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videoself | du soi fantôme

Ça mélangeait durement, dans l’insomnie de la nuit dernière. Mais j’étais clairement capable de discerner l’ensemble des points de tension qui se mêlaient :

 depuis 6 mois maintenant, le mercredi soir je dors à Cergy, entre 2 journées à l’école d’art, dans un hôtel très peu cher (ouf) qui m’attribue toujours une chambre au hasard de ses algorithmes, mais à n’importe quel étage qu’on soit ou côté du couloir c’est toujours la même chambre exactement – or, hier soir, je suis rentré chez moi et ne suis venu à Cergy que ce jeudi ;

 la semaine dernière, Vincent Gérard expliquait le principe des interpolations d’images en vidéo, et parlait d’un artiste (mais Vincent n’est pas là aujourd’hui, donc je ne sais ni qui ni quoi où comment) qui avait repris image par image une vidéo, supprimant les images réellement captées et ne gardant que les images « fantôme », proposant donc un film complètement séparé de toute captation réelle de ce qu’il figurait ;

 avais visionné récemment cette série de plusieurs centaines de films, le Cinématon de Jean Courant, avec pas mal d’amis dans ce boulot entamé il y a 20 ans...

 les portraits de Jagger mais surtout ceux de Charlie Watts attrapés par la presse ces 2 jours, alors qu’à la liste incluant Brian Jones, Gram Parons, Meredith Hunter et Ian Stewart (éléments structurants de ma bio, dite par les morts) vient de s’en ajouter un autre ;

 retour à Cergy encore avec la découverte, à mesure que je fréquente l’atelier vidéo, de combien ils sont nombreux à se filmer eux-mêmes, dans des dispositifs plastiques ou fictifs, et que ce que je prenais pour une sorte de commodité correspondait à un fil profond, lié aussi à cette maîtrise d’outils plus souples...

 donc la nuit dernière, j’étais assis sur une chaise (dans l’insomnie) et proposais deux plans fixes : l’un c’était une simple vidéo tournée avec mon appareil-photo, l’autre une reprise de cette vidéo en ne gardant que ces images interpolées fabriquées par l’algorithme de l’appareil (sauf que je ne sais pas faire, mais je ne doutais qu’on me l’explique), et donc être arrivé à produire ma propre binette en fantôme ;

 d’où le fait que, ce jeudi 20 mars 2014, à 13h49, et avant que la salle 304 retrouve sa circulation du studio écriture, j’ai réalisé (en contrejour, et m’autorisant simplement, sur la fin, à photographier avec l’iPhone le dispositif) l’autoportrait suivant – il suffit en fait de s’interpoler à soi-même, pour n’être plus qu’un soi fiction.

 


François Bon © Tiers Livre Éditeur, mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 20 mars 2014
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