publie.net vu du dehors

merci à Morgane Bellier (IUT La Roche-sur-Yon) d’avoir consacré son mémoire à publie.net


Nous sommes souvent sollicités par des étudiants en master, même si beaucoup se contentent d’envoyer une sorte de QCM avec la mention merci de prendre 5 minutes pour répondre, là on ne répond même pas. Il nous serait impossible d’accéder à l’ensemble de ces demandes. Et bien sûr privilège aux établissements qui autorisent eux-mêmes l’accès à nos ressources (nous ne comptons aucune fac parisienne dans nos abonnés, probablement parce qu’on est éditeur de province ?).

Mais gratitude bien sûr à ces travaux, lorsqu’ils sont entrepris avec esprit d’ouverture, entretiens et dialogues (pour Morgane, elle ne m’a pas sollicité, mais bien sûr elle a pris liberté de s’adresser à qui elle voulait de l’équipe ou des auteurs).

Et, pour nous, c’est l’occasion d’un diagnostic, une cartographie, la perception qui nous est impossible parce que la tête dans le guidon. Donc une occasion très humble d’apprentissage, et mise à niveau des compteurs.

Ç’avait été le cas il y a 2 ans avec le très dense mémoire de Valentin Burger (toujours accessible ici). Lequel continue sa route d’écriture, notamment via ses interventions en prison à Marseille.

NOTA : voir correctif OE ci-dessous – des excuses aux deux. Pour Morgane il y avait un obstacle, et de taille : l’enseignant directeur de mémoire c’était Olivier Ertzscheid, le maître d’AffordanceInfo, qu’est pas spécialement un tendre sur les questions du web. Mais là c’est obstacle double : refuser ce serait encore plus de risque, ah dilemme...

En tout cas, Morgane (sur twitter @MorganeShanghai) a consulté, écrit, analysé ce qu’elle a souhaité comme elle l’a souhaité, on a découvert le texte seulement une fois entièrement bouclé, et c’est l’occasion d’un merci très simple et direct. Ça met les idées au clair.

À noter aussi la façon dont Morgane a mis au centre de son travail l’interrogation sur les nouveaux métiers qu’est susceptible de faire apparaître l’édition numérique, en rupture avec l’édition traditionnelle – que son mémoire se soit d’abord construit via dialogue avec Gwen Català et Roxane Lecomte est un point important.

Maintenant, attention : si je mets ici à disposition ce PDF (avec assentiment confirmé hier soir de MB et de OE), ce n’est pas pour le côté brosse à reluire. D’ailleurs tout va tellement vite que chaque bilan d’étape est déjà en partie mis en cause (voir cette réflexion de Roxane Lecomte sur sa démarche pour les nouvelles couvs publie.noir – à noter que RL est issue de la même formation avec le même enseignant). C’est parce que le travail de Morgane installe une vraie vision critique sur les enjeux du livre numérique, bien au-delà publie.net.

Et c’est là où il y a besoin de penser ensemble...

FB

Ci-dessous bref extrait de l’intro. Et télécharger ici le PDF intégral (2,9 Mo) :

Morgane Bellier | publie.net, portrait d’une coopérative d’édition numérique

Photographie ci-dessus : IUT de La Roche-sur-Yon, 20 octobre 2011.

 

Morgane Bellier | Comment construire une identité éditoriale originale au sein de l’écosystème réticulaire complexe d’Internet ?


L’édition numérique est une mutation qui divise et suscite de vives polémiques. L’émancipation du livre de son support papier millénaire pour une armature numérique encore jeune enthousiasme et inquiète. Les termes de guerre ou d’apocalypse sont même parfois employés. Il y a fission à un niveau si fondamental que les réactions sont souvent épidermiques et de l’ordre du sensuel ; c’est le poids du livre, sa matière, ses sons et ses odeurs qui manquent aux ennemis des livres électroniques.

Un milieu comme celui de l’édition, qui entretient des rapports privilégiés au livre en tant qu’objet, doit alors décider de faire partie ou non de cette (r)évolution. Des pays ont pleinement intégré la mutation, comme les États-Unis, la Corée du Sud ou le Danemark qui voient s’adapter leurs acteurs de la chaîne traditionnelle du livre imprimé. Des médiathèques, des libraires, comme Barnes&Nobles ou Amazon, intègrent à leur fonds documentaire des catalogues numériques, des fabricants industriels se mettent à fabriquer liseuses et tablettes : chacun tente de jouer un rôle dans ce milieu encore instable. Les éditeurs ont eux aussi l’occasion de structurer le visage du livre numérique. Ils doivent prendre en compte ses défauts et réfléchir à des solutions qui ne pénaliseront ni la création, ni les lecteurs. L’un de leurs sujets de préoccupation a été et est encore le problème du piratage. C’est un point de friction majeur entre eux et les lecteurs, la mise en place de verrous numériques étant une solution pour le moins perfectible : elle freine les lecteurs les plus prudents et n’effraient pas les plus habiles des pirates. Un autre problème touche surtout les éditeurs qui n’existent et n’éditent que sous le format numérique. Ceux qu’on nomme éditeurs pure player ou 100 % numérique vendent leurs livres sur Internet, et leurs lecteurs perdent l’anonymat que permet l’achat en librairie physique : le paiement par carte ou même via un compte en ligne spécialisé oblige l’internaute à signaler son identité. Les éditeurs que l’on qualifiera de traditionnels car principalement papier ont surtout peur de la première menace, celle du piratage. Ces thèmes sont déjà décortiqués et débattus par les scrutateurs de l’édition numérique, d’autres enjeux méritent d’être approfondis. Certains auteurs voient même l’arrivée d’une littérature publiée électroniquement comme une catastrophe, à l’instar de l’écrivain français Frédéric Beigbeder qui a publié un Premier bilan après l’apocalypse, où il liste les livres à sauver avant l’extinction du livre provoquée par le numérique. Il a pourtant accepté de rencontrer François Bon, créateur de publie.net, coopérative d’édition purement numérique.

L’échange entre les deux mondes est donc possible, mais dans l’univers du numérique les codes sont encore à créer. L’enjeu pour un éditeur qui a tout à expérimenter est donc de se définir sans s’éparpiller. Publie. net, structure née en 2008, s’épanouit dans l’espace virtuel d’Internet, un écosystème mobile, réticulaire, aux règles complexes et flexibles. Dans cette interface mondiale, publie.net se retrouve coopérative d’édition à l’échelle planétaire, bien qu’accessible surtout pour un public francophone. Ce paradigme nouveau, où l’édition est nativement internationale, nécessite d’incarner une ligne éditoriale précise afin d’être nettement repérable dans le paysage des éditeurs numériques.

Il apparaît alors essentiel de se construire une identité éditoriale solide et originale qui résistera aux tiraillements du web. Pour comprendre ce qui fonde celle de publie.net, il faut discerner les humains qui composent la coopérative et ceux avec qui elle coopère ou au contraire rivalise. Il est également intéressant d’analyser l’agencement de son site web. Fouiller l’intérieur de la structure et découvrir quelle vision de la littérature numérique s’y cache, étudier comment les échanges économiques s’y articulent permet de percer à jour les mécanismes de construction de son identité.

L’édition numérique se construit en ce moment même, elle n’est pas figée ou déjà stabilisée dans une chaîne aussi normée que celle du livre papier : ce sont les choix, les liens et les actes de ceux qui l’investissent qui sont en train de la dessiner, d’un biotope brouillon à un écosystème complexe.

Évoquer le cheminement du fondateur de publie.net fait donc sens, quand celui-ci est si souvent qualifié de pionnier du web : son parcours fait écho à l’arrivée de la littérature dans le champ du numérique. Il a également lié publie.net au web en utilisant le réseau comme force de création, en mettant en relation ses contacts : auteurs, éditeurs, blogueurs... et en faisant de sa coopérative d’édition une réelle construction collective, où chacun est acteur du projet publie.net. Celui-ci est ainsi au coeur d’une transformation radicale de l’édition, où le livre ne vient plus d’un processus vertical, mais où il naît dans la transversalité, à l’horizontale. Les rôles sont alors transformés, de nouveaux métiers hybrides entre maquettiste et web designer apparaissent.

Ce remaniement de la structure éditoriale, avec la coopération comme moteur, permet de mieux cerner l’originalité de publie.net comme éditeur numérique et comprendre ce qui forge son identité éditoriale.

 

Morgane Bellier, mémoire pour l’IUT de la Roche-sur-Yon, extrait de l’introduction.


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1ère mise en ligne et dernière modification le 20 mars 2012
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