violent, pornographique, injurieux, diffamatoire, raciste, antisémite, négationniste, obscène, publicitaire

de l’art des choses inutiles, ou : Radio France n’a pas encore découvert les Creative Commons, et accessoirement quelques réflexions sur le TransMedia...


L’Auteur est un écrivain qui réalise également des reportages photographiques.

 

D’abord : passez voir sur site Radio France ces 50 Radiovisions, mises en perspectives TransMedia du futur de la radio. Et merci à Radio France de m’y avoir associé (trouvez mon intervention !).

La petite digression ci-dessous, juste dans la mesure où le problème juridique qu’elle pose, qui est au droit ce que la physique amusante était à la physique, permet d’interroger en tant que telle cette idée du TransMedia...

Et bien sûr rien de plus, signer des contrats inutiles c’est à peu près comme les cases non non non non qu’on coche sur la fiche verte à l’arrivée aux USA, on n’en fait pas une maladie !

 

Belle demande, même si trop rare, de la part de Radio France, pour les 50 ans de sa maison ronde, d’une commande à 50 artistes ou écrivains d’une réflexion pensée pour le web et concernant l’avenir de la radio.

À Anne Brunel, qui est à l’origine du premier site France Culture (le mien existait déjà depuis trois ans, j’avais répondu que de l’avenir je ne savais certes rien (c’est un des axiomes de l’époque présente, quand depuis au moins 10 ans nous n’avons su prévoir aucune des avancées techniques qui se sont révélées importantes), mais que j’étais plutôt attaché à cerner ce qui peut-être pouvait rester incontournable dans la radio, ce mystère de la voix devenue ondes électro-magnétiques, et que j’aimerais bien rendre un hommage aux micros, et ce temps plus lent où sont ces objets pourtant eux aussi de très haute technologie.

J’ai donc eu le plaisir, en mai dernier, conduit par Anne, d’entrer dans la Microthèque de Radio France. La commande alors devait être installée sur le site de la Maison de la Radio, qui fêtait ses 50 ans, courant du mois de juin. Livraison faite, et, la dizaine d’e-mails éclusée pour les questions de paiement et contrat, je recevais la rémunération prévue – et ça pour un auteur figurez-vous c’est toujours sympa je dis.

Comme ça traînait, j’ai inséré cet hommage ici sur Tiers Livre, accompagné de quelques-unes des photos faites ce jour-là à la volée, comme d’hab puisque c’est mon carnet de notes, avec le petit Canon G12 que j’avais à ce moment-là.

Mais est-ce que cette présence d’images avec le texte me définit comme photographe ?

Est-ce que précisément ce n’est pas là que la radio peut réviser son rôle, et le rehausser dans le présent ? Dans les années 80, lorsque invité comme co-producteur dans les Nuits Magnétiques, ou plus tard pour ces 3 feuilletons (Stones, Zeppelin, Dylan) qui ont été un tel enchantement à concevoir, c’est peut-être là que j’ai le plus appris du texte comme élément qui me revenait, mais inséré dans un chemin collectif où chacun à la fois interroge et nourrit l’autre, mais tient sa propre partie technique en solo : je sais me servir de ProTools, je ne ferais pas une prod radio avec.

C’est ce que je découvre actuellement via les Nouvelles Écritures de France Télévisions pour notre projet Fos, chacun de nous pratique évidemment tous les supports : interdirons-nous d’écrire au copain photographe ? M’énerve plutôt (et c’est un de mes plaisirs à travailler en école d’arts) que les copains musico ne s’autorisent pas assez d’écrire... quoique Facebook change un peu la donne, ces temps-ci (rendant plus faible ce saut de l’autorisation ? Passer chez Corneloup ou Segal...). Mais c’est l’avantage du travail collectif, à quoi ouvre le TransMedia, et qui rend encore plus stratégique l’idée d’une commande insitutionnelle, ou le rôle de la télévision ou de la radio publiques : collectif où chacun accomplit ce qui lui revient de son domaine. Pour Fos nous sommes au moins 5 sur le terrain, ingé son, chef op, conceptrice web, réalisateur film – mais cela est encore battu en brèche par le fait qu’une petite vidéo iPhone d’un des protagonistes de l’usine peut en dire plus que nous-mêmes avec notre Canon C100 à 5 000 €, et encore plus lorsque le film part des textes écrits par les participants eux-mêmes. Le collectif accomplit le métier de chacun, et à la fois exige et annule l’utilisation par chacun de l’ensemble des media convoqués par l’objet web.

Donc retour Radiovisions : en juillet on apprend que Radio France décale la mise en ligne à septembre, et puis voilà enfin l’objet lancé, ce 15 novembre.

Je reste bien sûr très fier d’y être associé, et c’est une réflexion décisive pour moi. Sur l’imaginaire radiophonique, sur l’utilisation du son dans le web, sur l’importance démocratique et citoyenne d’une radio de service public, et cette magnifique intersection avec la création qui a pu être sa marque dans les années 60 à 90, l’importance du Hörspiel pour Perec comme trace exemplaire, et même si cette période semble bien révolue, le bénéfice que j’en ai tiré n’est pas d’ordre seulement alimentaire, il était dans ces enquêtes de terrain menées Nagra en main, il était dans la fatigue au bout d’heures et d’heures de studio dans la Maison de la Radio déserte pour enfin arriver à notre Prêt à Diffuser...

Et trop marqué aussi par le fabuleux texte de Robida, La fin des livres qui est, à la toute fin du XIXe siècle, une prémonition géniale de l’écoute et de la retransmission audio, miniaturisée, individualisée – le vrai visionnaire de la radio c’est lui ! Et il aurait bien mérité lui aussi une reprise côté Radio France...

Alors passez visiter cette belle réalisation des Radiovisions, et très attentif aussi à comment le site Radio France tente de le mettre en valeur et aux très originales solutions testées pour une visite cartographique des 50 propositions – ce qui est pour nous tous un défi permanent.

Et bravo Anne Brunel, les réponses de chacun sont d’emblée TransMedia : deux vidéos en diptyque ici, une planche BD , une création sonore, des jeux graphiques. Nous avançons tous à tâtons mais résolus dans la fascination d’un outil qui déplace et rehausse nos possibilités narratives.

Au point qu’elle paraît bien timide, ma visite dans ce réduit de ciment qui pourtant abrite tant de pépites, et la rencontre des trois magasiniers (mais bricoleurs, mais géniaux dans l’écoute) chargés de cette équation toujours miraculeuse : proposer au technicien qui vient avec son panier les micros les plus adaptés à l’usage précis de ce qu’il va enregistrer. Et croiser là, des vingt ou trente dont disposait la radio nationale en 1945, le micro Harmonium qu’on a gardé tandis que les autres partaient à la ferraille (pas le droit de revendre la propriété publique, et penser que De Gaulle ou Edith PIaf s’en étaient probablement servi...).

Alors surprise de recevoir, plus long que le texte livré, à imprimer en deux exemplaires, parapher, signer et retourner à l’ami Joël Ronez, dûment habilité aux fins des présentes, le contrat qui stipule ceci :

L’Auteur est un écrivain qui réalise également des reportages photographiques.

Radio France s’est rapprochée de l’Auteur qui lui a proposé de réaliser une œuvre littéraire enrichie d’une série de sept (7) photographies et de liens hypertextes ayant pour objet de présenter sa vision de la radiophonie, ce que Radio France a accepté (ci-après dénommées « les Créations »).

Or, les images numériques présentes sur mon site, captées dans les locaux de Radio France avec un banal petit appareil à tout faire, je ne sais pas si elles relèvent de la photographie, mais en tout cas elles sont dûment diffusées sous la licence Creative Commons de mon site.

D’autre part, j’ai déjà signé en mai une convention pour le texte, d’ailleurs il m’a déjà été payé. Donc, sans annuler le contrat précédent, on me propose un nouveau contrat uniquement pour justifier la reprise de mes quelques images de micro ? On suggérerait bien à Radio France qu’il vaudrait mieux consacrer leur temps et leurs efforts à un peu plus de commandes de création...

Mais bon, acceptons que les liens hypertextes inclus dans mon petit hommage soient à considérer aussi comme oeuvre (les lettres de l’alphabet aussi, probablement), le contrat comporte (Article 9) une clause de confidentialité qui fait que tout ce que je dis ici est illégal (« Les Parties s’engagent à tenir comme strictement confidentielles et par conséquent à ne pas divulguer à des tiers quels qu’ils soient, les conditions du présent Contrat pendant la durée du Contrat et les deux années qui suivent son terme »). Seulement, voilà ce que je dois parapher et signer :

De même, il garantit que les Créations ne sont pas contraires à la réglementation en vigueur, à l’ordre public et aux bonnes mœurs et, sans que cette liste soit exhaustive, elles ne pourront pas :
 être à caractère violent, pornographique, injurieux, diffamatoire, raciste, antisémite, négationniste… ;
 être susceptible(s) par leur nature de porter atteinte au respect de la personne humaine et de sa dignité, de l’égalité entre hommes et femmes et de la protection des enfants et des adolescents ;
 encourager à la commission de crimes et/ou de délits ;
 inciter à la consommation de produits illégaux ;
 inciter à la discrimination, à la haine ou à la violence ;
 être à caractère grossier ou obscène ;
 violer ou méconnaitre les droits de tiers et notamment droits de propriété intellectuelle (droits d’auteur, marques…), ni être susceptibles de constituer une atteinte à la présomption d’innocence ou porter atteinte à la vie privée des personnes ;
 respecter le droit à l’image des personnes et des objets photographiés, et/ou filmés pour lesquels il devra obtenir les autorisations nécessaires ;
 contenir une allusion publicitaire.

Mais, cher Joël, chère Maison de la Radio, puisque c’est déjà mis en ligne par vous-même sur votre propre site, vous le savez bien, tout ça ?

Et vous ne l’auriez pas mis en ligne si ça relevait de ces catégories ?

Et si le micro Millenium a servi aux responsables du IIIe Reich lors de leurs discours radiodiffusés de 1942 à 1944, le micro n’en est pas responsable, ni moi ni vous-mêmes ?

Et puis si dans mon texte, et mes photos, on voit le nom Neumann ou le nom Violet et que je dis l’excellence de ces marques, on tombe ou on ne tombe pas dans l’allusion publicitaire ? Doit-on dire magnétophone suisse de marque réputée au lieu de dire Nagra ?

Du coup, j’avais laissé en stand-by depuis 3 jours ledit contrat, mais deuxième message cet après-midi m’enjoignant de signer et renvoyer au plus vite. Demain y aura passage à la Poste (là elle vient de m’apporter le calendrier annuel avec les petits chats et les plans des sous-préfectures, notre préposée du quartier, mais je n’ai pas voulu l’en charger), plus paiement de timbre et tout ça.

Je viens de parapher mon accord de la définition suivante, en tête du contrat :

Radio France est une entreprise du secteur audiovisuel chargée d’une mission de service public qui édite plusieurs chaînes de radio et sites internet dont les programmes ont notamment une forte vocation culturelle.

Je ne suis pas sûr du mot vocation ni du mot culturel – on est artiste et on fait de l’art, et on le fait parce que ça cherche et ça dérange, sinon c’est les radios de merdouille qui ne sont pas Radio France. J’aime par contre l’idée que Radio France édite à la fois ses propres chaînes radiophoniques ET son site Internet.

Et quand même, peut-être qu’un petit bout de chemin sur les Creative Commons ça permettrait d’inventer plus vite et mieux, et que la blogosphère, dans sa force créative, ça pourrait être bien mieux et beaucoup plus un partenaire de Radio France et pourquoi on y tient ?

 

pornographie négationniste en ligne : micros photographiés à la Maison de la Radio (et tous ceux qui parlèrent dedans)

responsable publication François Bon © Tiers Livre Éditeur, cf mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 25 novembre 2013
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