#rectoverso #01 | trois images, une scène

RECTO

La fin d’après-midi, il fait encore chaud. L’installé est enthousiaste, il serait capable de donner encore plus d’indications pour arriver jusque chez lui. Sa barbe est blanche comme doit l’être la montagne qui est en face de lui en hiver. La jeune fille paraît indifférente aux personnes, ne s’intéresser qu’aux chiens qui demandent à sortir de l’enclos qui a été bricolé pour eux avec des palettes. Le mont Cagire surveille, on pourrait dire que ce n’est qu’une montagne mais il surveille. Cela n’empêche pas que des choses se passent, comme cet ours tué à la place d’un sanglier -ils étaient plus rares que les ours en 1890… 

Au tout début d’après-midi sur le parking de la station, il y a bien du vent mais ça n’empêche pas de travailler. Les cabines du téléphérique sont à l’arrêt mais elles ne se balancent que mollement. La stagiaire fronce les sourcils au moment de décider où accrocher l’affiche : il faut qu’elle ait des chances d’être vue et il ne faut pas que le vent l’arrache. Le maître de stage, avec son tee-shirt marine presque noir aux inscriptions blanches bien contrastées regarde ailleurs, ce sont les touristes qui l’intéressent. Le ciel est calme, le département n’est classé qu’en jaune, tout va bien.

En milieu d’après-midi, au mas de Coutal, le visiteur téléphone pour qu’on lui indique la fin du parcours. Son ancienne collègue et son fils commencent à marcher entre les murs de pierre sèche. Des cigales chantent et les murs en paraissent encore plus blancs. Le soleil les rend éclatants. Au bout du chemin, il y a un grand marronnier, le visiteur y gare sa voiture, le plus à l’ombre possible. Coutal, ça voudrait dire charrette. Ou peut-être forge. Il y a des grumeaux de mâchefer entre certaines touffes d’herbe.

VERSO

On peut aller jusqu’à la station mais le téléphérique ne fonctionne pas cet après-midi. L’automobiliste qui vient d’avoir chaud même avec toutes les vitres ouvertes dans la montée voudrait aller à la réunion où on l’a invité, tout en haut. Il est contrarié et espère que quelque chose soit encore possible :« mais on n’est qu’en zone jaune !…». Le cycliste rêve lui à un endroit de sécurité inhabituelle en ville : « est-ce que je peux laisser mon vélo sur le parking le temps d’aller prendre un café ? ». La stagiaire a vraiment peur que le vent forcisse et que ça devienne compliqué : « est-ce qu’il y a encore des affiches à placer ? »… Mais le maître de stage ne peut pas lui répondre tout de suite parce que l’automobiliste insiste : « est-ce que ça ne va pas redémarrer puisqu’on voit bien que l’alerte ne dépasse pas le jaune ? ». Et le maître de stage répond toujours tranquillement : « non, c’est fini pour la journée » et aussi au cycliste : « il vaut mieux se méfier quand même, on ne peut pas contrôler tous les gens qui montent jusqu’à la station ». La stagiaire finit par être admirative.