ponctuation.
- F-25080258_Deux chantiers seraient alors menés de front, l’un avec, l’autre sans ponctuation.
- F-25080259_Ça changerait quoi ?
- F-25080260_Nécessité de lire à voix haute les 230 premiers fragments.
- F-25080261_Chaque fragment ouvre un nouveau chapitre.
- F-25080262_On s’invente des contraintes qui sont encore plus contraignantes que la contrainte initiale.
- F-25080263_Je n’écris que sous contrainte.
- F-25080264_De mon plein gré.
- F-25080265_Des paysages s’étalent sous nos semelles de chaussures.
- F-25080266_Nous portons inconsciemment des paysages sous nos semelles.
- F-25080267_Nous transportons des mondes.
- F-25080268_Des mondes s’écrivent sous nos semelles de chaussures.
- F-25080269_Quatre phrases pour dire sensiblement la même chose.
- F-25080270_Que sied-il aux pieds d’un mort ?
- F-25080271_Il est mort d’une mort inopinée en nu-pieds tatanes sandales fermées par une bride et une boucle.
- F-25080272_La morgue de l’hôpital les a rendues à la famille dans un grand sac transparent avec son short en denim son caleçon sa casquette son maillot son portefeuille le mouchoir dans la poche du short.
- F-25080273_Les lunettes étaient tombées. Quelqu’un les avait ramassées.
- F-25080274_Pas moyen de sortir du passé.
- F-25080275_ Il meurt d’une mort inopinée en nu-pieds tatanes sandales fermées par une bride et une boucle.
- F-25080276_ La morgue de l’hôpital les rend à la famille dans un grand sac transparent avec son short en denim son caleçon sa casquette son maillot son portefeuille le mouchoir dans la poche du short.
- F-25080277_ Les lunettes tombent. Quelqu’un les ramasse.
- F-25080278_Elles restent longtemps sur la table de nuit avant que je me décide à les donner comme s‘il allait revenir.
- F-25080279_Je crois avoir aperçu tes pieds en chaussettes trouées et me dire il n’a pas de chaussures.
- F-25080280_Si je fais l’inventaire de ce que tu mettais à tes pieds je commencerais par les bottes en caoutchouc que tu enfiles à l’heure du pansage avant d’aller à l’étable choyer tes vaches. La terre boueuse est riche et une prairie fleurie avec trèfles et luzerne aurait certainement poussé sous tes semelles. Les semelles de tes chaussures de sécurité aux bouts coqués sont trop dures pour accueillir une vegetation molle. Du lichen devait pousser dans les interstices comme il se propage sur du bois dur. Les semelles de tes chaussures de montagne sont encore fraîches de ta dernière escapade au Freney d’Oisans où gentianes orchidées et arnica montana pullulent de jaune. C’est un paysage minéral qui se dessine avec névé glacier neiges éternelles. Tu dois placer sous tes chaussures des pics pour avancer sur le sol durci par la glace. Je ne vois pas d’edelweiss. Tu es le seul à te promener sur les plages normandes en chaussures de montagne. Rien ne pousse dans le sable se dérobant sous ton pied. Mais dans la terre noire des falaises fleurissent des radioles d’oursins et tout un monde marin s’y meut.
- F-25080281_On peut écrire la biographie de quelqu’un à partir de ses chaussures.
- F-25080282_Sous la semelle des pantoufles qui foule l’herbe du jardin, des chatons de bouleau et une population dense de grands arbres peut-être une forêt de chênes et de marronniers.
- F-25080283_J’imagine à présent que tu marches sur les arbres à l’envers de tes pieds comme si des bouquets de chou-fleur ou de brocoli avaient pris racine sous ta voûte plantaire.
- F-25080284_Je me demande quel arbre pourrait soulever la pierre qui te recouvre comme un couvercle de marmite. Il s’élèverait dans l’allée du cimetière et fournirait un peu d’ombre à cet endroit où nous irions manger des fruits sucrés gorgés de jus. Nous tendrions nos bras sous les branches qui rejoindraient le ciel en s’y accrochant.
- F-25080285_Je rêve d’un pique-nique au cimetière.
- F-25080286_D’une grande fête païenne.
- F-25080286_ Il faut parler des choses qu’on n’ose pas sinon on ne dit rien.
- F-25080287_Cette phrase me plaît il faut parler des choses qu’on n’ose pas sinon on ne dit rien.
- F-25080288_Un peu longue pour un titre.
- F-25080289_Moi qui suis citadine je porte sous mes semelles un paysage d’os de bitume et de béton de goudron et d’asphalte au lieu d’herbe grasse céréales pois blés orges maïs colza. J’y coudrai la plaine comme une tapisserie à damiers dont il faudra replier les bords pour la faire rentrer à petits points serrés sur une surface aussi petite.
- F-25080290_La plaine à damiers est le terrain de jeu de la moissonneuse-batteuse.
- F-25080291_La plaine est aussi le lieu de toute animosité.
- F-25080292_Il faut être d’ici pour savoir
- F-25080293_comprendre les querelles intestines remontant parfois à plusieurs générations.
- F-25080294_Le remembrement des années soixante-soixante-dix en est souvent le nœud.
- F-25080295_On ne se doute pas aujourd’hui des guerres qui ont été menées
- F-25080296_des fossés qui se sont creusés
- F-25080297_des fâcheries
- F-25080298_les mots prononcés
- F-25080299_insultes
- F-25080300_lettres de menaces
- F-25080301_les fusils
- F-25080302_qui n’a pas un fusil à portée de main
- F-25080303_Faut faire fuir les renards
- F-25080304_intimider les voleurs de poules
- F-25080305_décourager la maréchaussée
- F-25080306_montrer de quel bois on se chauffe
- F-25080307_Tout ça transpire encore.
- F-25080308_Je n’ai rien apporté au beau-père ni terre ni grange ni chameau.
- F-25080309_Il aurait aimé un mariage arrangé
- F-25080310_un mariage qui aurait agrandi le cheptel la surface la propriété
- F-25080311_La moitié du canton se serait déplacée pour voir congratuler commérer.
- F-25080312_Nous nous sommes mariés en ville dans l’intimité.
- F-25080313_Oui je le veux loin des commérages qui ont quand même eu lieu vous vous rendez compte il a puis marié son fils avec une Lyonnaise.
- F-25080314_C’est bien avant la vache morte.
- F-25080315_Revenir au présent.
- F-25080316_C’est bien avant la vache morte et le mouton transgénique.
- F-25080317_C’est après qu’on l’a rêvée la noce.
- F-25080318_ Je n’ai ni voile ni robe blanche. Nous évitons la campagne pour nous marier en ville. Depuis l’appartement familial nous allons à pied à la mairie d’arrondissement, nous devant la noce derrière. Il ne manque que le violoniste pour ouvrir le chemin et la charrette tirée par un cheval pour transporter les vieux parents à la traîne. La noce emprunte le métro. Dans la rame sans chauffeur nous sommes stoïques, moi avec mon bouquet de fleurs fraîches à la main, lui avec son nœud papillon et sa chemise à carreaux. En fin de journée la noce monte sur la colline admirer le paysage redescend par des escaliers sinueux et se promène dans les rues de la vieille ville. Nous crions avec la cloche.Une vache morte flotte au-dessus du ciel comme sur une toile de Chagall. Avec le tracteur de la route qui descend. Avec son moteur. Avec le galop du cheval. Avec sa robe trempée de sueur.Et les flonflons.J’ai toujours mon bouquet de mariée à la main embaumant le jasmin et le seringa. Au matin sa mère les cueillit dans le jardin coupe une rose rouge et un lupin attache le tout avec un lien de dentelle anglaise. Ma robe est noire agrémentée d’un petit col blanc claudine. Cachée par le rideau de la fenêtre on ne voit pas tout de suite la vache voler.
- F-25080319_Le matin du jour où il meurt il porte un short et la poubelle. Sous la bâche noire il y a une vache morte. Le soir il ne voit pas qu’elle n’y est plus il est mort.
- F-25080320_Alors je rembobine le film. Avec la poubelle et son short il revient à la maison à reculons. La vache sort de dessous la bâche et rentre tranquillement à l’étable elle aussi à reculons nourrir son veau.
- F-25080321_Je me réveille au contact de ses lèvres sur les miennes. J’ouvre brusquement les yeux.
- F-25080322_Le mouton transgénique je ne l’ai pas rêvé.
- F-25080323_Je le vois dans une gazette nantaise.
- F-25080324_« Compter les moutons dans le noir, facile ! »
- F-25080325_« Il sera désormais plus simple de les compter pour s’endormir. Un groupe de chercheurs uruguayens a annoncé la naissance de moutons phosphorescents. Ces animaux transgéniques ont reçu un gène de méduse dans leur ADN, les rendant fluorescents sous une lumière ultra violette. »
- F-25080326_Appliqué au cancer, ce gène de méduse permettrait de repérer dans le corps toute tumeur par phosphorescence ou fluorescence qui s’allumerait la nuit.
- F-25080327_On n’a rien vu.
- F-25080328_Tu n’as rien senti.
- F-25080329_Juste une sciatique.
- F-25080340_ Qui ne souffre pas d’une sciatique un jour ou l’autre ?
- F-25080341_Et n’en meurt pas.
- F-25080342_Des séances de kinésithérapie prescrites.
- F-25080343_Mais pas le temps. Pas vraiment le temps.
- F-25080344_Soigner la sciatique aurait-il permis de soigner le cancer ?
- F-25080345_Je suis en perte de vitesse.
- F-25080346_Je me sens en perte de vitesse.
- F-25080347_Se sentir en perte de vitesse est-ce la même chose qu’être en perte de vitesse ?
- F-25080348_Je tourne en rond. L’écriture tourne en rond. S’appauvrit. Je trouve.
- F-25080349_Eprouver la solitude du clavier
- F-25080350_l’appauvrissement de l’écriture
- F-25080351_l’assèchement des mots.
- F-25090352_Il faut se rendre à l’évidence. Je ne tiens pas le rythme. Si j’avais tenu le rythme depuis le 18 août 2025 à raison de 35 fragments par jour j’en aurais écrit 630. Je peine au bout de 350. A ce jour 4 septembre 2025 il manque 650 fragments pour arriver à mille. J’ai rempli le contrat au tiers.
- F-25080353_puis-je arrêter là ce chantier parce que je n’en vois pas le bout ni l’utilité
bien sûr que oui
me dis-je
bien sûr que je peux l’arrêter là
j’éteins l’ordinateur je ferme le cahier pensant qu’il est temps d’aller dormir après avoir fait de ce jour ce que je devais en faire
échanger avec la collaboratrice comptable échanger avec le chargé agricole du crédit du même nom télécharger des factures d’abord regarder la pluie tomber écrire ensuite
- F_25090354_Tout écrivain doute.
- F_25090355_J’écris je doute.
- F_25090356_Je devrais laisser la narratrice écrire.
- F_25090357_Elle écrit J’ai hérité d’une moissonneuse-batteuse.
- F_25090358_Elle aurait pu refuser.
- F_25090359_On a dû lui dire c’est tout ou rien. Et les dettes.
- F_25090360_Des dettes il n’y en avait pas.
- F_25090361_La moissonneuse-batteuse n’a rien demandé.
- F_25090362_Elle non plus.
- F_25090363_Moi non plus.
- F_25090364_J’ai hérité d’une moissonneuse-batteuse.
- F_25090365_Historiquement aucune femme n’avait hérité d’une moissonneuse-batteuse auparavant.
- F_25090366_C’est une première.
- F_25090367_Aucune gloire à retirer.
- F_25090368_Une moissonneuse-batteuse est un outil de travail.
- F_25090369_Un investissement.
- F_25090370_Un amortissement.
- F_25090371_L’engin s’amortit comptablement parlant sur sept ans huit ans maximum.
- F_25090372_Il ne s’agit pas d’un modèle réduit en plastique.
- F_25090373_Il existe plusieurs échelles de modèle réduit.
- F_25090374_Je possède aussi un pin’s datant de l’époque des pin’s. Le premier à s’épingler sur le tableau des pin’s.
- F_25090375_On le trouve pour 3 € sur un site d’occasion.
- F_25090376_Une vraie moissonneuse-batteuse est beaucoup plus chère.
- F_25090377_Plusieurs centaines de milliers d’euros.
- F_25090378_Qui emprunte autant pour s’abrutir de travail le temps des moissons ?
- F_25090379_Les moissons c’est non-stop du début à la fin. Tant qu’il fait beau on tourne.
- F_25090380_On dit que la moissonneuse-batteuse tourne quand elle moissonne.
- F_25080381_Tu tournes aujourd’hui ?
- F_25090382_On a tourné jusqu’à deux heures du matin, y’ avait pas de rosée. On aurait pu tourner plus longtemps mais y’ a avait plus de bennes.
- F_25090383_Le temps des moissons le moissonneur vit sur sa machine.
- F_25080384_D’où l’importance des carreaux propres et du sol et des sièges. On dit qu’on pourrait manger parterre.
- F_25090385_Dans la cabine il y a un siège passager.
- F_25090386_Longtemps ça a été le mien.
- F_25090387_Là les jambon-beurre faciles à manger ont une saveur particulière. Et le café.
- F_25090388_On dit que l’enfant est né sur la machine.
- F_25090389_Il y a fait de bonnes siestes.
- F_25090390_Il y a soigné sa varicelle.
- F_25090391_C’est toujours mieux que l’école.
- F_25090392_L’habitacle est équipé d’un autoradio.
- F_25090393_On écoute France Musique ou Radio Classique FM.
- F_25090394_On écoute en direct tous les festivals de musique de l’été, Jazz à Vienne, Jazz in Marciac, Montreux… et même le festival Berlioz à défaut de pouvoir aller dans la cour du château Louis XI.
- F_25090395_Berlioz est né à La Côte Saint-André.
- F_25090396_Ses parents y sont enterrés.
- F_25090397_Berlioz est enterré au cimetière de Montmartre.
- F_25090398_Son père était médecin. Pionnier de l’acupuncture il l’introduit en France.
- F_25090399_Son fils capitaine au long cours. Il meurt de la fièvre jaune à La Havane.
- F_25090400_La branche paternelle dans la généalogie de mes enfants a sûrement côtoyé celle de Berlioz.
- F_25090401_La mienne a côtoyé celle de Victor Hugo sur les registres de Besançon.
- F_25090402_Berlioz a composé la Symphonie fantastique créée à Paris en 1830.
- F_25090403_Il existe plusieurs versions de la Symphonie fantastique dont une jouée avec des instruments de fortune et des objets de récupération. Je l’ai écoutée sur la machine au milieu de la plaine.
- F_25090404_J’ai hérité d’une moissonneuse-batteuse.
- F_25090405_Je n’aurais jamais pensé à une chose pareille. A une idée aussi saugrenue.
- F_25090406_Saugrenu : inattendu, bizarre et quelque peu ridicule.
- F_25090407_Cocasse.
- F_25090408_Cocasse : d’une étrangeté bouffonne, qui étonne et fait rire.
- F_25090409_Une mort inopinée ne peut qu’entraîner des conséquences cocasses.
- F_25090410_Il a fallu aller à la préfecture faire changer le nom sur la carte grise du véhicule.
- F_25090411_Du temps où l’on allait à la préfecture pour les démarches administratives.
- F_25090412_La préposée a pu changer le nom mais pas la date de naissance. J’ai pris huit ans d’un coup.
- F_25090413_Aujourd’hui si vous n’entrez pas dans les cases c’est mort.
- F_25090414_J’ai hérité d’une moissonneuse-batteuse.
- F_25090415_Le matin des obsèques aucune machine n’a tourné dans la plaine.
- F_25090416_Pour la cérémonie je suis allée seule et à pied au funérarium. Avec mes belles chaussures noires à semelles compensées j’ai eu mal aux pieds.
- F_25090417_Je portais la robe bleue que je portais la veille de sa mort.
- F_25090418_Celle qu’il avait retroussée.
- F_25090419_Nous ne savions pas que ça serait la dernière fois.
- F_25090420_L’aurions-nous su
- F_25090421_qu’est-ce qui aurait changé ?
- F_25090422_A un jour près il mourait dans mes bras.
- F_25090423_ J’ai été invitée à monter dans le corbillard pour me rendre du funérarium au cimetière. Assise entre deux croque-morts.
- F_25090424_Heureusement le corbillard n’est pas passé devant la ferme.
- F_25090425_J’ai renouvelé l’expérience du corbillard huit ans plus tard lors des obsèques de ma mère à Lyon.
- F_25090426_Il a remonté l’avenue Berthelot de l’hôpital Saint-Joseph Saint-Luc jusqu’au cimetière de la Guillotière Nouveau.
- F_25090427_L’urne funéraire est ensuite descendue au cimetière de valence dans la voiture de mon frère.
- F_25090428_En 2026 nous fêterons les 100 ans du caveau familial maternel.
- F_25090429_Le cimetière est un lieu de vie.
- F_25090430_Selon ses dernières volontés les cendres de mon père ont été répandues dans mon jardin.
- F_25090431_Quelques années plus tard on y a enterré une chatte.
- F_25090432_Mon père détestait les chats. Ça nous fait rire.
- F_25090433_La mort ne nous effraie pas.
- F_25090434_On vit avec.
- F_25090435_La mort il faut en parler.
- F_25090436_C’est important.
- F_25090437_La mort doit être réhabilitée dans nos sociétés occidentales.
- F_25090438_Il est dommageable de la cacher.
- F_25090439_de la taire.
- F_25090440_Elle peut vous faucher par surprise.
- F_25090441_Inopinément.
- F_25090442_Par exemple un 29 juin alors que les vacances sont là et les moissons.
- F_25090443_Que vos bras sentent le soleil.
- F_25090444_Que le ciel est bleu.
- F_25090445_On n’y a pas pensé.
- F_25090446_Il fallait que la machine tourne. Alors la machine a tourné.
- F_25090447_Pour le comptable un véhicule à l’arrêt coûte de l’argent.
- F_25090448_Il devrait tourner vingt-quatre sur vingt-quatre.
- F_25090449_Impossible.
- F_25090450_L’économie repose sur un raisonnement de rentabilité.
- F_25090451_On voit bien où ça nous mène.
- F_25090452_Par forcément là où on voudrait aller.
- F_25090453_On est toujours rattrapé par le principe de réalité.
- F_25090454_Les fragments F_ avancent plus vite que la facturation F_.
- F_25090455_Nous sommes au mois de septembre 2025 noté F_2509.
- F_25090456_Une moissonneuse-batteuse est plus souvent immobilisée qu’en mouvement.
- F_25090457_Pour autant il n’existe pas d’assurance garage comme cela peut arriver pour un véhicule qui ne roule pas.
- F_25090458_Par exemple un vieux tracteur pas assez vieux pour intéresser un collectionneur mais vieux quand même.
- F_25090459_La date de la première immatriculation : 10/10/1968.
- F_25090460_Impossible de mettre la main sur la carte grise dont je n’ai qu’une copie.
- F_25090461_Je l’offre à qui voudra bien établir une nouvelle carte grise et viendra le chercher à ses frais.
- F_25090462_Une moissonneuse-batteuse tourne à peine trois mois dans l’année.
- F_25090463_Le comptable ça le rend fou.
- F_25090464_Jadis
- F_25090465_ou dans un temps ancien
- F_25090466_ou à l’époque
- F_25090467_je n’étais pas encore née
- F_25090468_deux moissonneuses-batteuses descendaient de La Côte Saint-André dans l’Isère à Marsanne dans la Drôme au mois de juin chez un collègue entrepreneur.
- F_25090469_Tout le monde revenait dans la plaine à la mi-juillet avec quatre machines qui tournaient encore un bon mois.
- F_25090470_Aujourd’hui tout le monde a sa machine ou presque.
- F_25090471_J’exagère mais la concurrence est rude.
- F_25090472_La clientèle est restée fidèle.
- F_25090473_Au début des années quatre-vingt-dix il n’y avait qu’une CLAAS dans la plaine, la nôtre.
- F_25090474_Je ne risquais pas de me tromper pour la repérer.
- F_25090475_Si elle passait à la route, je savais que c’était la nôtre.
- F_25090476_Le temps passé à rouler est décompté du temps de travail.
- F_25090477_Disons qu’une moissonneuse-batteuse bat un bon hectare à l’heure. Le temps pour aller et venir de la parcelle n’est pas rémunéré en tant que tel. Notamment si vous devez aller plusieurs fois à la même parcelle parce que la pluie arrête le chantier ou que les céréales ne sont pas mûres sur l’ensemble de la parcelle.
- F_25090478_Le plaisir suprême est de rouler sur la départementale avec la moissonneuse-batteuse et de compter les voitures qui s’agglutinent au cul. Vingt, trente. La plupart du temps la circulation est telle que les automobilistes sont obligés de rester derrière.
- F_25090479_Un jour je conduisais la voiture du convoi exceptionnel sur la route étroite pour la largeur de la machine dans les bois de Chambaran. Un automobiliste n’a pas pris au sérieux la femme qui conduisait le véhicule orné d’un gyrophare, affichant un sourire narquois. Dans le rétroviseur je l’ai vu pilé devant l’engin. Il ne riait plus. Moi si. Les fossés sont profonds.
- F_25090480_Par beau temps la nuit du 13 au 14 juillet et le soir du 14 juillet tout le monde veut monter sur la machine pour assister à tous les feux d’artifices tirés tout autour de la plaine.
- F_25090481_Le soir du 14 juillet il faut faire la circulation sur la route qui passe devant la ferme. Les automobilistes venus voir le feu d’artifice dans le parc d’à côté ne savent pas ou ne veulent pas savoir qu’une fois engagée sur le chemin la machine est prioritaire. Les automobilistes n’écoutent pas une femme leur expliquant cela.
- F_25090482_Tant pis pour eux c’est à eux de reculer sur plusieurs mètres.
- F_25090483_Certains se rangent dans la cour de la ferme. Ceux-là n’ont vraiment rien compris. Ils comprennent quand ils se trouvent face à face avec un engin qui les dépasse.
- F_25090484_On a beau prévenir, chacun se croit plus fort.
- F_25090485_On ne fait pas le poids devant un monstre en tôle éclairé de toutes parts.
- F_25090486_La bêtise des gens nous amuse mais en fait non.
- F_25090487_Notre responsabilité est engagée.
- F_25090488_Le réservoir contient 800 litres de GNR (Gazole Non Routier).
- F_25090489_Tous les matins le chauffeur fait le plein.
- F_25090490_Avec un plein il est tranquille pour la journée.
- F_25090491_Quand je dis la journée c’est douze à quinze heures non-stop voire plus. A peine le temps de pisser.
- F_25090492_La journée commence à 7 heures.
- F_25090493_On ne sait pas quand elle finira.
- F_25090494_Ça dépend de la rosée du matin, de la météo, du vent qui se lève ou du vent qui tombe, de la rosée du soir, des pannes éventuelles, de l’état de remplissage des silos, du nombre de bennes disponibles.
- F_25090495_Il faut pouvoir être dépanné 24h/24 7 jours/7 dimanche et jours fériés compris.
- F_25090496_Ne pas être malade.
- F_25090497_Oui je le veux a été prononcé à la mairie.
- F_25090498_En plus de son travail, de la maison et des enfants, la femme de l’agriculteur est multitâche.
- F_25090499_Elle sait écrire alors elle fait les courriers, remplit les formulaires, établit les enveloppes, va à la poste.
- F_25090500_Aujourd’hui tout est dématérialisé.
- F_25090501_Ça n’empêche pas la paperasserie.
- F_25090502_Jamais autant de papier n’a circulé.
- F_25090503_Et c’est à l’usager de le fournir puisqu’il ne reçoit plus aucun courrier ou presque.
- F_25090504_Pour l’heure je suis contente d’écrire sur un clavier.
- F_25090505_Cependant cahiers et carnets ne sont pas loin.
- F_25090506_A la vie à la mort : Hector Berlioz (1803-1869) est quelqu’un d’entier, sa musique est sans compromission.
- F_25090507_La mort il faudrait l’apprendre comme on apprend à lire ou à écrire.
- F_25090508_La mort on ne sait pas ce que c’est.
- F_25090509_Tant qu’on y est pas confronté on ne sait pas.
- F_25090510_Après on essaie de vivre avec
- F_25090511_de l’apprivoiser.
- F_25090512_En même temps une mère ne devrait pas avoir à dire à son fils ton père est mort.
- F_25090513_NON PAS LUI
- F_25090514_POURQUOI ?
- F_25090515_Il pense à tous ceux qui auraient dû mourir à la place de son père.
- F_25090516_Ils sont nombreux c’est sûr.
- F_25090517_Maintenant je l’écris ton père est mort.
- F_25090518_C’est complètement surréaliste.
- F_25090519_Surréel.
- F_25090520_Au-delà du réel.
- F_25090521_Et pourtant bien réel.
- F_25090522_Ecrire ton père est mort donne aux mots une dimension irréelle.
- F_25090523_Qui est en dehors de la réalité.
- F_25090524_Entre la réalité et le texte il y a les mots.
- F_25090525_Les mots font barrage.
- F_25090526_Obstruction.
- F_25090527_En même temps ils éclaircissent
- F_25090528_aident à comprendre.
- F_25090529_C’est le matin. L’enfant avance sur le chemin devant la maison. Il est encore du bon côté de la porte celui qu’il va perdre en l’ouvrant. En franchissant le seuil il passe de l’autre côté celui où il va apprendre que
- F_25090530_Papa n’est pas là ? demande l’enfant ils l’ont gardé ?
- F_25090531_alors il faut le dire
- F_25090532_le fait qu’il n’y avait plus rien à faire
- F_25090533_dire ton père est mort.
- F_25090534_Ne pas esquiver la vérité.
- F_25090535_Ce à quoi l’esprit peut et doit donner son assentiment par suite d’un rapport de conformité avec l’objet de pensée, d’une cohérence interne de la pensée.
- F_25090536_Sans précipitation peut-être d’un pas lent ou traînant mais il ne traîne pas les pieds non plus sa marche est assurée il va dans sa chambre au fond du couloir.
- F_25090537_L’enfant donne son assentiment.
- F_25090538_Au bout d’une demi-heure peut-être, peut-être plus, personne ne l’a noté, l’enfant sort de sa chambre les yeux secs.
- F_25090539_Ça on en est presque sûrs.
- F_25090540_Mais qui est sûr et de quoi ?
- F_25090541_Avec sûreté cependant j’écris l’enfant sort de sa chambre les yeux secs, tenant sa casquette à la main il la remet sur sa tête d’un geste familier remontant le coude. C’est là qu’il quitte définitivement sa peau d’enfant.
- F_25090542_Il a treize ans et demi Il a du cœur, il aime la vie /Et la mort ne lui fait pas peur
- F_25090543_Il sait ce qu’il doit faire.
- F-25090544_Je sais qu’il va à la ferme préparer la machine.
- F_25090545_Il se réfugie dans son ventre d’où il va naître une seconde fois.
- F_25090546_Il est déçu de ne pas hériter de la moissonneuse-batteuse. Il est trop jeune. Il n’a que faire du quart de fenêtre de la maison et d’un pneu de voiture. Lui ce qu’il aurait voulu c’est la ferme.
- F_25090547_C’est moi qui ai hérité de la moissonneuse-batteuse
- F_25090548_et des vaches et du reste.
- F_25090549_Contrairement à Berlioz je ne suis pas née à La Côte Saint-André.
- F_25090550_Cependant je peux écrire après lui Je [vis] à La Côte-Saint-André, très petite ville de France, située dans le département de l’Isère, entre Vienne, Grenoble et Lyon.
- F_25090551_Du jour au lendemain une forme d’insouciance m’a quittée.
- F_25090552_Du jour au lendemain je suis entrée de plein fouet dans la vraie vie.
- F_25090553_Du jour au lendemain je suis entrée dans le monde des affaires.
- F_25090554_Incompatible pour moi avec celui de l’enseignement.
- F_25090555_J’ai encore fait quatre rentrées et puis j’ai mis fin à ce qui pour moi était devenu une mascarade.
- F_25090556_Je n’y avais plus ma place.
- F_25090557_J’avais surtout perdu mon principal appui.
- F_25090558_Et je n’étais plus en phase avec les réformes en accélération qui comme chacun le sait n’ont rien de pédagogique.
- F_25090559_Officiellement je suis pleinement agricultrice.
- F_25090560_Ce qui ne me serait jamais, au grand jamais, venu à l’esprit.
- F_25090561_Je préfère dire fermière.
- F_25090562_Passeuse de relais.
- F_25090563_Facilitatrice de projets pour les jeunes qui travaillent avec moi.
- F_25090564_J’ai la chance de pouvoir aménager mon temps.
- F_25090565_C’est un luxe immense que de pouvoir aménager son temps.
- F_25090566_La vérité s’est lentement diffusée dans nos veines jusqu’à ce que nos esprits donnent leur assentiment.
- F_25090567_Mon entourage s’est demandé ce que j’allais devenir, seule à la campagne.
- F_25090568_Mon entourage s’était demandé ce que j’allais faire à la campagne en épousant un paysan.
- F_25090569_Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point.
- F_25090570_Lui mort, je n’avais plus vraiment de raison d’y rester. Et pourtant.
- F_25090571_J’ai hérité d’une moissonneuse-batteuse.
- F_25090572_ Ta vie s’est arrêtée quand tu es mort. Mais des choses vont continuer à m’arriver à cause de ça.
- F_25090573_ Mon écriture est poreuse. Elle prend l’accent de ce que je suis en train de lire.
- F_25090574_ Comme ma voix prend l’accent d’une ville.
- F_25090575_Puis l’enfant a arboré le même sourire fier que chaque fois qu’il ressort de sous le ventre de la moissonneuse-batteuse.
- F_25090576_La moissonneuse-batteuse est équipée d’un moteur Mercedes de 100 CV.
- F_25090577_J’imagine un attelage de cent chevaux tirer l’attirail de tôles et de ferraille avec ses roulements batteurs contre-batteurs grilles couteaux courroies vis sans fin
- F_25090578_Les heures du compteur et les heures du batteur sont dissociées laissant apparaître la formidable somme de temps matérialisée, l’extraordinaire inventaire d’heures passées à parcourir les mêmes éternelles routes et parcelles, les mêmes éternelles dizaines de kilomètres connus par cœur sans personne avec qui échanger un mot
- F_25090579_parce que le moissonneur est seul sur sa machine avec un autoradio pour couvrir le silence assourdi par le ronronnement du moteur
- F_25090580_le même moteur que le bateau qui effectue la traversée entre Brindisi et Amphilochie.
- F_25090581_Sur la machine on navigue sur toutes les mers à la fois surtout la mer terre.
- F_25090582_Je n’ai jamais autant voyagé que la moissonneuse-batteuse.
- F_25090583_Un voyage représente un aller-retour dans les grandes longueurs de la parcelle au préalable détourées.
- F_25090584_Il faut écrire beaucoup pour pouvoir gommer ensuite.
- F_25090585_Est-ce qu’on n’est pas bien là à peine secoué si ce n’est dans les raies de labours creusant un sillon un peu plus profond au bout du champ ?
- F_25090586_Est-ce qu’on ne resterait pas là toute sa vie ?
- F_25090587_Tomber au bas de l’échelle et mourir-là ne serait-ce pas ce qu’on appelle une belle mort ?
- F_25090588_Chuter sans bruit dans les pois fourragers dire qu’est-ce qu’il m’arrive et s’évanouir ne plus penser à rien n’est-ce pas une belle mort ?
- F_25090589_Au moment de la chute il n’est pas encore mort pas encore ce n’est pas la chute qui a provoqué la mort mais un dysfonctionnement interne qui a provoqué la chute puis la mort
- F_25090590_une mort inopinée
- F_25090591_dont la conséquence cocasse est que j’ai hérité d’une moissonneuse-batteuse.
- F_25090592_Si on me l’avait prédit je ne l’aurais pas cru.
- F_25090593_J’aurais ri.
- F_25090594_Aujourd’hui peut-être que j’en ris.
- F_25090597_Au bout de dix ans j’en ris.
- F_25090595_J’en ai connu qui sont morts dans leur lit
- F_25090596_d’autres dans leur salle de classe.
- F_25090697_Personne pour autant n’a hérité du tableau noir.
- F_25090698_Depuis la chute dans les pois fourragers jusqu’à l’envolée en hélicoptère au CHU le plus proche la moissonneuse-batteuse n’est plus le havre de paix que j’ai connu
- F_25090699_une parenthèse hors du temps.
F-25080031_Adèle Yon, Mon vrai nom est Elisabeth, Éditions du sous-sol, 2025
F-25080038 0262_Olivia Rosenthal, Une femme sur le fil, Verticales, 2025 [997]
F-25080039_Chantal Akerman, Ma mère rit, Mercure de France, 2013
F-25080053_Rouda,Les mots nus,Ed.Liana Levi, 2023
F-25080054_Bérénice Pichat, La Petite Bonne, Les Avrils, 2023
F-25080119 0120_roman graphique d'Ugo Bienvenu, Denoël, 2014 d'après le roman éponyme de David Vann,Sukkwan Island, 2008
F-25080135 0145 0177 0286 0287_Commentaire d'Emmanuelle Cordiolani à Emilie Kah
F-25080229_Joël Baqué, La mer c’est rien du tout, P.O.L, 2020
F-25080250_Simon Parcot, Le bord du monde est vertical, Le mot et le reste, 2022
F-25090353_librement inspiré de Mathieu Belezi, Cantique du chaos, 2025
F_25090506_https://www.festivalberlioz.com/programmation/
F_25090530_Agnès Martin-Lugand, L’Homme aux mille détours, 2023
F_25090535_Le Nouveau Petit Robert 2009
F_25090542_Jacques Higelin, « Pars », 1978
F_25090550_Hector Berlioz, Mémoires, 1870
F_25090569_Blaise Pascal
F_25090572_ Ugo Bienvenu 2014 d’après le roman éponyme de David Vann Sukkwan Island 2008
F_25090578 et F_25090585_librement inspiré de Sylvain Prudhomme, Là, avait dit Bahi, l’arbalète gallimard, 2012
Première version du 18/08/2025 22:04 du numéro 1 au F-25080035
Deuxième version du 19/08/2025 19:20 du F-25080036 au F-25080070
Troisième version du 20/08/2025 17:30 du F-25080071 au F-25080120
Quatrième version du 21/08/2025 22:30 du F-25080121 au F-2508150
Cinquième version du 22/05/2025 12:00 du F-2508151 au F-2508180
Sixième version du 23/08/2025 22:15 du F-2508181 au F-25080208
Septième version des 24 et 25/08/2025 19:45 du F-25080209 au F-25080260
Huitième version du 26/08/2025 22:40 du F-2025080261 au F-25080290
Neuvième version des 27 et 28/08/2025 21:40 du F-25080291 au F-25080351
Dixième version dernière et provisoire du 4 septembre 2025 F-25090352 et F-2509353
Onzième version du 10/09/2025 du F-25090354 au F-25090455
Douzième version du 12/09/2025 7:15 du F-25090456 au F-25090505
Treizième ajout du 12/09/2025 du F-25090506 au F-25090572 et du 14/09/2025 du F-25090573 au F-25090699
Merci pour ce texte déroutant ,très fort qui en dit tellement sur l absurdité du monde actuel …(code , inventaire, atomatisme…) bravo !
Première lectrice merci Carole ! (même si olivia Rosenthal n’aime pas le point d’exclamation). Il se pourrait bien que l’écriture dans ce grand chantier rejoigne l’absurdité du monde.
Et si toutes nos factures pouvaient être drôles,
Et si les vaches, les charolaises, celles du Mont d’Or et les autres, écrivaient sur des carnets ce qu’elles pensent et voient des Humains ?
Que j’aimerais lire ce qu’écrit cette héritière de moissonneuse-bâteuse.
J’ai eu proposé en atelier d’écriture ce que pouvait/pourrait penser une vache photo portrait à l’appui. La suite est en ligne… Merci Yael
force du premier fragment qui ouvre tout un récit
et quelle belle richesse là qui nous saute au visage entre variétés (de vaches bien sûr qui ont des noms de minéraux !) et détails étranges…
vraiment bien imaginé la variation dans le chiffrage des fragments
oh oui, on est curieux de la suite comme dit Yael
L’importance du chiffrage 😉 Je crois bien être partie de là. Merci Françoise pour ta curiosité à me suivre… J’ai écrit 35 fragments supplémentaires…
Cette saga agri-colo-comptable est vertigineuse et réjouissante. A s’y perdre de plaisir !
Merci Sylvia !
Gros chantier, mais tu vas l’écrire ce livre de deuil et de vie. Très touchée par les références à Adèle Yon et à Karen Blixen, les charolaises et tout ton monde. Je reste fille de vétérinaire qui aimait accompagner son père pour des césariennes de nuit dans la paille.
Les césariennes toujours de nuit sinon c’est pas drôle. Le veau remis dans les bras de l’enfant qui se rend ensuite au collège et dort pendant le cours de math ah ah ça s’est vu aussi…
Étonnée, surprise, captivée, j’aime ça! J’espère comme les autres lecteurs que tu vas écrire la suite, numéros jusqu’à 1000, histoire de chaque vache, nom de chaque vache!, (je verrai dorénavant toujours les charolaises autrement!) et de l’héritière.
Merci Cécile!
Merci Caroline pour ta fidélité ! A raison de 35 fragments/jour il faudra 28 jours et des poussières pour arriver à 1000. Je le tente…
Suis allée trop vite pardon Valérie. Oui je tente les 1000 avec vous toustes
le contraste entre la rigueur comptable des fragments et la tendresse des détails intimes, bravo de tenter les 1000 ! tu mèneras le chantier ici ?
Merci Caroline pour ta fidélité ! A raison de 35 fragments/jour il faudra 28 jours et des poussières pour arriver à 1000. Je le tente…
logique imparable ! et motivante, forza 🙂
(comme on dit à Bastia)
Tenter les mille avec toi, pourquoi pas. Tu me tentes. 35 par jour pendant 28 jours, au moins l’objectif est fixé.
Bravo pour ce chantier ! Belle énergie, chaque fragment entraîne, donne envie de lire la suite.
Bravo de t’y tenir et d’emprunter le je à la narratrice.
I’m semble que la cinquième version du 22/05/2025 12:00 du F-2508151 au F-2508180 s’est fait la malle. Ou que la moissonneuse l’a avalée ?
Voilà qui est empoigné ! As-tu lu Gustave Roud ?
Non mais je crois que François Bon l’avait évoqué lors d’un précédent atelier. Il faudrait que je le trouve. Merci Emmanuelle pour cette référence et pour le rafraîchissement de mémoire parpaing dans un autre commentaire.
Je lis ton texte FIL (certes avec un raccourci ) « Fil solidement tenu des mille histoires » et je pense belle amorce pour tenir 1000 fragments.
Le fil aérien « qui tient solidement les escalades des grimpeurs et des belles ascensionneuses de l’histoire telle qu’elle se raconte » mène aux « montagnes dont le fil des crêtes est éclair du ciel figé pour l’instant dans la pierre » et l’écriture brode au sein de l’intimité des familles.
C’est très beau et infiniment touchant pour moi. ma mère était fille de la ville venue voler un paysan que sa soeur et ses tantes auraient bien voulu garder. Jamais totalement acceptée.
Entrepreneur de battage depuis 5 générations ! Cela fait remonter aux tous débuts de la mécanisation, motorisation. 1900 ?
Merci Danièle, toujours très touchée par tes lectures.
Gourmande cette salve 261-290 ! J’ai beaucoup goûter (ce sont les mots qui sont gourmands — gourmands en temps aussi d’ailleurs…). Alors un pique-nique de semelles-paysages (et parfums et saveurs et matières et) ? Va pour !
Merci Christophe pour cette remarque qui ouvre une piste vers Ryoko Sekiguchi dont on a parlé dans un précédent atelier et que François Bon avait invitée pour une rencontre en visio.
« Je vais appliquer ce principe à mes fragments. F indiquera ici Fragment non plus Facture. Si les fragments doivent bouger en cours d’écriture, seuls les quatre derniers chiffres changeront.
10_Qui des factures ou des fragments arrivera à 1000 en premier ? »
( une course? ) c’est cet aller retour entre le concret des jours .. les outils, les bêtes, les comptes, et le chemin d’écriture qui touche si fort ( « l’humour » au cœur des pages donne ‘aussi l’envie de pleurer) « F-25080281_On peut écrire la biographie de quelqu’un à partir de ses chaussures.
F-25080282_Sous la semelle des pantoufles qui foule l’herbe du jardin, des chatons de bouleau et une population dense de grands arbres peut-être une forêt de chênes et de marronniers.
F-25080283_J’imagine à présent que tu marches sur les arbres à l’envers de tes pieds comme si des bouquets de chou-fleur ou de brocoli avaient pris racine sous ta voûte plantaire. » : au hasard presque – ce qui m’émeut dans tes fragments… je pense aux souliers de Van Gogh… je pense aux ciels terres cul par dessus tête de Chagall … je pense à Ramuz … Je pense surtout à cette façon à toi d’enchainer les images et de les faire résonner : à la vie à la mort . ( je ne regarde plus les vaches pareil ni les moissonneuses batteuses )
A la vie à la mort : c’est drôle que tu emploies cette expression Nathalie parce que c’est le thème du festival Berlioz qui se tient en ce moment ici même. Je ne connais pas Ramuz, je vais aller voir qui il est (poète suisse : Emmanuelle Cordiolani évoque, elle, Gustave Roud (poète suisse). Merci merci à vous !
non,non, ça ne s’appauvrit pas au contraire ça s’élargit dans l’espace (le remembrement) et dans le temps (retour en arrière). J’aime bien aussi les moments où le récit prend le dessus (le mariage).
Super fragments. Merci pour cette aventure lue avec délectation.
Merci Louise pour le plaisir partagé
Lu les derniers F…………..354 …………….. Magnifique. Rien à changer/à travailler. Superbes, c’est mon avis.
Merci Louise T. pour cet encore encouragement. Du travail il y en a sûrement au moins pendant 546 fragments 🙂
Je te suis toujours Cécile. N’hésite pas à élargir sur Berlioz ou sur les gens du coin ou sur ta viie d’avant (d’enseignante) ou ton expérience d’animatrice d’atelier d’écriture. La « formule » d’Olivia Rosentahl ouvre des perspectives entre l’enquête auprès des autres et son propre vécu.
Je n’oublie pas que tu m’as invitée à venir te voir un jour. ça tient toujours ?
Merci Danièle ! Il existe déjà de nombreux écrits sur Berlioz et sur la vie de prof… Quant aux perspectives ouvertes elles sont immesurables.
Oui !
Très bonne idée de signaler en gras les nouveaux ajouts.