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2022.05.07 | la Loire, neige des saules

J’ai toujours entretenu une relation ambivalente à la Loire : on s’était clairement installé ici pour la commodité du nœud ferroviaire, la proximité de Paris casse-croûte, et l’océan pas si loin. Le fleuve sans nom, sinon « l’eau » qui baigne Montréal, Québec, Baie Saint-Paul et même tout au bout Sept-Îles, Havre Saint-Pierre, l’île Michon et Natashquan, a une tout autre ampleur. La Loire, je la connais plutôt par l’Île Batailleuse de Julien Gracq que le bout de ma rue. C’est ce qui m’a aussi retenu de participer à la belle initiative (mais importée) du Parlement de Loire. Mais on ne vit pas au quotidien dans son environ immédiat, chaque fois qu’on va à la boulange ou qu’on prend la voiture pour la gare ou n’importe : on vit au rythme des crues, des lumières, des courants et des boues, ou des étiages (de plus en plus, les étiages). Ce lieu est singulier : une des plus célèbres nouvelles d’Algernon Blackwood, Les saules, que vénérait tant Lovecraft — et récemment rééditée par L’arbre vengeur — parle (mais pour le Danube) de ces arbres vivaces, enracinés dans ces zones livrées chaque hiver aux crues, et qui font de chaque île ou banc de sable un monde fantastique. Pour quelques jours, ces saules deviennent des monuments de coton, et ces houppes végétales recouvrent le sol comme une neige. La Loire rit bien de vos dédains (je ne parle ici que pour moi) : on s’incline, comme elle nous porte et nous ouvre à ses marches infinies de ciel.

 

 


François Bon © Tiers Livre Éditeur, mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 7 mai 2022
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