< Tiers Livre, le journal images : 2020.04.27 | 1 km 1 h #2, rue secrète

2020.04.27 | 1 km 1 h #2, rue secrète

une autre date au hasard :
2017.01.28 | pour qui le courrier du 391 ?
précédent _ suivant

Je savais que Bergson et Anatole France avaient vécu dans cette même commune où j’habite, mais Bergson on ne voit rien que les grilles, et pour Anatole France ils ont planté une plume géante de stylo-plume en fer sur le rond-point devant le Super U. Tocqueville y a eu droit aussi, mais devant le rond-point du Auchan.

De la fin XVIIIe au début XXe, la bourgeoisie de Tours migre vers ces vieux parcs, c’est Chateaubriand paraît-il qui le premier avait rapporté un cèdre, celui d’Ussé.

Moi Anatole France c’est de la vieille cam’, ce cancer bourgeois de la littérature, son Rabelais pour jeunes filles, mais je n’aurais jamais supposé qu’avec ça il puisse s’offrir une baraque de ce genre, pour venir y mourir avec sa 35ème épouse.

N’empêche que vingt ans que je vis là, et je n’étais jamais allé voir la plaque ni le portail. À l’époque, Tours c’était des imprimeries, des fonderies, le commerce évidemment ou les nouveaux pontes de la médecine comme Bretonneau, qui a peut-être le plus beau château.

Depuis c’est moins la gloire, les héritiers vendent par parcelles, ça fait des lotissements, de meilleur standing que celui décrit à la fin de L’homme foudroyé mais enfin, ça reste sur le même principe.

Découpe à la demande des anciens parcs et domaines pour ce Lego d’immeubles trois étages qui progressivement recouvre toute la ville, ça peut durer un moment pour s’offrir leurs voitures neuves.

Reste cette rue un peu secrète, qui part juste de chez Bergson et Anatole, et entre ses hauts murs, ses grilles à glycines et discrètes allées, revient vers le cimetière. J’aurais même juré qu’il n’était pas possible qu’il y ait en cet endroit une rue. Ce n’est pas faute d’être passé à côté, revenant justement du Auchan ou de la Poste avec mes bouquins.

Alors tu te demandes comment ils vivent, dans ces parcs et ces lumières, ces maisons trop grandes pour qu’on ouvre tous les volets. Tu te demandes comment il peut y avoir autant de riches dans le monde d’aujourd’hui.

Puis tu reviens à ton lotissement.

 

 


François Bon © Tiers Livre Éditeur, mentions légales
1ère mise en ligne et dernière modification le 27 avril 2020
merci aux 440 visiteurs qui ont consacré 1 minute au moins à cette page