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journal | voyager léger

une autre date au hasard :
2019.12.10 | Fribourg, ville rêveuse

Je me souviens d’un jour, monter dans le TGV à Montparnasse, tomber sur Olivier Py, me disant qu’il atterrissait juste de Montréal, et moi regardant instinctivement où étaient ses bagages, me disant comme si c’était normal : – Je ne prends pas de bagage, j’aime voyager léger. Et puis, alors qu’on partait prendre un café au bar du TGV, posant son ordi (l’époque des petits Mac blancs) et son passeport dessus, et disant : – À moi on ne vole jamais rien. Puisque de mon côté c’est plutôt le contraire, peut-être il y a des trucs que je ne comprends pas, en tout cas en revenant du wagon bar son Mac et son passeport étaient là. Quand je suis parti en Chine, en novembre, j’ai voulu voyager léger, j’ai juste pris mon mini sac à dos avec le Mac dedans, au point qu’en arrivant à l’hôtel de Shenzhen ils ont eu l’air un peu surpris, mais je voulais faire comme Jean-Joseph V.. Là, à Lyon c’était le contraire, réapprendre à trimbaler la valise à roulettes, dans le train, puis le métro de Lyon, puis le bout de rues pavées pour descendre à l’hôtel, mais dans la valise rien que de la ferraille d’ailleurs qui dépassait de la fermeture éclair, mon petit pupitre à lire debout (et ici, chez moi, alterner position assise et position debout à l’ordi), puisque sûr je n’en aurais pas trouvé sur place mais c’est bien encombrant et lourd pour 50’ chrono de lecture en public. J’avais aussi mon appareil-photo, mon Zoom, le chargeur du Mac (Pifarély avait oublié le sien, vous voyez, ça arrive à tout le monde), chaussettes de rechange et brosse à dents, mon livre des lettres de Lovecraft à New York mais parce que pas possible de laisser le rythme quotidien du blog 1925, mon Kindle mais je ne crois pas m’en être servi, dans le train je dormais, facebookais ou traduisais. Mais c’est tout, j’aurais donc mieux fait, plutôt que la valise avec le pupitre replié qui dépassait et rien d’autre, emporter mon pupitre tout debout devant moi, ça aurait été plus léger, plus commode et j’aurais même pu m’en servir dans le train, ou au changement de Marne-la-Vallée au retour. Bizarre hôtel, dans le vieux Lyon sur le quai de Saône, mais de cette bâtisse peinte en trompe-l’oeil des célébrités aussi locales que le saucisson. De longs couloirs qui passent d’une rue à celle de derrière, remplis de recoins et de chicanes, et la chambre une sorte de couloir elle-même, la petite rue en face si près qu’on la toucherait de la main, et tout aligné dans la longueur, la douche, le lit, une cheminée (commode pour faire du Mac debout), une table avec une télé (mais qui pour regarder une télé dans un hôtel), des cintres et la fenêtre. Mais il y avait une wifi correcte, le veilleur de nuit à l’accueil avec le sourire et donc tout allait bien. Quand j’arrive dans des villes comme Lyon, Marseille, Dijon ou d’autres, il y a toujours un moment où j’essaye de me souvenir des endroits où j’y ai dormi. Rien de Perec, tout le contraire : mémoire précise des lieux et des pourquoi, ce que je suis venu faire dans la ville (ces temps où de Lyon un train de nuit venu de Genève repartait de la Part-Dieu vers minuit et me laissait à Saint-Pierre des Corps vers 5 heures le matin, s’il existait encore je le reprendrais encore, combien de fois j’ai fait ça dormir la nuit dans les trains plutôt que perdre la moitié du jour) – je n’ai pas de mémoire exercée aux hôtels, sinon d’exception (Shenzhen par exemple) et si je revois vaguement l’endroit je ne me souviens plus de la chambre. C’est rageant parfois d’être sûr d’avoir dormi à tel endroit à une date et pour une occasion dont on se souvient, mais pas du tout l’hôtel. Au matin, le mercredi, en descendant rejoindre Pifarély pour monter ensemble villa Gillet (monter, oui, monter), ces énormes sacs empilés dans le couloir. Comme si les gens qui étaient venus dormir là, la veille au soir, on les évacuait dans ces sacs. Mais non, j’en ai soulevé un, c’était plutôt léger, en tout cas pas le poids d’un corps. Ça m’a troublé quand même.

 


François Bon © Tiers Livre Éditeur, mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 29 mai 2015
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